Denis FRAJERMAN – Les Suites Volodine
(Noise Museum)
Voici le premier CD officiellement solo de Denis FRAJERMAN (membre du collectif PALO ALTO) où les compositions ont pour thèmes des extraits de trois romans d’Antoine VOLODINE (Biographie comparée de Jorian Murgrave, Le Port intérieur et Lisbonne dernière marge) et rappellent par leur atmosphère étrange l’écriture de cet auteur, qui s’est d’ailleurs livré ici à un fabuleux exercice de style afin de guider le lecteur du livret dans son voyage périlleux qui doit le mener à un concert de Denis FRAJERMAN.
Les Suites Volodine sont un véritable recueil d’ambiances sonores, de collages de bandes (dont quelques-unes ont été empruntées à PALO ALTO, comme le saxophone de Jacques BARBERI, ou encore la guitare électrique de Régis CODUR dans le « bonus traque » Les Derniers Grands Singes). Mais Denis FRAJERMAN ne s’est pas contenté de mettre bout à bout des bandes, il a composé cinq longues pièces (de huit à vingt minutes) aux atmosphères futuristes, dont les thèmes répétitifs s’ajoutent et se superposent parfois, allant jusqu’à l’envoûtement.
Ces pièces sont toutes peuplées de bruitages ; on y retrouve notamment des voix (dont celle de Sandrine BONNET), des insectes, des oiseaux, et même un lion dans Un Cloporte d’automne (Denis nous a avoué que ce lion était en fait sa propre voix trafiquée) ; on y entend aussi le bois brûler dans Incendie dans un cimetière chinois, la pluie, un moteur, l’agitation et les cochons dans Le Montreur de cochons… Les percussions, souvent bricolées, sont également très nombreuses et variées et donnent une couleur unique et « world » à chaque pièce, principalement d’influence africaine dans Au loin une poutre et asiatique sur la fin du morceau suivant, Le Montreur de cochons.
L’ensemble est donc loin d’être plat et homogène et, comme il faut bien un petit entracte pour apprécier des ambiances étranges et prenantes, le troisième morceau, Au loin une poutre, après un départ mouvementé avec la faune, les mouches et les intempéries africaines, se transforme en un chef-d’œuvre de » world music contemporaine » avec son bala (xylophone de l’Afrique occidentale dont les lames sont en bois, et qui anime les cérémonies et les fêtes villageoises) et le chant traditionnel qui l’accompagne, sans oublier le saxophone de Jacques BARBERI, tantôt bruitiste, tantôt mélodique.
Comme l’écrit VOLODINE lui-même : « Écoute. Écoute encore. Fais comme nous. »
Sylvie Hamon
(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°3 – janvier 1999)
NDLR : Cet album a été réédité en 2021 dans le coffret CD-livre Variations Volodine.
Site : http://denisfrajerman.com