Pascal LAMOUR
L’Électro-chamane de Bretagne
Lorsqu’on nous parle des grands noms de la musique bretonne, on pense aussitôt aux STIVELL, SERVAT, TRI YANN ou Dan Ar BRAZ qui sont toujours en activité après plus de 35 ans de carrière. On entend souvent dire que rares sont les musiciens capables de leur succéder. Pourtant, il existe des artistes, peu médiatisés mais néanmoins talentueux, qui possèdent toutes les qualités requises pour prendre la relève. Pascal LAMOUR est de ceux-là.
Depuis ses débuts, que ce soit sous son nom ou avec le groupe ARKÁN, LAMOUR fait évoluer la musique traditionnelle en la conduisant vers des voies nouvelles sans lui faire perdre son âme. Son passage éclair à la Nuit Interceltique du Festival Interceltique de Lorient 2006, était l’occasion rêvée de le rencontrer et de partager avec lui ses influences, ses projets, mais également ses coups de gueule.
Pascal LAMOUR est un musicien avec qui il faut désormais compter. Il ne reste plus qu’à espérer que les grands festivals veuillent bien lui faire confiance en lui ouvrant leurs portes.
Entretien avec Pascal LAMOUR
C’est la première fois que tu te produis au Festival Interceltique. Qu’attendais-tu de ce concert, même si c’est simplement un court passage ?
Pascal LAMOUR : Effectivement, c’est la première fois que je passe au Festival Interceltique sous le nom de Pascal LAMOUR. Je suis déjà passé avec ARKÁN, et puis avec un groupe qui s’appelait ALPHO, qui était du jazz breton, au début des années 1980. Ce que j’attends, c’est en quelque sorte une suite de Bercy et de Celtica, c’est-à-dire une fenêtre pour faire découvrir la musique que je propose, à savoir ces mélanges entre l’électro et la musique traditionnelle, en breton et plus particulièrement en vannetais. J’attends une réaction du public, que les gens découvrent cette musique. J’espère aussi que les programmateurs du Festival vont m’ouvrir une porte plus grande à l’avenir. Mais je pense que c’est assez ouvert. On est dans l’équipe aujourd’hui, on travaille ensemble et on commence à se connaître.
C’est une musique qui n’était pas facilement abordable. Peut-être que le temps est aujourd’hui arrivé, les gens sont plus prêts. Maintenant, je crois que le Festival m’a ouvert une petite porte. C’est très agréable de jouer là-bas (ndlr : au Stade du Moustoir). Quelque part, j’aime autant avoir dix minutes dans des conditions superbes que d’avoir peut-être une heure où finalement c’est moins facile. Je suis très content en fait.
Dix minutes, n’est-ce pas un peu court ? Il faut quand même entrer dans ta musique, elle prend de l’ampleur au fur et à mesure et avec si peu de temps, il y a une certaine frustration.
PL : C’est un exercice assez difficile effectivement. À Bercy et à Celtica, j’avais 6 minutes, ici j’en avais 10. Cela veut dire que ça fait presque 50 % d’augmentation. (rires) Il faut reconnaître que c’est un peu frustrant. C’est une musique d’univers, donc il faut rentrer dans l’univers. Cela peut surprendre les gens d’arriver là-dessus après le reste. Mais en même temps, je pense que la surprise crée aussi… une surprise justement ! Les gens retiennent et puis du coup réagissent. Il y a des réactions extraordinaires de gens vers le Festival et vers moi pour communiquer autour de ce concert-là. Donc j’espère que cela va ouvrir des portes supplémentaires.
Il y a aussi autre chose. J’ai 48 ans et je fais de la musique depuis 38 ans. Pendant 37 ans, j’ai ramé. Depuis 1 an, je n’ai pas à aller chercher les dates, ce sont les dates qui viennent à moi. Je m’estime quand même plutôt heureux. Pourquoi tout d’un coup ? Je ne sais pas. Les gens sont plus prêts, comme je le disais. Il y a aussi des gens comme vous qui nous supportez, qui nous aidez depuis des années. On ne le dit pas assez parfois. C’est à force de petits bouts ajoutés les uns après les autres que finalement les portes s’ouvrent un peu plus. C’est bien de le rappeler, je pense.
Tu évoquais ta musique qui est tournée vers l’électro. Justement, depuis quelques années, il y a eu Denez PRIGENT. Il y a eu aussi des choses moins intéressantes comme STONE AGE ou DAO DEZI. Les oreilles ont été habituées à ce mélange entre musique bretonne et musique électronique.
PL : Oui, bien sûr je pense qu’il y a de ça ! Mais quand je dis que c’est une fusion entre l’électro et la musique bretonne, je suis un peu réducteur peut-être par rapport à ma proposition musicale qui est aussi une réflexion sur la médecine et la thérapeutique. J’appelle cela « Électro Shaman ». La dimension rituelle est une dimension qui m’est bien propre. Il y a mon parcours précédent. Je pense que c’est une chose que les gens ressentent. Ils ne savent pas pourquoi, mais ça communique quelque chose. Cela peut être ondulatoire, géo-biologique. Il y a plein de mots possibles à mettre, peu importe. Ce qui est important, c’est que les gens se disent : « Tiens, ça a les pieds dans la terre, ça a la tête dans le soleil. Peut-être que ça nous ferait du bien d’écouter cette musique-là ? ».
J’ai tendance à dire qu’après tout quand je suis sur scène, c’est mon monde ; je ne me pose plus de questions. Et depuis que je ne m’en pose plus, plus personne ne s’en pose. Peut-être aussi que cela facilite les choses ? J’ai remarqué d’ailleurs que depuis 2 ou 3 ans, où j’avais un peu décidé de faire comme ça, les journalistes ne parlent plus jamais de musique dans les chroniques. Ils parlent de transe, d’expression, de chamanisme, de médecine, de soins, d’alchimie, de rêves, de voyages, de sorcellerie. Pas de problèmes, j’assume tout. Je veux bien être sorcier de la musique. Mais on ne parle plus de musique. C’est assez étonnant, assez étrange. Il y a quelqu’un qui a écrit que ça rajoute quelques continents à la dérive des continents. Je trouve ça assez intéressant.
Parler de chamanes dans une terre de Druides, n’est ce pas un peu de la provocation ?
PL : Non, pas du tout ! Absolument pas ! Le druide et le chamane sont deux noms différents pour définir la même fonction. Il y a les trois fonctions indo-européennes qu’on connaît dans toute l’Europe qui sont le côté mystique, le côté politique et le côté acteur, actif ou artisan. Je crois que le chamane, c’est ça en fait ! Le druide est une partie des fonctions du chamane. Le chamane, ça va un peu plus loin. Tout ça, ce sont des mots pour attirer la question et l’attention, mais en aucun cas la provocation, parce que c’est une réalité. Quand je suis pieds nus sur scène, ce n’est pas pour faire le malin. Si j’ai parfois des déplacements sur scène qui dérangent certains, ce n’est pas pour faire le fou. C’est parce que, à un moment donné, il y a une raison. Après, cette raison est liée à ce côté rituel et ça n’est pas de la provocation. Cela peut être pris comme tel, et ça ne me dérange absolument pas. On m’a toujours dit : « Si on parle de toi en bien, c’est bien ! Si on parle de toi en mal, c’est bien ! Si on ne parle pas de toi, c’est con ! »
On pourrait aussi dire que ta musique est la suite logique de ton ancien métier qui était pharmacien.
PL : Exactement ! Il y a quelqu’un qui m’a dit : « Dans ta pharmacie tu étais derrière tes petites boites et dans ton studio, tu es derrière tes petites boutons ». Quelque part, j’ai juste déplacé les lieux et les fonctions pour arriver au même résultat. C’est tout à fait ça finalement ! J’ai l’impression qu’on n’échappe jamais à ce que l’on est. On vient de quelque part, on va quelque part ! On ne sait pas d’où l’on vient, on ne sait pas ou l’on va ! Enfin, il y en a qui le savent, il y en a qui ne le savent pas. Ce qui est important, c’est la route qu’il faut tracer.
On n’échappe pas à sa culture. La pharmacie, c’est quelque chose que je ne veux plus exercer dans une officine. Mais c’est quelque chose qui m’a permis de comprendre que la culture était bien plus vaste que ce que les mystiques disent, que ce que les gens de la culture disent, et aussi que ce que les scientifiques disent. Tout ça a sa place pour dire qu’il y a des éléments qu’on n’a peut-être pas encore bien compris et que le XXIe siècle et les suivants vont ouvrir. Il est bien évident que, lorsqu’on sait que les choses naissent, vivent et meurent, la société dans laquelle on est n’échappe pas à ça. À partir du moment où elle est en voie d’extinction, ne serait-ce que par rapport à cette simple vérité de la naissance, de la vie et de la mort, je pense qu’il y a des propositions à faire pour la renaissance qu’il y aura derrière. On a un rôle, nous, artistes, dans ce domaine et ma réflexion sur la mode de vie, sur la santé, va dans ce sens-là.
Roland BECKER qualifiait sa musique d’images sonores. Chez toi aussi l’image a un aspect important au vu de ton attitude sur scène, de la qualité des livrets de tes albums.
PL : Oui effectivement ! Mais je ne voudrais pas réduire la musique à une image sonore. L’image qui est utilisée dans ma musique, ainsi que ma musique, ont la même origine. Dire que c’est une image sonore, cela voudrait dire qu’il y a un côté très esthétique. Or là, il n’y a aucun choix esthétique. C’est uniquement un choix de dire que je suis sur une scène, que cette scène, c’est chez moi pendant dix minutes ou une heure et demie. Donc, cet espace-là, je le pratique comme un lieu d’expression… je dirais presque, symbolique. L’image sonore, pour moi, c’est une impression et un des phénomènes possibles. Mais il y a plein d’autres aspects, bien entendu !
Aujourd’hui, tu pratiques ta musique sous le nom de Pascal LAMOUR. Autrefois, il y avait aussi le groupe ARKÁN et tu menais les deux carrières en parallèle. Pourquoi ne pas avoir tout fait sous un seul nom ?
PL : En fait, on a créé le groupe ARKÁN suite à des rencontres et le groupe n’est absolument pas mort parce que les gens qui travaillent avec moi aujourd’hui en font partie (ndlr : Éric TROCHU et Mourad Aït ABDELMALEK).
Je dirais qu’ARKÁN avait un côté électro qui faisait un lien avec les cultures du monde, qu’Eric et Mourad apportent, et on continue à travailler au sein d’ARKÁN. Mais on s’est rendus compte que cet aspect musique du monde intéressait moins les programmateurs. Il y a des fois où il faut attendre. J’avais peut-être une réflexion plus proche de la musique traditionnelle avec le côté danse et c’est ça que je fais aujourd’hui. Cela dit j’ai bien l’intention, à un moment donné, de refaire sortir des choses qui sont dans les placards d’ARKÁN. Je pense que le groupe a été un lieu de création en avance d’une vingtaine d’années. Les gens qui ont travaillé là-dedans m’ont apporté énormément pour pouvoir continuer. Je dirais qu’il s’agit de deux racines différentes d’un même arbre.
Tu as aussi eu l’occasion de faire une création avec le BAGAD RONSED-MOR de Lokoal-Mendon. Cette création sera-t-elle renouvelée, poursuivie, voire amplifiée ?
PL : Effectivement, j’ai fait cette création avec Lokoal-Mendon. On pensait que ça allait être juste une création et puis, on s’est rendus compte que c’était un échange humain extraordinaire entre eux et moi. Ils ont utilisé un des mes morceaux en 2005 pour le final du concours des bagadou qui a laissé une impression intéressante. Cette année, ils ont réutilisé des morceaux et ils ont gagné (ndlr : seulement l’épreuve de Lorient). Eux m’apportent énormément de choses, moi j’essaie aussi de leur en apporter. La suite de la création fut d’aller cette année au Festival de Rudolstadt en Allemagne, qui est un des plus gros festivals de folk en Europe, avec tout le bagad. Il y a aussi des projets de concerts pour l’an prochain.
Il existe également un aspect concert où on a une formule dans laquelle on trouve Dédé Le MEUT (ndlr : penn sonneur du bagad), trois caisses claires du bagad, Mourad à la batterie et moi, qui est une formule plus orientée vers la danse.
Le problème avec le bagad est qu’il a un coût, un coût de déplacement, de structure, d’accueil. Aussi, il faut le temps pour que ça prenne sa place. Mais c’est évidemment un souhait du bagad de continuer, ils me le disent régulièrement, et c’est un souhait de ma part également. Il y a donc un avenir certain dans ce domaine.
Tu as aussi d’autres projets avec différents groupes de la scène bretonne, comme EV par exemple. Les autres groupes s’intéressent-ils vraiment à toi et te demandent-ils des compositions ou des remix ?
PL : Je disais tout à l’heure que c’est la première fois de ma vie que je n’ai pas de dates à chercher. Honnêtement, je ne vais pas dire que je croule sous les demandes de productions parce que ce serait très prétentieux de ma part, mais il est vrai que je ne peux plus suivre. La demande s’est élargie. Effectivement, il y a des gens de la scène bretonne avec lesquels je suis en pourparler comme EV ou Louise EBREL avec qui j’ai un projet. Je vais faire une création avec Nolwenn KORBELL. J’ai des demandes d’autres artistes que je ne peux pas divulguer pour l’instant puisque c’est en cours d’élaboration.
Je travaille aussi avec des gens du milieu hardcore, du milieu reggae, du milieu dub. Je viens de faire le trio de harpes LES FILEUSES DE NUIT. J’ai un projet avec Abdoul KAMAL, un chanteur sénégalais. Je vais bientôt faire un disque avec Sophie Le HUNSEC. Je vais enregistrer une harpiste qui s’appelle Magali ZSIGMOND qui fait un mélange d’électro et de harpe. J’ai eu des demandes ici au Festival de gens qui veulent à tout prix que je fasse la production de leur album même si c’est en 2007 ou 2008. Là, franchement, j’ai du mal à suivre !
Encore une fois, je trouve que j’ai beaucoup de chance. Aussi, j’essaie d’aller au plus près des projets qui m’intéressent au niveau éthique et non pas au niveau économique. Mon choix s’oriente plus vers les gens avec qui j’ai envie de travailler parce qu’il ne faut pas que ça soit non plus une obligation.
Est-ce que tu t’exportes bien hors Bretagne et même hors France ? Comment les autres publics réagissent-ils à ta musique ?
PL : Pour moi déjà, et sans faire de provocations, l’étranger commence quand je sors de Bretagne. Mais après, il n ’a plus de limites. Donc, aller à l’étranger, c’est sortir de la Bretagne. Voilà !
Pendant des années, on jouait plus à l’étranger qu’en Bretagne. On s’est produit en Allemagne, en Belgique, en Italie, en Espagne, aux États-Unis, au Brésil. Peut-être que cette année est une grande année pour moi, parce qu’enfin j’ai l’occasion de jouer dans mon pays. J’ai joué plusieurs fois en Allemagne cet été, à Berlin deux fois, Rudolstadt, Munich, Weimar, deux fois en Belgique, une fois en Écosse à Glasgow et l’an prochain, je pense que je vais retourner en Asie faire une tournée.
Les gens à l’étranger, hors Europe, sont extrêmement sensibles à cette musique parce qu’ils ont une culture électronique, en particulier dans les pays d’Asie. Ce qui est étonnant, quand on arrive là-bas et qu’on demande une batterie, on n’en trouve pas. En revanche, ils ont une grande culture des machines. Il y a longtemps qu’ils ont remplacé ça par l’utilisation de l’électronique. Alors, ça a ses avantages et ses défauts. Comme ils ont une grande culture de l’électronique, on a une place directe. Je ne suis pas favorable à ce qu’on aille dans des sens extrêmes. Ce qui est important, c’est qu’il y ait des fusions entres les capacités des gens. Mais il est vrai que je suis très étonné de voir l’accueil de la musique au Viêt-Nam ou encore au Brésil. C’est incroyable ! Ils ne se posent pas de questions.
Il faut un petit brin de curiosité, pas trop de jugements ou d’idées reçues, un peu de regard vers l’avenir, un peu de rigolade aussi parce qu’il y en a marre d’être dans le politiquement correct et écrit pour tous. Il ne faut pas suivre la procession. C’est bien qu’il y ait une exigence vis-à-vis de la musique traditionnelle, mais beaucoup de gens avec qui je parle m’expriment leur gêne et une grosse douleur de ne pas oser faire les choses sous prétexte que les gardiens de la musique traditionnelle vont porter des jugements. Je le vois en Irlande, en Écosse ou en Galice. Si on n’arrive pas à dire que même si la musique traditionnelle est une chose, il faut laisser la liberté à des gens qui essaient d’en faire quelque chose, on va crever. On ne peut pas tout mettre dans un musée non plus. Il faut arrêter. On m’interpelle alors sur le patrimoine. Je m’en fiche ! J’ai passé l’âge de me poser ce genre de questions.
Les gens qui ont 25 ans, qui ont envie de faire des expériences, ils ne peuvent pas les faire à cause de ça. C’est une minorité, mais il faut que ces personnes acceptent d’ouvrir les oreilles. Et puis, il n’y a personne qui détient la vérité. Je reçois parfois des mails, qui viennent de pays extrêmement lointains, qui me disent que c’est vraiment bien de garder le pays de nos parents, de nos grands-parents. Mince, il faut vivre dans ce pays ! Ce n’est pas le tout de vouloir garder les fléaux ou les faucheuses. Mais il faut bouffer au quotidien ! C’est un pays qui vit, qui évolue. Laissez-le évoluer ! Il faut faire très attention, car il y a un problème de bien penser par rapport à un type de musique, par rapport à une forme de vérité qu’il faut à mon avis remettre en cause sinon on va crever. Voilà mon idée là-dessus.
D’un autre côté, ta musique reste fortement enracinée. Les chansons sont souvent issues du collectage et en plus tu chantes en dialecte vannetais. L’apport de l’électro fait évoluer la musique, mais elle a conservé ses racines.
PL : Récemment un journaliste m’a dit qu’il avait offert mon disque à son fils et que celui-ci avait répondu que j’étais quelqu’un qui a mis ses recherches au service de la musique bretonne et non quelqu’un qui a pris la musique bretonne pour servir ses recherches. Ce gamin avec ses mots à lui a dit exactement ce que je veux faire.
Dédé le MEUT me dit souvent qu’il n’y a pas plus traditionnel quand on sonne en couple tous les deux et que l’on met de l’électronique autour. C’est comme quand on voulait nous taper sur la gueule il y a 25 ans parce qu’on mettait une guitare électrique alors qu’aujourd’hui, ça ne gêne absolument plus personne.
Je suis content que vous me posiez cette question. On n’échappe pas à ses origines, encore une fois. J’ai quand même gagné le Kan ar Bobl, j’ai été champion de danse trois ou quatre fois de rang à Guingamp pour la danse traditionnelle. J’ai gagné plein de concours de compositions musicales dans différents conservatoires. Il y a un moment où il faut aussi se dire qu’on ne vient pas de nulle part.
C’est malheureux que je sois toujours obligé de continuer à faire des concours de sonneurs pour qu’on se rende compte que je connais la musique traditionnelle. C’est quand même incroyable ! On ne devrait pas avoir l’obligation de faire ça. On devrait juste avoir à dire : on vient de là, on va là et voilà ce qu’on propose !
Il y a trois ans a éclaté le problème des intermittents du spectacle. Quel est ton statut, es-tu intermittent ?
PL :Je ne suis pas intermittent parce que j’ai choisi d’être indépendant. Ce qui est très difficile pour les intermittents, c’est qu’ils ne sont pas indépendants. C’est une première raison pour comprendre leur réflexion.
Après, nos gouvernants disent que la culture coûte cher. Moi j’ai une solution très simple et je l’ai déjà dite. Quand un industriel met une cornemuse sur une boîte de pâté ou de biscuits, il utilise la culture et sa mythologie. Cela va lui servir à vendre son produit. Il y a bien une vocation économique. Donc, il est normal que derrière cette économie, notre économie participe à ce que la culture se développe. Ce qui fait que les intermittents ont leur place.
À côté de ça, il faut aussi que les intermittents fassent un travail. À la base, les gens ne sont pas intermittents, ils sont musiciens. C’est leur métier, du moins en ce qui concerne la musique. Il existe cependant une minorité, mais c’est cette minorité-là qui laisse la porte ouverte, qui n’est pas toujours très claire avec ce statut. C’est une très petite minorité. Elle existe. Et c’est elle qui laisse parfois la critique pour la grosse majorité qui est sérieuse. Voilà comment je vois le problème des intermittents. Il faut intégrer cela dans l’économie et respecter cette culture en tant qu’économie.
De plus, moi, en tant qu’entreprise individuelle, je suis quand même très content de pouvoir aussi embaucher régulièrement des intermittents, que ça soit simple et que tout le monde s’y retrouve. C’est du travail qui est extrêmement fragile, extrêmement sensible et tout le monde en a besoin. Les gens en ont besoin, l’économie en a besoin et sous plein de formes. Nous, en tant qu’entreprise utilisant les services des intermittents, en avons besoin aussi.
Une dernière petite question. À l’occasion de ton concert pour la Saint-Yves à Lorient, alors qu’il pleuvait, tu as commencé à chanter et la pluie s’est arrêtée, puis elle a repris une fois le concert terminé. Le premier week-end du Festival, le temps n’était pas très beau non plus et au moment de la Grande Parade, il a fait beau. Y es-tu pour quelque chose ?
PL : Écoute, je n’en sais rien ! Lors des Fêtes Maritimes de Douarnenez, on a eu la même chose. Il pleuvait. On a commencé le concert en faisant un rituel. La pluie s’est arrêtée, il faut le reconnaître. Pendant tout le concert j’ai dit aux gens : « Vous voyez, on a arrêté la pluie ! ». Cela fait plusieurs fois que je fais ça et ça fait plusieurs fois que ça fonctionne, c’est vrai ! (Rires) On va admettre que c’est sans doute une grande part de chance. Probablement.
Il faut aussi de la pluie. Les gens me disent souvent : « Qu’est ce qu’il fait beau ! ». On sous-entend alors qu’il y a du soleil. Ma mère, quand elle disait cela, ça sous-entendait qu’il y avait de la pluie, car quand on est agriculteur, le beau temps parfois c’est la pluie après le soleil.
Il faut être très vigilant sur ces notions de beau temps ou non. Heureusement que je ne fais pas ces rituels tout le temps ! Ça ne marcherait sans doute et sûrement pas. Celui qui aura une influence sur le temps et qui pourra en décider, sera bien dangereux. C’est comme choisir le sexe des ses enfants. Ne laissons pas à quiconque le droit de changer le temps.
Merci beaucoup Pascal et à bientôt.
PL : J’espère qu’on se verra plus longtemps au Festival l’an prochain.
Discographie
* Pascal LAMOUR
– Lamour : il s’agit d’un 45 T enregistré en 1990, comportant deux titres (Yec’hodenet dont les textes sont signés de Youenn GWERNIG, et dont la musique est sans doute le premier mixe entre traditionnel et machines. Cet objet est absolument introuvable aujourd’hui).
– Continentales (1995)
– Sanzao (1998)
– Er Miloer (2002)
– Shaman of Brittany (2004)
– Yermat (2005)
* ARKÁN
– An Nor (1997)
– Kan de zanseiñ barh an ti (2002)
Site : https://pascallamour.com
Entretien réalisé par Didier Le Goff,
avec la participation de Laure Abdallah
(Festival Interceltique de Lorient – Août 2006)
Photos : Laure Abdallah (Portrait Lorient – 2006),
Pascale Désagnat et Myriam Jégat
(Article orginal publié dans
ETHNOTEMPOS n°26 – octobre 2006)