ART ZOYD 3 & UNIVERS ZÉRO
Manifestes pour une « musique nouvelle européenne »
Coïncidence ou hasard objectif ? L’année 2008 a vu se succéder, à quelques semaines d’intervalle, la réédition de l’album inaugural du groupe français ART ZOYD 3, Symphonie pour le jour où brûleront les cités, et celle du premier album du groupe belge UNIVERS ZÉRO. Or, ces deux disques ont été enregistrés à l’origine à quelques mois d’intervalle : celui d’ART ZOYD 3 en 1976, et celui d’UNIVERS ZÉRO en 1977. Ces opus liminaires passent pour avoir inauguré ce qui fut nommé le « rock de chambre » ou encore les « musiques nouvelles européennes », caractérisées par l’emploi de timbres, de modes et de structures musicales davantage usités dans les sphères du classique, du contemporain ou des musiques anciennes que dans le rock au sens strict. Retour sur l’histoire de ces œuvres aussi décisives que défricheuses.
ART ZOYD et UNIVERS ZÉRO ignoraient leurs existences mutuelles jusqu’en 1977, alors qu’ils répétaient à seulement quelques kilomètres l’une de l’autre, chacune d’un côté de la frontière franco-belge. Sans aucune concertation, les deux formations ont façonné leur son aux mêmes sources musicales, à savoir les musiques contemporaines d’un BARTOK, d’un STRAVINSKY, d’un PENDERECKI ou d’un SHOSTAKOVITCH, tout en tirant profit de la formidable ouverture artistique provoquée par MAGMA, qui a concilié dans un même élan créatif rock et contemporain, musiques savantes et musiques populaires. Mais, alors que le groupe de Christian VANDER, à la fin des années 1970, a mis de côté ses fresques épiques au profit de pièces plus courtes inspirées par le jazz-rock et les musiques noires, ART ZOYD 3 et UNIVERS ZÉRO ont, dès leurs premiers disques respectifs, creusé un sillon « dissonant » plus improbable mais assurément novateur.
ART ZOYD 3 : deux images d’une symphonie indélébile
Quasiment autoproduite en 1976 par les bons soins d’un certain Michel BESSET (programmateur du festival Rock In Opposition de Carmaux, parmi d’autres festivals du Sud-Ouest de la France), la première édition du premier LP d’ART ZOYD, Symphonie pour le jour où brûleront les cités, a connu une diffusion aussi discrète que limitée et a rapidement disparu au profit d’un nouvelle version enregistrée en 1980, qui est restée la seule disponible.
La version de 1976 fut enregistrée par le quartet Gérard HOURBETTE (violon alto), Thierry ZABOITZEFF (basse, percussion, voix), Jean-Pierre SOAREZ (trompette, percussion) et Alain ECKERT (guitare, voix, percussion) sous le nom ART ZOYD 3 (le « 3 » a disparu dès le deuxième album puisque les ART ZOYD 1 et 2 n’ont quasiment laissé aucune trace…). Sinueuse et énergique, la musique du groupe sur son premier 33 Tours se distingue par ses éclats, sa sophistication et une inspiration résolument tournée vers la musique contemporaine, tendance STRAVINSKY. Mais on y décèle aussi une autre influence majeure (et de ce fait corrélative).
Une basse proéminente, une guitare aigre, des accents free-jazz, des vocaux sporadiques mais singuliers et une exécution martiale, pour ne pas dire spartiate, dévoilent pour leur part une criante similitude avec la musique de MAGMA, à la différence près qu’ART ZOYD se passe de mythologie et n’a pas inventé de langue propre, mais s’exprime dans un sabir onomatopéique qui se déploie en éructations et grommellements. Et surtout, il n’y a pas de batterie chez ART ZOYD (juste quelques percussions ça et là), ce qui ne l’empêche nullement de jouer une musique à haute teneur rythmique.
Symphonie pour le jour où brûleront les cités contient en fait deux suites musicales. La première, éponyme, est constituée de trois mouvements (Brigades spéciales, Masques et Simulacres) totalisant une demi-heure. Elle a été entièrement composée par Gérard HOURBETTE, qui impose ici ses penchants pour une écriture dissonante, heurtée, mais aussi puissante et sombrement lyrique, toujours en mouvement, alternant colère et austérité, passages aigris et grinçants et séquences plus retenues, faussement calmes, à la tension plus contenue. Martelées ou arrachées, les notes crissent ou bourdonnent. Chez ART ZOYD, les « brigades » ne sont pas légères, mais certainement chargées !
À n’en pas douter, les cités enflammées du titre sont dépeintes comme des antres de la démence urbaine, des antichambres de l’apocalypse. D’aucuns ont pu, en 1976, juger cette vision excessivement pessimiste, mais il n’y a pas si longtemps des événements survenus dans les banlieues françaises ont donné à ce titre un caractère hautement prophétique, faisant de cette acide symphonie une « B.O. d’anticipation »…
Le thème de la seconde suite nous confine peu ou prou dans le même décor : Deux images de la cité imbécile contient deux pièces apparemment plus anciennes, puisque composées – en intégralité pour la première et en partie pour la seconde – par le guitariste Rocco FERNANDEZ, qui est en fait celui qui a fondé ART ZOYD en 1968, mais qui a jeté l’éponge en 1975, laissant HOURBETTE et ZABOITZEFF aux commandes. Les Fourmis est sans doute le morceau le plus débridé d’ART ZOYD, réminiscent des génériques de séries d’animation de Tex AVERY. Le milieu de Scènes de carnaval contient lui aussi ces bouffées euphoriques qui ne seront guère reconduites dans les opus postérieurs d’ART ZOYD. On peut supposer qu’elles étaient davantage le fait de Rocco FERNANDEZ…
La réédition de la première version de Symphonie… révèle surtout un mixage plus brut, plus sec que sur la version enregistrée en 1980, et met en relief les assauts de trompette de Jean-Pierre SOAREZ et les lignes de basse mordantes de Thierry ZABOITZEFF, qui jouissent d’une épaisseur que la remastérisation du CD rend d’autant plus saillante. Outre les imperfections du mixage, on remarque aussi de menues différences dans l’écriture de certains morceaux.
Il y a dans ces versions primales des séquences, des thèmes qui ont été gommés dans le nouvel enregistrement de 1980. Ainsi, le final de Brigades spéciales comprenait à l’origine un retour au thème initial. Masques est probablement la composition qui a subi le plus de métamorphoses : certaines cassures jugées sans doute trop naïves ou trop ouvertement « zeuhliennes » ont été supprimées de la version de 1980, rendant ainsi le morceau plus fluide, plus climatique. Exit aussi la « jazzo-flûte » que l’on pouvait entendre sur la version originale…
L’inclusion du piano à queue et du piano électrique de Patricia DALLIO et du saxophone de Gilles RENARD dans la version de 1980 a évidemment entraîné de nouveaux arrangements. Dans les trois parties de la Symphonie…, Patricia DALLIO a notamment repris à son compte bon nombre de parties jouées à l’origine par Alain ECKERT (dont la guitare reste cependant encore bien présente dans les Deux images de la cité imbécile).
Bénéficiant d’une palette instrumentale plus étoffée, cette seconde version s’avère globalement plus proche de l’idée que l’on peut se faire d’une musique symphonique, même si elle reste jouée par une formation de type « commando ». Les modifications apportées à l’œuvre témoignent que certains penchants de jeunesse ont été digérés, et que cette œuvre ne saurait être figée dans une seule adaptation. Gérard HOURBETTE a du reste revisité une fois de plus sa symphonie en 2000 sur scène avec l’Orchestre national de Lille…
ART ZOYD – Symphonie pour le jour où brûleront les cités (version originale 1976)
(Belle Antique / Orkhêstra)
Pendant longtemps, les premiers albums d’ART ZOYD, de Symphonie pour le jour où brûleront les cités jusqu’aux Espaces inquiets, n’ont été disponibles en CD que sous forme compilée au kilomètre dans deux double CD parus chez Mantra. Ces derniers étant aujourd’hui épuisés, c’est un label japonais, Belle Antique, qui s’est chargé de rééditer chacun des premiers albums d’ART ZOYD (pour l’instant jusqu’à Phase IV) sous une forme plus qu’alléchante, notamment pour les collectionneurs, puisque, comme c’est la mode au Japon, ces disques ressortent en CD dans une version « papersleeve », c’est-à-dire avec un support cartonné reproduisant tout le design des 33 tours d’origine, mais sous forme miniaturisée. Et bien entendu, le contenu de chaque disque a été dûment remastérisé, et augmenté de morceaux supplémentaires. En outre, ces rééditions, contrairement à d’autres effectuées au Japon exclusivement pour le marché japonais, font l’objet d’une distribution mondiale officielle, qui a été en France assurée par Orkhêstra.
Outre les albums déjà inclus dans les deux compilations de Mantra, Belle Antique a aussi réédité la toute première version de 1976 de la Symphonie pour le jour où brûleront les cités, qui n’existait pas auparavant en CD et dont l’édition vinyle, sur le marché des disques de collection, atteint des prix records.
La résurrection numérique de cette version séminale de Symphonie… comble donc un manque certain dans la chronologie discographique d’ART ZOYD, en même temps qu’elle soulage un tant soi peu les porte-monnaies de tous ceux qui souhaitaient se la procurer. Cette réédition CD « papersleeve » miniaturisée est en tout point semblable, tant dans sa forme que dans son contenu, à la version LP d’origine. Cependant, les titres bonus qui ont été ajoutés à cette réédition – comme tous ceux qui figurent sur les autres rééditions japonaises des albums d’ART ZOYD – ne sont guère inédits puisqu’ils proviennent eux aussi des doubles CD de Mantra. Figurent donc sur cette réédition de la première mouture de Symphonie… des pièces qui nous replongent dans la préhistoire plus ou moins avouable d’ART ZOYD, dont la musique était alors bien éloignée de celle de son premier LP.
Paru sur Chant du monde en 1969, le 45 tours Sangria, ainsi que sa face B, Something in Love (seul véritable inédit en CD, puisqu’il ne figurait pas sur la réédition de Mantra) est l’unique témoignage discographique de la toute première formation d’ART ZOYD, alors dirigée par le guitariste Rocco FERNANDEZ, fan et sosie de Franck ZAPPA. La musique qui s’y fait entendre est donc influencée par ce dernier et s’avère même proche du AMÖN DÜÜL II des débuts. Cet ART ZOYD-là n’est ni plus ni moins qu’un groupe de krautrock rustique auquel on a échappé… L’arrivée dans le groupe en 1971 de Gérard HOURBETTE et Thierry ZABOITZEFF a amorcé un changement de cap qui a mis quelques années à se concrétiser. Entre 1971 et 1975, ART ZOYD 3 a accueilli plusieurs batteurs et percussionnistes, des cuivres, et même des mimes ! Il n’existe malheureusement aucun enregistrement de cette période, si ce n’est cet extrait Live Golf Drouot 1972 d’une médiocre qualité sonore qui en dit encore long sur les difficultés du groupe à trouver son chemin.
Le seul enregistrement connu qui aurait pu établir une connexion plus fiable avec le premier LP d’ART ZOYD est celui du morceau Manège. Enregistré live quelques mois avant l’enregistrement de Symphonie…, il présente déjà une tout autre facette du groupe : la formation n’a plus de batteur, ni même plus rien de typiquement rock, si ce n’est la basse de ZABOITZEFF. À celle-ci et au violon de HOURBETTE s’ajoutent la trompette de Jean-Pierre SOAREZ et les violoncelle et violon de Franck CARDON. Non retenu pour le premier LP, Manège contient des dialogues nourris entre les violons et la trompette qui dénotent clairement une influence classique-contemporaine dans la veine d’un BARTOK…
Bien que n’exhumant aucune archive vraiment inédite qui aurait permis d’en savoir plus sur l’évolution musicale du groupe vers son premier album, cette fort belle réédition japonaise offre l’opportunité de (re)découvrir un irréductible opus qui, pour beaucoup, a servi de porte d’entrée vers les musiques contemporaines.
UNIVERS ZÉRO : le chiffre maudit
Si l’on pouvait encore trouver traces de l’influence de MAGMA dans le premier opus d’ART ZOYD, il est déjà plus délicat d’en trouver dans l’album inaugural d’UNIVERS ZÉRO. D’emblée toute tentation d’approche vocale similaire à la phonétique kobaïenne a été écartée par le choix d’un discours strictement instrumental, qui est loin d’offrir la même palette de couleurs que le groupe de Christian VANDER. Tout au plus peut-on déceler un élan parallèle de synergie tellurique entre la basse et la batterie… Et ce n’est pas sur une autre planète que nous emmène UNIVERS ZÉRO, mais dans une dimension imaginaire atomisée par les relents d’un obscur passé…
Comme on l’a vu, les affinités sont déjà plus patentes entre ART ZOYD et UNIVERS ZÉRO, au moins de par leur choix de privilégier une instrumentation atypique (pour des groupes rock s’entend), incluant des instruments acoustiques. Sur son premier disque, ART ZOYD est un quartet violon-basse-trompette-guitare, tandis qu’UNIVERS ZÉRO enregistre son premier LP en tant que septet incluant certes violon, basse et guitare, mais aussi basson, viola, violoncelle, harmonium, épinette et… batterie !
Il faut aussi mentionner la similitude de destinée qu’ont connu l’album éponyme d’UNIVERS ZÉRO et le disque liminaire d’ART ZOYD : tous deux sont d’abord passés relativement inaperçus, leurs premiers pressages ayant été pour le moins confidentiels. Puis, tous deux ont été réédités, avec de nouvelles pochettes, par le label de la revue Atem et ensuite par Cryonic. À cette occasion, la Symphonie… d’ART ZOYD a été réenregistrée, tandis que l’album d’UNIVERS ZÉRO a été remixé et affublé du titre 1313 (son numéro de série, comme par coïncidence), et ce sont ces versions « reliftées » qui ont circulé par la suite, y compris en CD.
Au vu de ces coïncidences et de ces liens, on a tellement glosé sur les similitudes entre les deux groupes qu’on s’est moins attardé sur leurs différences artistiques. Ainsi, UNIVERS ZÉRO se distingue de son cousin français par l’emploi d’instruments davantage usités dans les musiques médiévales ou folkloriques, à l’instar du groupe psychédélique et pionnier THIRD EAR BAND, tout en préservant une section rythmique rock. Pour autant, UNIVERS ZÉRO ne s’est pas mis à faire du rock médiéval ou du folk-rock, mais a cultivé une imagerie sonore aux relents moyenâgeux et nourrie des « aksaks » (rythmes boîteux) est-européens (cf. notre dossier sur UNIVERS ZÉRO).
Et là où les titres d’ART ZOYD sur Symphonie… évoquent une réalité urbaine (elle crame, elle crame, la banlieue…), UNIVERS ZÉRO dépeint un espace fantastique où rites païens, personnages maléfiques et états d’esprits morbides plantent le décor, non sans une bonne louchée d’humour noir et de second degré qui atteindra son acmé avec le deuxième album, Hérésie, qui achèvera, pour le meilleur ou pour le pire, de catégoriser UNIVERS ZÉRO comme groupe sombre et glauque auprès duquel les tenants de la vague gothique font il est vrai l’effet de gentils orchestres de bal pour hypocondriaques boutonneux…
À l’heure de son premier album, il est normal que le maître des lieux fasse les présentations de sa cour, aussi fait-on connaissance avec des personnages qui ont certainement bercé les imaginations des rejetons de la famille Adams, comme Carabosse et Dr. Petiot, qui dispensent un sérieux Malaise sur un air de Complainte et un rythme de Ronde… Un véritable manège désenchanté, quoi !
Cela dit, UNIVERS ZÉRO n’a jamais revendiqué de posture idéologique (pas plus qu’ART ZOYD) et si l’on veut bien faire abstraction de la référence littéraire des titres, la noirceur supposément cultivée par le groupe tient surtout à ses options d’écriture musicale, qui cumule les contrepoints, les intervalles de demi-tons, les dissonances, bref tout un vocabulaire musical que le monde basique du rock n’est pas franchement habitué à parler et qu’il aurait plutôt tendance à voir comme la bande-son de visions sinistres et cauchemardesques. Soit. Mais ce premier disque, même s’il a été rebaptisé 1313, ne fait rien moins que livrer une musique de chambre dotée d’une rythmique électrique et dont le maître-mot est : intensité.
Du fait de la profonde originalité et de l’impressionnante maturité de son propos, cet album a été perçu par beaucoup comme un aboutissement, alors que le disque suivant, Hérésie, passe pour être un radical enfonçage de clou dans la thématique morbide. Depuis, la couleur du ciel d’UNIVERS ZÉRO s’est un tantinet diversifiée : aux nimbo-stratus et autres cumulo-nimbus des débuts se sont joints de simples cumulus moins cafardeux…
ART ZOYD 3 et UNIVERS ZÉRO ont été simultanément sensibles à un vent nouveau qu’ils ont contribué à matérialiser. Il s’est assurément produit entre eux une convergence d’impulsions, une accumulations d’énergies, un champ morphique, ou encore un égrégore comme on l’appelle dans les milieux occultes. Les deux groupes ne pouvaient que se rencontrer, et fusionner leurs approches, ce qu’ils ont effectivement fait en 1979 à la faveur de concerts communs, et en échangeant occasionnellement leurs membres. Thierry ZABOITZEFF a ainsi remplacé pour un temps Guy SEGERS dans UNIVERS ZÉRO, Daniel DENIS et Michel BERCKMANS ont participé à l’enregistrement du deuxième disque d’ART ZOYD, Musique pour l’Odyssée.
Dans cette logique des choses, leur participation mutuelle à l’aventure du Rock In Opposition en 1979 n’a plus lieu d’étonner… La brèche musicale qu’ils ont ouverte a fini du reste par se confondre plus ou moins avec celle de ce mouvement, qui a toutefois intégrer d’autres formations aux univers moins sombres mais néanmoins complexes et puisant à leur manière dans un héritage à la fois européen et local. Par la suite, les musiques d’ART ZOYD et UNIVERS ZÉRO ont évolué chacune dans une direction différente, tout en conservant des affinités électives au moins dans leur démarche, puisque les deux groupes ont, dès les années 1980, renouvelé leur palette instrumentale en intégrant les nouvelles technologies, chacune à leur façon. Mais cela est une autre histoire que RYTHMES CROISÉS / TRAVERSES vous a raconté par ailleurs…
UNIVERS ZÉRO – Univers Zéro (version remixée et remastérisée)
(Cuneiform / Orkhêstra)
Trente ans après son apparition en vinyle et presque vingt ans après sa première réédition CD sur Cuneiform, 1313 réapparaît avec sa première pochette, sous son titre d’origine (c’est-à-dire aucun !), et dans une version toilettée qui dépasse le simple ripolinage de surface. Sa remastérisation – quasi obligée par les temps qui courent – est effectivement doublée d’un remixage qui donne un nouveau relief à l’espace sonore du septet. Plein de détails auparavant noyés ou recalés au second plan sont dorénavant plus proéminents. La basse de Christian GENET et la guitare de Roger TRIGAUX (même si son usage n’est que modéré) se discernent avec plus d’acuité, tandis que l’on distingue mieux la diversité de timbres des foisonnantes percussions de Daniel DENIS. Enfin, les jeux de passe-passes stéréophoniques de l’édition précédente cèdent le terrain à un rendu sonore plus proche du contexte live.
Pour achever de rendre cette réédition attirante (cataloguée sous la référence Rune 1313, on appréciera le trait d’humour !), le livret a été, on s’en doute, enrichi de photos inédites et d’une biographie racontant la jeunesse d’UNIVERS ZÉRO, de 1974 à 1977 et, tant qu’à faire, un morceau bonus complète le CD. Il s’agit en l’occurrence d’une version live de La Faulx – la monstrueuse et mutante pièce d’anthologie qui couvre toute la première face du LP Hérésie – tirée d’un concert en avril 1979 (duquel a déjà été extraite la version live de Complainte publiée dans la réédition CD de Crawling Wind). C’est assurément la plus belle cerise sur le gâteau qu’on puisse trouver, car la prise de son est étonnamment excellente. De plus, cette version est plus étoffée (28 minutes !) que celle d’Hérésie, et à ma connaissance même plus longue que d’autres versions live de la même période. Il est vrai que sa première partie, tout en climats délétères et blafards et en imprécations vocales, est un terrain privilégié pour l’improvisation…
La formation, qui comprend notamment Guy SEGERS, de retour dans le groupe, y est réduite à un quintet, celui qui a enregistré Hérésie. La transition est donc toute trouvée vers ce chapitre suivant de la discographie d’UNIVERS ZÉRO, et annonce sa prochaine remastérisation ou remixage. En effet, la biographie incluse dans le livret de cette réédition est sous-titrée Part. 1. La suite au prochain épisode…
PS : Cette chronique a été fortuitement rédigée un vendredi 13…
Article et chroniques réalisés par Stéphane Fougère
Photos: collection Gérard N’Guyen et livrets CD
(Article original publié dans TRAVERSES n°24 – octobre 2008)