Aki PELTONEN – Radio Banana

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Aki PELTONEN – Radio Banana
(ReR Megacorp / Orkhêstra)

Je ne sais pas ailleurs, mais ici en France, l’accordéon est un instrument bien souvent perçu comme ringard, synonyme de musique facile voire vulgaire. Les bals musette du dimanche au bord de l’eau, les kermesses de fin d’année, les banquets de noces et j’en passe, sa popularité est tellement connotée que sa seule présence sur un album peut aisément rebuter les plus obtus des mélomanes. Pourtant, lorsqu’il est utilisé avec intelligence au sein d’une musique créative, l’accordéon peut se révéler sous de biens meilleures facettes que celles proposées par Yvette HORNER… Radio Banana en est une démonstration éclatante. Aki PELTONEN livre ici un album remarquablement pensé et qui peut vite s’avérer addictif tant son écoute se fait sans effort, sans pour autant qu’il ne cède à une quelconque facilité.

Tout ici a été conçu pour séduire, pour envoûter et il semble d’ailleurs bien impossible de pouvoir résister au charme de l’album et de ne pas se laisser porter par ces coulées d’accordéon qui viennent presque littéralement vous chercher par la main pour vous entraîner dans la ronde. Fait de grooves chaleureux et de mélodies aguicheuses, Radio Banana est en grande partie un véritable appel à la fête.

Entouré d’une kyrielle de musiciens (saxophones alto et ténor, trombone, trompette, moog), Aki PELTONEN, qui tient aussi la basse, fait preuve d’un véritable talent de compositeur et d’arrangeur. Car sous ses faux airs de simplicité, la musique du Finlandais est truffée de subtilités et de trouvailles qui permettent à l’ensemble de ne jamais sombrer dans l’ennui. La batterie y est à ce titre pour beaucoup, car elle est absolument captivante tout au long de l’album. Sûr que le jeu tout en finesse et très créatif de Petri HISSA a du beaucoup plaire à Chris CUTLER et n’a fait que renforcer son désir de publier ce disque sur son label.

Alors certes, la forte prédominance de l’accordéon sur ce Radio Banana renvoie en nous une sorte de coloration française. C’est perceptible notamment lors des morceaux les plus posés du disque, où la fluidité et la mélancolie des mélodies offertes par Aki PELTONEN brossent des images suggérant le Paris des bords de Seine, où encore une promenade le long d’un canal, avec ses écluses et ses péniches usées par le temps et qui semblent être figées pour l’éternité à leurs amarres, gardant secrètes leurs histoires maritimes. Un peu comme si elles étaient de vieilles vagabondes arrivées au bout de leur chemin et dont les souvenirs se laissent recouvrir par un brouillard d’automne.

Mais Radio Banana, c’est aussi une formidable bouffée de soleil. Il n’y a qu’à pour s’en convaincre écouter la troisième plage du disque, sobrement titrée Orchestra, Accordion And MW-Radio # 2 (tous les titres de l’album sont ainsi nommés en fonction de ce que l’on y entend). Là, les cuivres sont à la fête et jouent des airs fortement teintés de saveurs mexicaines. Le rythme est endiablé, la basse roule et l’accordéon se pare de couleurs chaudes et épicées. La batterie n’en peut plus de rebondir, se permettant toutes les audaces et on ne peut que se laisser gagner par la gaieté contagieuse qui se dégage de l’ensemble.

Survient alors un break d’ondes radio complètement inattendu au milieu de cette fiesta, fait de stridences, de sifflements, de bruits parasites et de réglages de potentiomètres, faisant jaillir ici où là de très brefs rappels du morceau, jusqu’à ce qu’enfin la radio se cale de nouveau sur la bonne fréquence et que surgisse tout en crescendo le thème principal qui nous avait tant accroché, comme s’il venait de nulle part en ayant toujours été là. C’est assez difficile à décrire, mais on a alors la sensation que ce morceau est immuable, qu’il a toujours existé et qu’il existera toujours, au même endroit. Comme s’il n’y avait qu’à passer sur sa route pour le rencontrer.

C’est à mon goût le titre le plus réussi de l’album mais qu’on ne s’y trompe pas. D’un bout à l’autre, Radio Banana offre un très bel espace de musique où le maître mot semble être créativité. De celle totalement mise au service du plaisir des oreilles.

Aki PELTONEN a réussi là un album de toute beauté, sachant éviter tous les écueils, même celui de finir par relâcher l’attention de l’auditeur, en lui ménageant toujours de belles surprises et en sachant limiter son disque à une petite quarantaine de minutes. Au-delà de cette durée, je pense que cela aurait pu nuire à l’impact de sa musique, mais comme ça, c’est véritablement tip-top.

Ce disque est un réel bol d’air, un rafraîchissement servi sur un plateau doré et se veut être une véritable manne pour toutes celles et ceux qui ont soif d’un inattendu demeurant confortable. La seule contradiction que l’on pourrait imposer serait celle de faire une crise d’urticaire à chaque note émise par un accordéon, auquel cas il vaut peut-être mieux aller trouver une autre fréquence que celle où émet Radio Banana. Mais sans ça, alors il serait bien dommage de se priver d’un disque que l’on n’écoutera peut-être pas en boucle, mais que l’on ressortira régulièrement de son boîtier pour venir le caler sur sa chaîne et laisser ses enceintes faire le reste.

Benoît Godfroy

Page : https://akipeltonen.bandcamp.com/album/radio-banana

Label : www.rermegacorp.com

Distributeur : http://www.orkhestra.fr

(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n° 19 – mars 2006)

 

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