Richard RAUX & HAMSA – Kundalini

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Richard RAUX & HAMSA – Kundalini
(Monster Melodies)

Réputé pour être un fin limier des raretés hexagonales en matière de musiques évoluant hors des circuits médiatiques et commerciaux officiels, le label du disquaire parisien Monster Melodies nous a cette fois déniché un enregistrement inédit d’un groupe qui ne doit pas être tout à fait ignoré des connaisseurs de cette frange musicale entre rock et jazz, mais qui ne se limite pas à du jazz-rock. HAMSA était dans les années 1970 le groupe de Richard RAUX, saxophoniste et flûtiste d’origine créole dont la première trace discographique fut sa participation à l’album La Devanture des ivresses de MELMOTH (1970), alias Daniel THERON, qui s’est fait également connaître comme Dashiell HEDAYAT (album Obsolete, avec les musiciens de GONG), et en littérature sous le nom Jack-Alain LEGER. Richard RAUX n’est pas non plus inconnu des fidèles de la musique zeuhl puisqu’il a joué sur le premier double album de MAGMA (1970), partageant avec son mentor Christian VANDER sa passion pour la musique de John COLTRANE.

Richard RAUX n’est pas resté dans MAGMA au-delà de ce premier album, goûtant peu l’atmosphère rigide distillée par certains membres de la formation et préférant jouer une musique plus libre et instantanée. Il a cependant poursuivi sa carrière comme « session man » pour des groupes comme T-REX et des personnalités de la chanson française, tel Eddy MITCHELL (Ketchup électrique) et Jacques HIGELIN (Irradié) mais a aussi apporté sa contribution à la musique des courts-métrages expérimentaux de Pierre CLÉMENTI.

C’est avec son frère guitariste Patrice RAUX et avec le batteur Jean PADOVANI qu’il a formé HAMSA. Le groupe a joué régulièrement dans le club parisien le Riverbop, jusqu’à ce que plusieurs plaintes pour tapage nocturne n’obligent le club à fermer ses portes pendant un an, suite à une jam particulièrement détonante avec Didier LOCKWOOD et Christian VANDER !

Cela n’a pas empêché HAMSA de continuer à exister, puisqu’il a enregistré son premier album en 1975 avec une formation relativement étoffée. Assurant saxophones ténor et soprano, flûte, piano, chant et compositions, Richard RAUX y est entouré de deux guitaristes, d’un bassiste, d’un batteur, d’un percussionniste et de quatre choristes. Produit par un certain Laurent THIBAULT (ex-MAGMA lui aussi), Richard RAUX & HAMSA a été le premier disque enregistré dans le légendaire studio du Château d’Hérouville, essuyant les plâtres et ne donnant qu’une image imparfaite du véritable son dont le groupe était capable.

L’enregistrement exhumé par Monster Melodies provient directement des caves de l’INA. Il s’agit en fait d’une captation live effectuée au Studio 105 de la Maison de la Radio, à Paris, en décembre 1976, soit postérieure à la sortie du premier album d’HAMSA. Le groupe y apparait sous la forme d’un octet, dans une formation qui a encore quelque peu changé par apport au disque : si l’on y retrouve Patrice RAUX (guitare), Jean PADOVANI (batterie) et Michael STERLING au chant, on y découvre Siegfried KESSLER au piano électrique, Sylvin MARC à la basse, Bruce GRANT aux sax alto et à la flûte et Ayieb DIENG aux percussions, bref que des musiciens dont la plupart se sont fait un nom et ont creusé leur place dans le milieu musical depuis… 

Bénéficiant d’une qualité sonore assez correcte compte tenu de l’ancienneté de l’enregistrement, Kundalini offre une image certainement plus convaincante de l’énergie dont savait faire preuve HAMSA dans son contexte de prédilection, la scène. Nourrie des solis tout aussi inventifs et virevoltants à la flûte et au saxophone ténor de Richard RAUX, des soli incisifs de guitare de Patrice RAUX, des interventions vocales de Michael STERLING – lâchant ici et là des phrases répétées comme des mantras, ou bien se contentant d’onomatopées -, des textures chaudes et enveloppantes des claviers Siegfried KESSER et d’une section rythmique en grande forme et prompte aux rebondissements, la musique d’HAMSA fait montre d’un groove généreux et phénoménal, puisant dans les musiques noires (funk, ethnique) comme dans le free jazz, dans les rythmes africains et indiens, faisant écho par endroits au premier disque de ZAO ou même au premier MAGMA, mais plus sûrement aux quêtes coltraniennes et pharoah-sandersiennes, reflétant une certaine conception d’un « spiritual jazz » distillant plein de vibrations positives et régénérantes.

Le nom que s’est choisi le groupe illustre du reste cette inclination à la sphère spirituelle, « hamsa » désignant en sanskrit une oie ou un cygne, symbole de l’âme et de l’être et véhicule du dieu créateur Brahma dans la culture hindouiste en Inde et en Asie du Sud-est. On notera du reste que d’autres groupes de jazz-rock de cette époque ont également été cherché leur nom dans le vivier de la littérature hindouiste (SURYA, ou encore NADAVATI, dont Richard RAUX a aussi fait partie).

Ceux qui connaissaient déjà le premier album d’HAMSA retrouveront bien évidemment ici quelques thèmes (La Grande ïle, Kundalini, Andronomadio), transcendés par rapport à leur version studio, étirés et déployés de manière à former des suites avec d’autres thèmes, inédits ceux-là ; Andronomeda est ainsi couplé avec Antsirabe, et la Grande Île sert de pont entre BB et Narguilé. On découvre de même Master Jingle et Every Time I Feel the Spirit / I Go Crazy, jamais gravés sur disque, tandis que New Reggae sera enregistré, par une formation encore renouvelée, sur l’album Hamsa Music de Richard RAUX paru en 1981.

Sachant que les albums d’époque de Richard RAUX n’ont fait l’objet d’aucune réédition (ni en CD, ni en LP) depuis leur première parution, cette archive inédite permet de redécouvrir une musique certes ancrée dans son époque mais qui n’en garde pas moins une vitalité et un esprit bouillonnants susceptibles de faire des envieux.

Stéphane Fougère

Label : www.monstermelodies.fr/hamsa

 

 

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