WARSAW VILLAGE BAND – People’s Spring
(Jaro Medien)
La Pologne ne fait guère partie de ces pays qui connaissent les faveurs du marché de la world music. Du coup, on ne s’est pas méfié ; mais la bombe musicale 2003 est venue de Pologne ! Cette bombe, c’est le WARSAW VILLAGE BAND (KAPELA ZE WSI WARSZAWA en version vernaculaire), un septet formé en 1997 et constitué de jeunes loups et louves entre 16 et 25 ans. Déjà auteur d’un premier album en 1998, Hop Sasa, le groupe affiche sans détour ni fioriture sa volonté de revivifier la musique traditionnelle polonaise à travers un style qui lui est propre et actuel ; bref, de transmettre l’héritage des anciens tout en lui conférant un regard et une dynamique susceptibles d’interpeller les nouvelles générations.
Nul besoin d’électrifier pour paraître moderne, les sons propres aux instruments traditionnels suffisent à prodiguer au WARSAW VILLAGE BAND une verve et une fraîcheur par laquelle il serait stupide de ne pas se laisser séduire. Le groupe revendique pour sa musique deux bannières : « hardcore folk » et « bio-techno ». N’y voyez pas de coquetterie esthétique à valeur marchande (qui pourrait vendre des étiquettes pareilles ?), mais bien plutôt le reflet d’un militantisme culturel ouvertement opposé à une culture de masse gommeuse de particularités ethniques.
L’apprentissage auprès des anciens détenteurs de la tradition s’inscrit dans ce sens, de même que l’utilisation d’instruments et de techniques vocales quasi oubliés. Il y a d’abord le « suka », violon datant du XVIe siècle, dont on joue avec les ongles. Il y a aussi ces « voix blanches », un style de chant, semblable à des cris, usité au Moyen-Age par les bergers polonais.
Il y a enfin cette rythmique inhabituelle formée de deux percussions traditionnelles, le « baraban drum » et le « frame drum », qui contribuent à accentuer le caractère tribal et farouche de cette musique aux résonances lointaines. Cela fait irrésistiblement penser à du HEDNINGARNA version Europe centrale, tant la transe, dans ce People’s Spring (Wiosna Ludu), est âprement cultivée à travers un répertoire adapté de thèmes traditionnels ruraux, de danses et de ballades folk.
L’extase et la méditation sont ainsi cultivées par le WARSAW VILLAGE BAND avec une ferveur et une verdeur tonifiantes qui mettent notamment en évidence des points de connexions entre diverses pratiques spirituelles aux visées extatiques, principalement hassidiques, soufies et derviches (Chassidic Dance).
Cette mise en évidence de l’aspect transe de sa musique traditionnelle a amené le groupe à faire figurer deux remixes en fin d’album : la ballade mélancolique At My Mother’s, rebaptisée Matecka, revêt ainsi un habillage indianisant pas si bête que ça et le second, Joint Venture in the Village, est une accentuation groovy du morceau I Had a Lover, typiquement (et honorablement) calibrée pour les dance-floors.
La perche est tendue mais, à mon avis, il ne faudra pas longtemps à un public non averti des arcanes esthétiques de la tradition polonaise pour avoir envie de remuer à l’écoute des autres morceaux de People’s Spring.
Stéphane Fougère
Site Web : http://www.kzww.terra.pl/
Label : www.jaro.de
(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°13 – septembre 2003)