FOREVER EINSTEIN – One Thing After Another

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Parce qu’un génial mathématicien nous a appris un jour qu’on pouvait clamer l’explosive formule « E=mc2 » sans s’interdire de tirer la langue, FOREVER EINSTEIN, groupe né dans le Connecticut en 1989, s’est fait une spécialité de concevoir un rock instrumental alliant rigueur et impertinence.

Son troisième album, One Thing After Another, démontre ainsi, après Artificial Horizon en 1990 et Opportunity Crosses the Bridge en 1992 (tous chez Cuneiform) que minimalisme n’est pas incompatible avec densité.

Car FOREVER EINSTEIN est d’abord un simple trio guitare/basse/batterie et dont les compositions ont en général un format radiophonique, mais il faut écouter avec quelle maestria le combo parvient à mêler quantité d’influences diverses, du métal à la country sans négliger le rockabilly, le folk et le jazz ou à construire des compositions florissantes de cassures rythmiques et de détours mélodiques sans jamais se départir d’un raffinement que l’on croirait volontiers « british ».

D’abord séduite par un thème à consonance folklorique ou jazzy ternaire, votre oreille se trouve bientôt entraînée dans un labyrinthe aux virages raides et aux fausses sorties, à la poursuite d’un fil rouge qui raffole du cache-cache. Clins d’œil sont au passage adressés à Erik SATIE et à Nick DIDKOVSKY (DOCTOR NERVE), histoire de montrer qu’on a le sens de la famille.

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FOREVER EINSTEIN nous convie à une nouvelle partie de plaisir bourrée d’énergie, et l’on y participe avec d’autant plus d’empressement que la dernière remonte quand même à six ans ! C’est tout juste si le groupe a interrompu son sommeil prolongé en 1995 pour collaborer à la fameuse compilation du label Cuneiform, Unsettled Scores, dans laquelle chaque groupe adapte une compo d’un autre groupe du label. Et l’on ne voit pas comment le trio aurait manqué à l’appel, l’idée du projet ayant été émise par C.W. VRTACEK, l’éminence grise de FOREVER EINSTEIN. Du reste, ceux qui connaissent les travaux solos de VRTACEK (Days of Grace, Silent Heaven…) seront d’autant plus surpris que c’est lui qui compose tout dans FOREVER EINSTEIN, alors même que le style diffère complètement.

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On retrouve cependant dans One Thing After Another ce souci d’élaborer une musique soignée… et qui se soigne avec de larges rasades de fantaisie ! Il n’est que de lire les titres des morceaux (du genre Toy Boat Attacked by Toy Pirates on Real Water ou Oh Lord, Please Bless this Rocket House and all Those who Live inside the Rocket House), qu’un débutant en anglais mettra plus de temps à prononcer qu’il n’en faudra à un morceau pour défiler sur son lecteur CD !

Et encore, la durée des compos est passée de 3 minutes en moyenne dans Artificial Horizon à 4/5 minutes dans One Thing After Another – avec même une pointe à 7 minutes (Bad Weather Changed our Plans) – VRTACEK ayant ménagé quelques espaces de liberté dans ses compos très élaborées ; espaces qu’il explore avec une Fender Telecaster amplifiée en lieu et place de son ancienne guitare acoustique. Signalons aussi que le poste de bassiste, jadis dévolu à Marc SICHEL, est désormais tenu par Jack VEES, tandis que John ROULAT continue à assurer la batterie et les percussions.

FOREVER EINSTEIN connaît l’art de dire plein de choses en peu de temps et de place ; c’est pourquoi il eut été préférable que l’album soit un peu plus court, de manière à nous épargner l’impression qu’il tourne à l’exercice de style uniformisé, malgré le foisonnement de trouvailles (ou à cause de…). Ce disque devrait cependant ravir les amateurs d’esthétiques risquées, à charge pour eux de prendre le temps d’écouter « un morceau après l’autre ».

Stéphane Fougère

Label : www.cuneiformrecords.com

(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°3 – janvier 1999)

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