Philippe de MOUCTOURIS – Exhumation des compositions

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Philippe de MOUCTOURIS – Exhumation des compositions
(Autoproduction)

Quatre ans après son dernier album, Le Goût du lézard (avec Michel BASTET), voici que l’on reparle du très discret et fort méconnu compositeur et multi-instrumentiste Philippe de MOUCTOURIS, l’un de ces secrets bien gardés des musiques en marge qui, il est vrai, n’a jamais cherché à – ou n’a pas pu – faire une véritable carrière artistique qui aurait érigé son nom en référence « incontournable ». Rendez-vous compte, il n’a même pas fait partie d’un groupe mythique ! Mais sa discographie soliste compte tout de même un EP et trois albums (en plus de celui-ci), ce qui n’est pas complètement négligeable. Eh bien ! Vous savez quoi ?! Il nous manquait quelques pièces du puzzle sporadique de Philippe de MOUCTOURIS ! Et Ce CD réalisé « au compte goutte » (sic) nous les fournit enfin ! Son titre, Exhumation des compositions, dit bien ce dont il retourne : de MOUCTOURIS a ici compilé plusieurs pièces de son cru qui s’étaient éparpillées avec la poussière du temps, entre 1979 et 1999.

Celles et ceux qui se sont intéressés aux « productions maison » de la scène musicale française marginale du début des années 1980 se souviennent peut-être avoir vu traîner chez un disquaire spécialisé (au hasard : Phaedra) un EP de trois titres de Philippe, ésotériquement titré 47s de rouge dans une Bible noire, devenu depuis, on s’en doute, un collector suprême. Le voici restitué ici en intégralité pour la première fois sur support CD : il est constitué du morceau éponyme, constitué d’une ligne de guitare électrique et d’une ligne guitare basse au superposées et au son rugueux.

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Soutenue par une boucle guitaristique, l’étrange et quelque peu sinistre Song for Gurdjieff est dominée par une voix chorale aïgue et une autre plus grave, aussi « shootées » l’une que l’autre, comme prisonnières d’un orgasme lancinant.

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La face B de cet EP incluait les Salons d’Ithaque, une autre pièce de guitare au son « brouillé » qui fleure bon le « DIY » et à laquelle se superpose une boucle de guitare aux réminiscences frippienes, avec des vocaux guère intelligibles qui se baladent à la cantonade. Au moins, pour ceux qui l’avaient raté à l’époque ou l’avaient oublié, on sait enfin de quoi était faite cette rareté typique d’une certaine approche musicale expérimentale à l’orée des 80’s !

Suit une autre pièce directement postérieure à cet EP, En attendant, qui superpose guitare languide et clavier simili-orgue. Elle avait figuré dans une compilation restée mythique, Douze pour un, publiée par le label AAA (OFFICER !, FRITH/COXHILL…), et qui n’a jamais été rééditée en CD. Philippe de MOUCTOURIS y avait contribué aux côtés de noms qui ont fait date, comme Pascal COMELADE, PTÔSE, Philippe CAUVIN, DDAA, HÉLLEBORE, UN DÉPARTEMENT, et d’autres encore… C’est dire si l’on tient là la relique « underground » suprême !

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Les cinq pièces qui suivent proviennent d’une maquette de 1984 que Philippe de MOUCTOURIS avait enregistrée avec le claviériste Xavier de RAYMOND, qui est semble-t-il passé dans ESKATON. La production y est minimale, résolument « brut de fonte », et le son aussi aléatoire et rustique qu’on peut l’imaginer. Leur particularité est d’y faire entendre un Philippe de MOUCTOURIS chanteur et auteur de textes insondables ou amusants posés sur une musique teintée pop new wave et fabriquée avec les moyens du bord : guitare, clavier et programmations de batterie. Ça sent l’autoproduction datée 80’s à plein nez ! Il fallait bien en passer par là…

Les deux morceaux qui suivent, Alambic Hispanique et Creuse, voient Philippe de MOUCTOURIS opérer un virage à 180°, jouant sur une guitare exclusivement acoustique pour dessiner des espagnolades de bon aloi, avec percussions « liquides » et de menus effets de voix.

Enfin, les deux dernières pièces nous prolpulsent dans la seconde moitié des années 1990, dans le sillage de l’album que Philippe avait fait paraître sur Gazul, Intimal Guitare (1996). Avec la complicité de Ralph KÜNDIG, il se lance dans l’enregistrement numérique et compose ces deux paysages sonores. La Boucle sans fin exploite une grammaire électro-ethno, avec mélodies de sons flûtés, didgeridoo, percussions, tandis que Vibes, Voice et Techproject est plus minimal, une nappe synthétique soutenant une boucle de voix en écho, avant qu’une autre nappe, un embryon de thème et une ligne rythmique programmée ne viennent à leur tour assister la voix dans son envol en mode « muezzin ». Envoûtant !

C’est ainsi un parcours en pointillés de vingt années que retrace Exhumation des compositions. On y mesure le chemin parcouru par Philippe de MOUCTOURIS, chemin qui n’a rien d’une ligne droite d’autoroute et ressemble bien davantage à un tracé de sentier sur des lignes de fuite contrastées au charme certain.

Stéphane Fougère

PS : On peut commander ce CD directement auprès de l’artiste : demouctouris @ yahoo.fr

One comment

  1. Encore un immense merci !je t’ai écrit un mail en plus !quelle belle écriture que tu nous offres dans tes chroniques !j’attend la sortie de aksak Maboul et je piaffe d’impatience,voilà un groupe indispensable !Merci Stéphane

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