MAHWASH – Radio Kaboul (Hommage aux compositeurs afghans)
(Accords Croisés)
Radio Kaboul est née dans les années 1940 et a marqué le début d’une reconnaissance sociale des musiciens et d’une véritable démocratisation de la musique en Afghanistan, puisque les gens pouvaient écouter la radio sur les hauts-parleurs des places publiques. Les musiciens venaient de différentes régions. Quelques femmes osèrent même se lancer dans la chanson. MAHWASH a ainsi débuté à Radio Kaboul à la fin des années 1960 et devient très vite populaire en raison de son talent, et aussi du fait qu’elle chantait dans tous les styles. Nommée « artiste de l’année » en 1970, elle fut la première femme afghane à recevoir le titre honorifique de « Ustad » (Maître) en 1977. Contrainte de s’exiler comme de nombreux artistes persécutés sous le régime des Talibans, elle partit vivre en Californie en 1992.
Hossein ARMAN, fondateur de l’Ensemble KABOUL avec son fils Khaled, a lui aussi débuté sur Radio Kaboul comme chanteur, dans les années 1950, ainsi que son frère Ibrahim NASSIM.
Radio Kaboul, CD réalisé par MAHWASH et l’ENSEMBLE KABOUL, est un hommage aux compositeurs afghans qui ont bercé Radio Kaboul durant les années prospères. MAHWASH, au chant, est entourée par Hossein ARMAN à l’harmonium, son fils Kahled ARMAN aux rubâb, tanbur, delrubâ et à la direction artistique, Ghulam NEJRAWI au zerbaghali (tambour), Fawad TAHERI au violon, Prabhu EDOUARD au tabla et au dhol et par Henri TOURNIER aux flûtes bansuri.
Les compositions témoignent de la diversité et de la créativité musicales qui existaient à l’époque de la liberté à Radio Kaboul, où musiciens traditionnels et populaires afghans, indiens ou turcs travaillaient ensemble, et où musiques afghane et occidentale se croisaient. Ainsi, le premier titre, Beshnaw az Naï (« Écoute le naï »), rend compte des influences indienne, iranienne et occidentale de son compositeur, Fazel Ahmad NAYNAWÃZ ; le troisième, Masto-Ghazalkhân (« Ivre de ghazal »), mêle inspirations perse et indienne. Plusieurs styles musicaux sont représentés, les chansons d’amour populaires, le ghazal (poésie chantée), le chant religieux… ainsi qu’un morceau d’un compositeur inconnu probablement influencé par les musiques des films indiens, Tchi chawad ba tchehra-e-zard-e-man (« Que ne regardes-tu mon visage blême »).
Le livret contient une mine d’informations sur cette époque grâce à une interview de MAHWASH, Hossein et Khaled ARMAN ainsi que les textes des chansons (le tout en anglais et en français). Il est illustré de nombreuses photos sauvées de la destruction par Ibrahim NASSIM, le frère de Hossein ARMAN : le premier orchestre de Radio Kaboul en 1943, un concert au Grand-Théâtre avec Ibrahim NASSIM au chant, un concert dans un camp militaire, le studio d’enregistrement de la radio en 1964, MAHWASH en enregistrement…
Autant par son contenu que par son contenant, Radio Kaboul est un disque sublime et indispensable.
Sylvie Hamon
Label : www.accords-croises.com
(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°15 – septembre 2004)