Verdell PRIMEAUX & Johnny MIKE – Gathering of Voices / Evolution – Generation to Generation / Bless The People / The Color of Morning // Jimmy KNIGHT Jr – Navajo Healing Songs

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Verdell PRIMEAUX & Johnny MIKE – Gathering of Voices / Evolution – Generation to Generation / Bless The People / The Color of Morning
(Canyon Records) //
Jimmy KNIGHT Jr – Navajo Healing Songs
(Canyon Records)

L’ « Église des premiers américains » (Native American Church) ou « religion du Peyolt (ou Peyote) » a été fondée dans les années 1870 par les tribus kiowas et comanches, qui vivaient au Sud des États-Unis ; cette religion s’est imposée peu à peu aux tribus du Nord. Le peyolt est un cactus qui pousse au Mexique et au Texas, et qui produit une sensation de bien-être et privilégie les visions. Il était distribué de main en main, lors des cérémonies, qui eurent lieu jusqu’au milieu du XIXe siècle, avant d’être interdites au même titre que toutes les traditions autochtones par les colonisateurs « bien-pensants ».

Cette religion a toutefois perduré grâce à des rites célébrés en secret, avant de connaître un second essor au début des années 1970, en pleine période hippie (on peut lire à ce sujet le témoignage de Mary CROW DOG, Lakota Woman – Ma vie de femme Sioux, où elle parle longuement de  » Grand père Peyolt « ). Depuis, la consommation de peyolt a été réglementée en Amérique, et la possession de cette plante hallucinogène n’est autorisée qu’aux Amérindiens prouvant leur appartenance à l’Église des Premiers Américains, afin de restreindre son utilisation aux cérémonies et éviter sa consommation en tant que drogue. Ces cérémonies sont composées de prières et de quatre chants (chiffre sacré qui symbolise les « quatre directions »), accompagnés uniquement par un tambour et des crécelles agitées par les chanteurs. Des centaines de chants ont été composés depuis la création de l’Église des premiers Américains jusqu’à nos jours.

Depuis plusieurs années, le duo PRIMEAUX & MIKE participe au renouveau de cette tradition. Verdell PRIMEAUX est originaire de la nation Oglala (Sioux), au Nord des États-Unis. Lorsqu’il était enfant, son père l’a soigné grâce au peyote et aux chants de guérison ramenés du Texas, où pousse ce cactus aux vertus hallucinogènes. Depuis, Verdell PRIMEAUX a suivi les traces de son père, lui aussi chanteur, et il a composé également des chants. Johnny MIKE, qui chante avec lui depuis 1987, est pour sa part originaire de la nation Diné (Navajo) située en Arizona, au Sud des États-Unis. Sa famille est active depuis plusieurs générations au sein de l’Église des Premiers Américains qui utilise le peyote.

PRIMEAUX & MIKE connaissent donc depuis leur enfance les chants hypnotiques de la religion du peyote, et c’est tout naturellement qu’ils ont réalisé ensemble, depuis de nombreuses années, une douzaine de disques sur le label Canyon Records.

À partir de leur huitième album, Gathering of Voices (1998), chacun de leurs morceaux prend le titre générique de Four Harmonized Peyote Songs, du fait qu’ils comportent quatre parties distinctes où le chant évolue, représentant les Quatre Directions. Ces chants peuvent être interprétés entièrement a capella, soit en solo, soit en duo avec un chant lead et une voix en réponse, ou accompagnés de percussions, un tambour et un « hochet » ou une calebasse.

Ce style de chant est totalement différent des traditionnels festifs ou « guerriers » que nous connaissons. Il n’est pas un instrument de danse, mais de recueillement en attente d’une vision. Il est donc plus calme, incantatoire, voire hypnotique. Certains comportent des mots, d’autres seulement des vocalises déclamées.

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Cette réunion de voix étranges et magiques nous transporte instantanément dans une tout autre dimension, là où les esprits ancestraux transmettent leurs pensées aux humains sous forme de visions, afin qu’ils voient plus clair en eux-mêmes et en leur destinée.

Sur le dixième album, Evolution – Generation to Generation (2000), les « chants harmoniques du peyolt » composés et chantés par PRIMEAUX & MIKE marquent une évolution dans cette tradition (d’où le titre de l’album). Le rythme y est plus rapide ; le tambour se rapproche de la batterie dans le rock, tout en conservant le battement saccadé constant du cour, et le chant adopte cette accélération de rythme qui ne l’empêche nullement de demeurer hypnotique.

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Onzième album du duo, Bless the People (2001), qu’on traduira ici par « Bénit le Peuple », mêle des chants navajos et lakota (sioux), accompagnés de tambours et de « hochets ». Ont été inclus de courts passages de prières dites en anglais, donnant lieu à tous les arrangements de voix possibles, et accentuant la transe apportée par ces chants et par les textes répétitifs, renforcée par les battements des tambours qui maintiennent un rythme soutenu et marquent la transition entre les quatre parties de chaque chant. Cet album a été récompensé d’un Grammy Award dans la catégorie « Best Native American Album » (meilleur album amérindien) en 2002.

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The Color of Morning, le douzième album de PRIMEAUX & MIKE, paru en 2007, est particulier dans leur discographie, puisque les deux chanteurs interprètent quelques chants en anglais et ont invité des musiciens à se joindre à eux, qui introduisent dans les chants a capella des instruments traditionnels inhabituels ainsi que des instruments occidentaux modernes.

Xavier QUIJAS YXAYOLTL, descendant des Indiens Huichols du Mexique, vient orner les chants de ses flûtes anciennes en terre, en bois ou en bambou, et de ses tambours. Steven FRAILEY et Stephen BUTLER ajoutent par petites touches des guitares électriques et acoustiques, des claviers et des programmations. L’accompagnement musical ne fait pas qu’orner les chants de PRIMEAUX & MIKE ; il en prolonge aussi le côté hallucinatoire par l’enchevêtrement des claviers enveloppants et des flûtes, qui imitent parfois des chants d’oiseaux, ainsi que de courtes interventions des tambours.

La vocation de ces chants est de guérir et, même s’ils sont ici accompagnés d’instruments, ils réussissent parfaitement à provoquer un réel apaisement.

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La constante production discographique du duo PRIMEAUX & MIKE (pratiquement un disque par an dans les années 1990 jusqu’au début des années 2000) a pu faire oublier qu’il existe de nouveaux auteurs et interprètes des chants issus de l’Église des Premiers Américains. Des centaines de chants du peyotl sont créés afin de perpétuer la tradition. Les « healing songs » navajos chantées ici par Jimmy KNIGHT Jr sont totalement différentes des longues invocations interprétées durant les cérémonies ; ce sont des chants courts qui servent à l’enseignement des jeunes chanteurs et sont interprétés a capella, sans aucun accompagnement de percussions.

Le jeune chanteur Navajo Jimmy KNIGHT Jr interprète seul sur ce disque vingt-deux courtes prières de sa composition, sans arrangement ni accompagnement, en témoignage de la constante évolution des traditions. Les gardiens de ces traditions ne se contentent pas de conserver leur patrimoine culturel, mais, comme le montre cet enregistrement, encouragent constamment à la création et au renouveau, y compris dans ce domaine.

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Sylvie Hamon

Label : https://canyonrecords.com

(Chroniques originales publiées dans
ETHNOTEMPOS n°4 – avril 1999
[Gathering of Voices],
n°7 – novembre 2000
[Evolution – Generation to Generation],
n°9 – octobre 2001
[Bless the People & Navajo Healing Songs]
et n°34 – été 2007
[The Color of Spring])

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