Frédéric GERCHAMBEAU – Ars Modularis

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Frédéric GERCHAMBEAU – Ars Modularis
(Autoproduction)

Voici le tout nouveau disque de Frédéric GERCHAMBEAU, bien connu de nos lecteurs et de l’équipe de rédaction. Ce passionné de musique électronique nous propose de le suivre dans ce que nous pouvons réellement appeler une aventure musicale spectaculaire et radicale. Ce disque trouvera certainement un public parmi les plus exigeants dans le domaine de la musique électronique expérimentale.

Avec un titre plutôt évocateur sur ce qu’il nous propose d’écouter, Ars Modularis est personnellement l’un des disques les plus difficiles qu’il m’ait été demandé d’aborder pour rédiger une chronique. La première écoute l’été dernier fut un échec. Cette musique là n’est pas faite pour être célébrée sous un ciel bleu et un soleil éclatant, croyez-moi ! Comment un disque comme celui-là peut désarçonner quelqu’un qui est capable de supporter du MERZBOW ou du Asmus TIETCHENS ?

Cette question resta posée jusqu’en octobre dernier lorsqu’une deuxième tentative d’écoute fut programmée. Cet album est un hymne aux séquences produites à l’aide d’un système modulaire eurorock. Frédéric précise qu’il « n’utilise pas de claviers, uniquement des séquenceurs, employés de toutes les manières possibles, à toutes les vitesses possibles, des plus imperceptibles aux plus extrêmes, le tout associé à une large gamme des sons possibles sur un système modulaire. »

Les quatre compositions, aux durées allant de 14 à 21 minutes, apparaissent comme de véritables entités organiques et machiniques. Elles semblent bien vivantes ! Ces quatre suites, Ars Modularis Number One à Number Four, ne sont évidemment pas à la portée de tout le monde, alors que la jolie pochette à l’atmosphère apaisante et très enfantine (réalisée par Anéva GERCHAMBEAU) pourrait laisser présager le contraire.

Pour ceux qui ne connaissent pas trop les travaux de Frédéric GERCHAMBEAU, ne vous attendez pas à écouter une musique douce et rêveuse, proche d’un Tangram de TANGERINE DREAM ou d’un autre disque de musique synthétique. Vous ne trouverez pas de  mélodies électroniques toutes simples, avec des nappes de synthés belles et enjôleuses. Ici, il n’y pas de mélodies. Son approche est vraiment des plus complexes, relevant du domaine de l’avant-garde, et de nombreuses personnes ne vont sans doute pas tenir le coup.

Et pourtant, il a essayé de rendre cette aventure moins périlleuse, pour que l’auditeur puisse supporter cette musique. Il faut savoir qu’il a repris le schéma quaternaire du disque Catvaratempo réalisé avec Bertrand LOREAU (2018).  Et pour dompter ce qu’il présente comme un « flot harmonique parfois impétueux », il a disposé les morceaux en fonction de leur durée, en commençant par le plus court et en finissant par le plus long. En procédant de la sorte, il souhaite nous habituer progressivement à la rudesse des sons provenant du système modulaire.

À la base, il avait enregistré dix pistes pour un futur album de collaboration avec un autre musicien. Mais ce dernier ayant fait faux bond, Frédéric s’est retrouvé avec son matériel, ne sachant pas quoi en faire : comment choisir, parmi ces dix pistes, les passages les plus intéressants, comment construire de véritable morceaux « sans la moindre mélodie, sans la moindre suite d’accords ? ». C’est ainsi qu’est né Ars Modularis avec uniquement du séquenceur.

Tout le long de cet album, Frédéric joue avec les sons de manière à nous déstabiliser, à nous faire perdre tous nos repères. Au final, cela a un effet hypnotisant, telle une transe robotique d’avant-garde du XXIe siècle. Le résultat est à la fois fascinant et déconcertant, et il faut pouvoir s’accrocher pour se laisser porter  par ces étranges séquences mouvantes, qui palpitent, s’emballent, se percutent pour former en quelque sorte des symphonies électroniques et robotiques.

De ces musiques aux obscurs secrets venus de l’espace, c’est à nous de pouvoir les comprendre. Et la tâche n’est pas aisée. Pour certains, c’est inécoutable mais pour les auditeurs les plus tenaces,  alors, un nouveau monde peut s’ouvrir à eux, et ils pourront percevoir et ressentir tout un tas de choses différentes.

En faisant ce disque, Frédéric indique qu’il s’est inspiré « de la physique quantique, du bouillonnement de la matière à l’échelle des particules élémentaires  et du temps qui s’écoule dans un sens comme dans l’autre » ; nous avons l’impression que les sons s’agitent et « semblent aller vers l’avant ou vers l’arrière ». C’est impressionnant en effet.

Au fond, il a réussi à sortir quelque chose d’assez hypnotique (Number One et Two), de mystérieux et de contemplatif (Number Three semble surgir tel un chant d’agonie) et finalement plutôt mélodique ; Number Four, le morceau le plus long, montre ainsi toute la richesse et la complexité de son travail.

Certes, pour être pleinement apprécié, Ars Modularis demande d’avoir beaucoup de patience ; il est vrai que son écoute peut s’avérer compliqué; le risque étant de se lasser très vite et de se perdre dans les méandres labyrinthiques de ces modulations électroniques , de ces « séquences impossibles » d’un âge inconnu.

C’est une expérience difficile mais assez fabuleuse. Et cette musique cérébrale, née de l’imagination infinie d’un véritable artiste d’avant-garde, se doit d’être découverte.

Cédrick Pesqué

Sites : https://asso-pwm.fr/artistes/frederic-gerchambeau/           

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