GUAPO – Five Suns

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GUAPO – Five Suns
(Cuneiform / Orkhestra)

Nouveau venu au sein de l’écurie Cuneiform, GUAPO n’est pas, loin s’en faut, un nouveau groupe. Ça fait déjà depuis 1994 que ce duo anglais basse/batterie (Matt THOMPSON – ex-HEADCLEANER – et Dave SMITH) sévit dans l’antre des musiques underground, changeant quasiment de visage à chaque disque et faisant constamment évoluer sa palette sonore. Ayant eu des débuts plutôt hardcore-post-punk, GUAPO s’est, au fur et à mesure des EP qu’il a égrenés sur son chemin et dès son premier album, Towers Open Fire, dirigé sur le terrain mouvementé des maîtres de la japanoise, style BOREDOMS, GROUND ZERO, Otomo YOSHIHIDE, NAKED CITY…

Le groupe n’a pas tardé à se faire connaître dans l’hexagone vu que c’est sur le label français Pandemonium qu’il a fait paraître son deuxième disque longue durée, Hirohito, sur lequel l’usage de l’électronique et de moult samples et collages, allié à une rythmique tellurique et révulsée et à une esthétique impro-bruitiste, aboutit à une forme pas banale d’opéra-noise distroy, avec en invitée la saxophoniste Caroline KRAABEL (ex-HONKIES), dont les performances accentue le rapprochement avec l’univers « zornien ».

C’est avec la même Caroline KRAABEL et avec le contrebassiste John EDWARDS (soit le duo SCHOCK EXCHANGE) que GUAPO enregistre son troisième album, Great Sage, Equal of Heaven, synthèse survitaminée d’avant-rock, de noise, et d’électronique mâtinée d’éléments folk !

Le penchant de plus en plus prononcé de GUAPO pour les harmonies complexes, les rythmiques obsessionnelles et les structures sinueuses du rock prog’ avant-gardiste devait fatalement l’amener à signer un jour chez Cuneiform, de manière à faciliter sa reconnaissance auprès du public de l’avant-rock et de la zeuhl.

Car s’il y a bien une influence progressive dominante chez GUAPO, c’est incontestablement MAGMA, dont il constitue une sorte de prolongement dopé à la noise. Ce n’est pas un hasard si GUAPO a du reste collaboré le temps d’un disque avec RUINS (Death Seed). Et son premier EP, publié à quelque 500 exemplaires avec pochettes toutes différentes, était intitulé GUAPO vs. MAGMA. À en juger toutefois par l’orientation assumée sur son cinquième et nouvel opus, Five Suns, GUAPO ne cherche plus tant à se confronter à MAGMA qu’à se fondre en lui, à devenir MAGMA à la place de MAGMA, voire à devenir plus MAGMA que MAGMA.

Eu égard à ses antécédents de parcours, on se doute que ce n’est pas l’aspect litanies vocales de MAGMA que cherche à exploiter GUAPO (ce serait difficile pour un combo strictement instrumental !), mais plus certainement sa dynamique rythmique survoltée, principalement celle de VANDER/TOP, telle qu’elle s’ébroue sur De Futura. Ce morceau a déjà fait des émules, au point que des groupes aussi inattendus que les FLYING LUTTENBACHERS l’ont intégré à leur répertoire et en ont donné une version cataclysmique.

Mais GUAPO a voulu faire son De Futura à lui : c’est Five Suns, une gigantesque épopée de 46 minutes tout en rebondissements avec sa gamme de sempiternelles montées en puissance, tensions reconductibles, épilepsies rythmiques, répétitions hypnotiques, explosions contrôlées et recyclées, plages de récupération lancinantes, et tout le tintouin.

Il n’était donc pas question pour GUAPO de faire les choses à moitié quand il fallait mettre les bouchées doubles, et le duo s’est pour ce faire métamorphosé en trio, intégrant Daniel O’SULLIVAN, dont l’armada de claviers, avec Fender Rhodes, mellotron, orgue et harmonium, contribue à baigner le son du groupe dans une esthétique space rock très typée 70’s.

Découpée en cinq parties (logique !), Five Suns est donc une saga sombre, mais pas dépressive. On est même ahuris par tant de souffle sur un format aussi étiré, et il faut reconnaître que, hormis quelques longueurs excusables, cette pièce montée sait maintenir l’auditeur en état d’hypnose attentive. Pour compléter le CD (encore que le besoin ne s’en faisait pas spécialement sentir), deux autres pièces de taille plus digeste ont été ajoutées, la première (Mictlan) corroborant, sous une forme plus concentrée, la verve rageuse de Five Suns, et la seconde (Topan) privilégiant des climats contemplatifs proches de ceux de Köhntarkösz.

Avouons-le, GUAPO a réussi son pari et sa reconversion avant-rock/zeuhl. Il ne révolutionne certes pas le genre, mais se l’approprie avec une belle conviction. L’avenir dira si le groupe n’aura fait que passer dans le monde des musiques progressives contemporaines. (Un second claviériste a rejoint le groupe, selon les dernières nouvelles.) Pour l’heure, je vois bien quel sera le feuilleton-débat de l’été : GUAPO a-t-il pillé MAGMA ? Et on oubliera tout quand ce dernier aura enfin sorti son nouvel opus.

Stéphane Fougère

Site : https://www.facebook.com/guapoband

Label : www.cuneiformrecords.com

Distributeur : www.orkhestra.fr

(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°16 -novembre 2004)

 

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