VAN DER GRAAF GENERATOR – Real Time
(FIE! Records / Strange Days Records)
Incroyable ! À une époque où le moindre enregistrement – officiel ou non – de concert peut être mis à disposition en téléchargement dans les jours qui suivent, voire le lendemain, il se trouve encore des artistes qui se payent le luxe de faire poireauter leurs fans pendant deux ans pour qu’ils puissent se procurer cet enregistrement live sur support numérique officiel… alors que tous l’ont déjà en audio comme en vidéo.
C’est le cas de ce concert de VAN DER GRAAF GENERATOR, annoncé de longue date et qui est publié finalement sur le label de Peter HAMMILL, après avoir été pressenti sur un label américain, alors même que le précédent album studio du groupe, Present, était tout bonnement paru chez Virgin/EMI. Ce sont donc des tergiversations contractuelles qui ont retardé sa parution, relançant ainsi la réputation de VDGG comme groupe « maudit » !
Malgré l’allongement du délai de publication, les membres du groupe se sont bien gardés de retoucher quoi que ce soit : ce que contient ce double CD est l’intègre intégralité, à la seconde et à la note près, de ce concert événementiel du 6 mai 2005 au Royal Festival Hall de Londres qui marquait le retour sur scène d’une formation qui avait disparu depuis 1976.
Écouter cet album équivaut, pour ceux qui y étaient, à revivre l’instant sans filtrage mnémonique ; et pour ceux qui n’y étaient pas de conjurer leur coupable manquement. Bref, c’est du temps passé rembobiné en temps réel, comme son titre l’indique.
Le point fort de cet album est évidemment sa qualité sonore exceptionnelle, bien supérieure aux prises pirates qui ont circulé ça et là, et même nettement meilleure à l’acoustique de la salle, manifestement peu adaptée aux formations électriques. De là à penser qu’on aurait mieux fait de rester chez soi pour écouter ça…
La performance a été si scrupuleusement répétée qu’elle ne dépasse pas le niveau du « nostalgiquement correct », avec un répertoire seventies prédominant et, surtout, joué de manière quasi conforme aux tournées de 1975-76. Seulement deux morceaux ont été joués du nouvel album Present, dont on se demande si c’était finalement une bonne idée que de le sortir juste avant cette « tournée de réunion » passéiste.
Il y a une évidente et compréhensible forte charge émotionnelle qui a présidé à ce concert événementiel londonien, tant côté public que côté musiciens, lesquels, malgré une implication plus que convenable dans ces retrouvailles avec un répertoire qu’ils n’avaient pas joué depuis des lustres, n’ont pu s’empêcher de déraper par endroits. Ainsi, dès le premier morceau, The Undercover Man, Peter HAMMILL se plante en chantant deux fois le même couplet ! Mais il le fait avec une telle conviction qu’on s’en rend à peine compte… Ah ! le plaisir pervers d’écouter des bandes live non « overdubbées » ! Au moins, chez VDGG, on ne triche pas.
Quoi qu’il en soit, VDGG a réussi ce soir-là son retour, ce qui n’est déjà pas si mal. On a connu des reformations beaucoup plus calamiteuses… Et en plus d’immortaliser un moment historique pour VDGG, Real Time comble un vide certain dans la discographie de VDGG puisqu’il n’existait à ce jour aucun disque en concert du quartet BANTON/EVANS/HAMMILL/JACKSON (à part éventuellement les BBC Sessions, mais qui sont jouées live en studio).
Cela dit, le succès de cet événement au Royal Festival Hall – présenté au départ comme une réunion ponctuelle – a été tel qu’une tournée a été organisée dans la foulée qui s’est étalée sur l’été et l’automne 2005. Ainsi, dans les semaines qui ont suivi, le Générateur a eu l’occasion de se dévergonder davantage, de mieux maîtriser ses compos tout en prenant plus de risques et d’atteindre une intensité, une rage qui ont fait un peu défaut à Londres.
C’est pourquoi Real Time n’est pas non plus LE document ultime de cette tournée 2005, et ce concert n’est pas le plus représentatif ni le plus accompli de celle-ci.
Il était question que ce double CD soit accompagné d’un DVD reprenant un concert de novembre 2005 filmé pour l’émission allemande Rockpalast. On peut effectivement regretter cette absence, même si, là encore, cette performance de VDGG n’est pas nécessairement la meilleure.
Une fois de plus, c’est l’éditeur japonais de ce double album (Strange Days Records) qui a tout compris, puisqu’il propose carrément un CD bonus comprenant des extraits inédits de quelques concerts de juillet 2005 ! Loin de faire doublon avec le répertoire du concert londonien, ces extraits le complètent. On y trouve en effet plusieurs morceaux qui manquaient cruellement lors de la première, à savoir une bien belle version de Still Life, enregistrée à Amsterdam, une non moins magistrale version de When She Comes, provenant du concert à Taormina, et… Pilgrims, tiré du concert de Paris, qui a eu la réputation de compter parmi les meilleurs ! Et quand on sait que cette sublime chanson n’a été interprétée que deux fois sur la tournée, on mesure la chance de la retrouver en CD…
Le CD bonus de l’édition japonaise de Real Time contient également un cadeau surprise, Gibberish, qui n’est rien moins qu’une improvisation – approchant le quart d’heure – et jouée pendant… la balance du concert à Amsterdam ! Car oui, contrairement à ce qu’avait fait pressentir l’album Present, qui contient un CD de pièces entièrement improvisées, VDGG ne s’est pas livré à cette pratique lors de ces concerts de 2005, se privant ainsi d’explorer de réelles nouvelles voies musicales ! Comprenne qui pourra…
Alors si l’écoute du concert du 6 mai 2005 vous laisse sur votre faim, tâchez de vous procurer la version 3 CD japonaise de Real Time pour avoir une vision plus complète de l’aventure vécue par le GENERATOR lors de cette année riche ne rebondissements, puisque le groupe aura eu le temps de se reform.. pardon, de se réunir, d’enregistrer, de tourner, et… de se « désunir » peu après !
En effet, VAN DER GRAAF GENERATOR n’aura pas tardé à tourner la page de ce qui est documenté dans ce « temps réel », puisqu’il a repris la route en 2007 sous la forme d’un trio (David JACKSON ayant pris le titre d’un morceau de l’album Present, Abandon Ship, au pied de la lettre…). Cette nouvelle configuration l’a obligé notamment à repenser toutes ses interprétations d’anciens titres, et à en donner des versions plus inédites. Il a de plus redécouvert d’anciennes pièces qui n’avaient pas été jouées en 2005 et a même donné un avant-goût de ce que contiendra son prochain album. Mais cela est une tout autre histoire qui est contée dans un autre album, Live at the Paradiso…
Label (pour l’édition européenne) : www.sofasound.com
Stéphane Fougère
(Version en bonne partie remaniée
de la chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°22 – juillet 2007)