SUARASAMA – Fajar Di Atas Awan

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SUARASAMA – Fajar Di Atas Awan
(Drag City)

Cet album est apparu pour la première fois en 1998 sur le label de RFI Musique. Enfin, apparu, c’est beaucoup dire puisque, destiné à la radiodiffusion, il n’a pas été commercialisé. Au mieux on l’a entendu à la radio, mais rares sont ceux qui ont pu se procurer ce disque. Tout au plus a-t-on pu en découvrir un extrait dans le disque Indonesian Guitars, le vingtième volume de l’indispensable collection de chez Smithsonian Folkways, Music of Indonesia, dirigée par Philip YAMPOLSKY, lequel a précisément enregistré ce premier essai discographique du groupe SUARASAMA.

Fondé en 1995 à Medan, dans le nord de l’île Sumatra, SUARASAMA rassemble des musiciens qui sont aussi ethnomusicologues. Pour autant, leur propos ne se cantonne pas à la représentation et à la préservation des musiques traditionnelles de l’île. C’est au contraire une musique folk contemporaine et évolutive fondée sur diverses musiques ethniques et tournée vers la composition. Outre un ancrage dans les traditions de Nord-Sumatra (musiques des Batak et des Malais), SUARASAMA explore d’autres esthétiques provenant du Moyen-Orient, de l’Inde, du Pakistan, d’Afrique ou d’Europe de l’est.

Principal compositeur du groupe, Irwansyah HARAHAP déploie ses talents sur plusieurs instruments à cordes, la guitare, le oud arabe et le gambus malais, et fait aussi entendre une voix volontiers plaintive. Le chant principal, d’où émane des effluves mélancoliques ou sucrées, est assuré alternativement par Rithaony HUTAJULU et par Syainul IRWAN, qui se partagent également la « shruti box ».

Deux percussionnistes, Nandang KUSNANDAR et Erni ZULFAN, les accompagnent avec une vaste choix de peaux, comme le rebana – tambour sur cadre malais –, le kendang de Java-Ouest (Sunda), le daf persan, le tabla indien, plus des cymbales… Un morceau inspiré par un ghazal indien est joué à la guitare et au daf, un autre combine gambus, daf et tabla, un autre encore réunit le oud et le kendang…

Autant dire que ceux qui ont écouté ce groupe la première fois à la radio sans rien savoir de ses origines ont dû avoir quelque mal à les identifier ! Le « folk croisé » de SUARASAMA ne sonne cependant pas forcé et dépasse la simple enjolivure. Le choix d’une instrumentation strictement acoustique et le goût pour des arrangements subtils et raffinés et des mélodies langoureuses et capiteuses permet à la musique de préserver un caractère organique et de naviguer en permanence entre modes orientaux et échelles occidentales.

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Le semblant de parfum new-age post-psychédélique qui flotte au-dessus des compositions de Fajar Di Atas Awan (« L’Aube au-dessus des nuages », titre cotonneux à souhait) explique peut-être pourquoi ce disque est passé de l’usage interne d’une radio française à un label indépendant américain (qui a déjà signé John FAHEY, Joanna NEWSOM et Bert JANSCH), et de la catégorie « musique du monde traditionnelle » à la catégorie « free-folk ». Est-ce la musique qui est flexible ou notre perception qui est fluctuante ? On est au moins sûr que la musique de SUARASAMA défie les catégorisations.

Stéphane Fougère

Page : https://suarasama.bandcamp.com/album/fajar-di-atas-awan

Page label : https://www.dragcity.com/products/fajar-di-atas-awan

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°42 – printemps 2009)

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