VON ZAMLA – 1983
(Cuneiform / Orkhêstra Int.)
Branle-bas de combat ! La « Suède In Opposition » se rappelle à notre excellent souvenir. Non seulement Grand Papa SAMLA MAMMAS MANNA se refait une nouvelle jeunesse avec un nouvel album (Kaka), mais son descendant VON ZAMLA franchit enfin les frontières scandinaves pour répandre sa bonne humeur iconoclaste partout dans le monde entier – du moins, partout où l’on distribue les disques Cuneiform – avec un disque d’archives live.
Résumé des épisodes précédents : en 1977, SAMLA MAMMAS MANNA se transforme en ZAMLA MAMMAZ MANNA, à n’en pas douter pour faire plus punk, et contribuera à la naissance du mouvement Rock In Opposition avec HENRY COW, UNIVERS ZÉRO, ÉTRON FOU LELOUBLAN et STORMY SIX l’année suivante. Tous ces groupes organisent alors des festivals et tournent à travers l’Europe, chez l’un et chez l’autre.
En 1980, ZAMLA splitte. L’année d’après, notre Albert MARCŒUR national convie deux des membres de ZAMLA, Lars HOLLMER et Eino HAAPALA, à l’accompagner en tournée en France et en Suisse. En retour, les deux Suédois proposent à deux musiciens de MARCŒUR, le bassiste Jac GARRET et le joueur de basson Denis BRELY, de venir enregistrer avec eux ce qui deviendra le premier album de VON ZAMLA, Zamlaranamma (1982), disque phare de l’after-Rock In Opposition, bientôt suivi par No Make Up ! (1984). L’ennui, c’est que ces deux disques n’ont jamais été réalisés en dehors de Suède.
C’est là qu’intervient 1983. Pourquoi 1983 ? Parce que 1984 avait déjà été retenu par George ORWELL et par Anthony PHILLIPS ! Non, en fait, ça n’a strictement aucune espèce de rapport, et il va sérieusement falloir que j’envisage de me coucher plus tôt…
En fait, VON ZAMLA a beaucoup tourné en Europe en cet an de grâce et, fort heureusement, certains de leurs shows ont été enregistrés. Celui du 8 mars à Bremen et celui du 10 mars à Hildesheim (dont un extrait a été déjà inclus dans No Make Up !) fournissent la matière de cet inattendu disque live, que l’on devrait instamment prescrire en tant que médication prioritaire à toutes les âmes musiciennes déprimées par les productions insipides.
Ici, l’inénarrable compositeur, accordéoniste et claviériste Lars HOLLMER et son fidèle complice, le guitariste Eino HAAPALA, sont accompagnés par l’indispensable Michel BERCKMANS, dont le basson et le hautbois ont déjà illuminé les œuvres d’UNIVERS ZÉRO et d’AKSAK MABOUL, du bassiste Wolfgang SALOMON (du groupe MUNJU, à qui HOLLMER a dédié un morceau), du claviériste Hans LOELV et du batteur Mårten TISELIUS.
Et il est clair, à l’écoute de ces extraits de concerts, que tous ces petits garnements s’y entendent à tirer sur la bonne vieille corde du principe du plaisir (musical), tant leurs mélodies, espiègles ou mystérieuses, rebondissent sur les combinaisons harmoniques les plus inventives. Principalement constitué de la quasi-intégralité de l’album Zamlaranamma, de quelques morceaux qui seront enregistrés quelques semaines plus tard pour No Make Up ! ainsi que de quelques emprunts au deuxième disque solo de Lars HOLLMER, Vill du höra mer, le répertoire de cet album live ne souffre quasiment pas de sénescence, au contraire des premiers opus de SAMLA MAMMAS MANNA, au son plus daté.
Doué d’une inspiration foisonnante, VON ZAMLA puise pêle-mêle dans le prog’, le jazz, le folklore suédois et la musique contemporaine, avec une écriture jubilatoire et néanmoins sophistiquée, mais douée d’un salutaire penchant pour la dérision tout en étant nimbée de cette innocence juvénile qui caractérise les éternels gamins prodiges comme Lars HOLLMER, dont on ne soupçonne pas la verve créatrice à cause du déficit de diffusion qui s’acharne sur ses disques, en solo ou avec SAMLA.
D’où l’importance de 1983, dont la sortie sur le label américain Cuneiform permettra à VON ZAMLA de se faire connaître au-delà des bordures suédoises, en plus de suppléer en partie à l’absence de réédition de No Make Up ! en format CD (c’est à ce jour le seul album de la fratrie SAMLA/ZAMLA/VON ZAMLA à ne pas exister dans ce format).
Un détail : dans la mesure où ce disque est entièrement inédit, il faudrait qu’on m’explique pourquoi Ödet est présenté comme un « bonus track » ! C’est d’autant plus frustrant qu’on a que les cinq premières minutes de cette pièce qui, à l’origine, couvrait la face B de l’album Shlagern Mystik.
Cela mis à part, 1983 est assurément LE disque de l’année 1999, et… Non, y a comme un non-sens, et j’ai déjà écrit ça quelque part. Qu’importe, précipitez-vous dessus !
Stéphane Fougère
Label : http://www.cuneiformrecords.com