TWELVE THOUSAND DAYS – The Boatman on the Downs

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TWELVE THOUSAND DAYS – The Boatman on the Downs
(Final Muzik)

Conçu il y a 23 ans comme un parmi les nombreux projets parallèles de Martyn BATES, chanteur et guitariste du duo EYELESS IN GAZA (en activité depuis 1980) et Alan TRENCH (ORCHIS TEMPLE MUSIC), TWELVE THOUSAND DAYS commença sa prolifique existence en 2000 (7 albums à ce jour) sur un label italien (Musica Maxima Magnetica) – déjà responsable de la trilogie des Murder Ballads, autre projet parallèle et collaboration entre M.J HARRIS et Martyn BATES entre 1994 et 1997 – avec In the Garden of Wild Stars, soit 16 morceaux avec 2 morceaux traditionnels (The Moon is down, Sally Free and Easy) et la reprise de The Wandering Aengus de W.B YEATS (DONOVAN en avait fait une très jolie version sur son album HMS en 1970). Suivra un deuxième album, The Devil in the Grain, paru chez Trisol en 2001, le label allemand qui a sorti l’un des albums d’ORCHIS et qui a accueilli et encouragé une vague dark folk au début des années 2000.

Dans la foulée ou presque, TWELVE THOUSAND DAYS sort deux albums dont un maxi sur un label polonais (Shining Day), At the Landgate (2005) et From the Walled Garden (2006) avec au moins un morceau traditionnel (Cruel Mother) et l’approfondissement de la collaboration entre les deux musiciens en version flûte/guitares et instruments divers plutôt moyenâgeux (ré-écoutez Who Lives There, vous comprendrez).

Un silence de près de 12 ans a suivi pour TWELVE THOUSAND DAYS. En effet, Martyn BATES reprend à partir de 2012 une carrière solo avec l’album Unsung, produit par Alan TRENCH, suivi par trois autres joyaux (Arriving Fire en 2014, Fireworks and Jewels en 2015 et I Said to Love en 2017) tous parus chez A-Scale label d’EYELESS IN GAZA à Nuneaton, formant une sorte de testament du chanteur à la guitare. La période étant aussi entrecoupée par quatre albums moins convaincants d’EYELESS IN GAZA en tant que duo (avec Pete BECKER) qu’on sent en perte de vitesse et se cherchant à nouveau entre « field recordings » et pop music avec guitares, notamment et presque trop pesamment avec Ink Horn/One Star de 2019, album plutôt décevant des quarante ans du groupe et dernier à cette date du groupe sur le label.

La réapparition de TWELVE THOUSAND DAYS se fera donc avec à nouveau un autre label italien, Final Muzik, qui, lui, possède déjà un sérieux catalogue de bonne qualité, avec l’album Insect Silence en 2018 et trois albums enchaînés, Fields End (2020), The Birds Sing as Bells (2021) et ce petit dernier, The Boatman on the Downs (le batelier dans les dunes – ou les marais !) de 2023.

Cette réapparition ou renaissance se couple avec un autre projet (restons dans la simplicité) qui lui, semble prendre la place d’EYELESS IN GAZA pour de bon : KODAX STROPHES, deux albums à ce jour dont un chez Klanggalerie en 2020, label autrichien pointu, et Martyn BATES seul ou en tous cas leader solitaire du projet.

Pour l’album The Boatman on the Downs, Martyn BATES déclare que cet album lui est venu dans un rêve dans lequel il voyait « des glaciers sculptant la terre, ouvrant la vague submergeant les villes, les champs avec le batelier créateur maniant la barre de son bateau en équilibre précaire et fabriquant le monde »

On est un peu à mi-chemin entre Charon le passeur des enfers et guide des âmes de ceux qui ont reçu les rites funéraires à travers la frontière entre le monde des vivants et celui des morts et un voyage initiatique dans la nuit et au sud de l’Angleterre avec ses marais et ses dunes peuplés de feux follets, d’esprits fugaces et emplis de sonorités sombres et marquées par le désir, la tristesse et le passage du printemps à l’été.

Curieusement, la pochette intérieure de l’album qui retranscrit les textes semble imprimée sur un autre document peu visible mais empli de termes cachés (ou secrets). En effet, on y trouve les mots : troubadour, devil, oath, king slayer, mystagogue (un prêtre qui initie aux mystères sacrés) ainsi que des références comme Guillaume IX, comte de Poitou, premier ménestrel répertorié du Moyen Âge, parti en croisade et qui a écrit plusieurs séries de chansons courtoises en occitan vers 1101, Face of Lucca, soit une statue de la figure du Christ en bois en Toscane. Tout cela n’étant pas posé là par hasard, l’album comme ses précédents ayant un double fond ou un double sens, on voit bien la continuation de The Boatman on the Downs qui clôture un cycle des saisons ; le précédent de 2021, lui, annonçant le passage de l’automne à l’hiver.

L’album The Boatman on the Downs est composé de 10 morceaux sur plus de 50 minutes et débute avec Comely, titre qui nous emmène vers un crépuscule enchanté et féérique pour accompagner un être ou quelque chose d’aimé, à la fois scintillant et doux et faire le détail des saisons pour danser et connaître enfin le nom de l’élu ; le deuxième morceau, A Frankish Casket, fait le voyage vers la nuit introduit par le chant d’un hibou et les parfums du dark folk dans une pluie d’avril finissant comme la beauté du feu dans la beauté des braises.

Ensuite, Arthur Mc Bride, vieille chanson irlandaise au bodhran, est un rêve fiévreux rempli de peur avec des grondements menaçants dus à la guitare électrique de TRENCH qui submerge la voix en installant une sorte de déchirement à la fin du morceau. Tale from a Silver City, sur un texte de John MASEFIELD, s’étend également dans une sorte de rêve somnanbulique ; mais le son plus cristallin lui donne un aspect pastoral, comme si le rêveur voyageait à l’intérieur de ses propres angoisses et désirs. On poursuit avec The Summer Tree, Martyn BATES racontant qu’il était peu satisfait des paroles, mais que TRENCH aurait insisté pour ne pas mettre le morceau de côté en invitant le contrebassiste grec Petros LAMPRIDIS à y mettre sa touche très réussie.

Le reste des morceaux semble être un cheminement vers la lumière alignant des moments sombres pour mieux les enfouir dans un tunnel et les recouvrir de douceur, de réverbérations et de voyages, Under What Scars, très mélodique et au sens caché : « Que caches-tu derrière tes cicatrices, I know you told me something opaque … ». The Boatman et ses paroles d’attente (amoureuse ?) et la fin annonçant le matin et son soleil de renouveau vers l’été peut-être : As the Sun, couplé avec Brides of May, clôturant l’album avec un long morceau un peu désordonné.

The Boatman on the Downs est dans la suite splendide des quatre albums précédents, on y trouve et retrouve des histoires de djinns et d’esprits magiciens hantés qui accompagnent nos deux troubadours armés de leurs mellotrons et synthés analogiques, chantant comme on ferme les yeux pour mieux entendre la voix intérieure au plus profond de l’âme, mêlée avec la voix extérieure au plus près des lèvres et des doigts, comme un tremblement, un frisson pour emmener l’auditeur (conquis, amoureux) dans un voyage qui rassemble toutes les émotions vers un été radieux le long des chemins de traverses de ces ménestrels qu’on aimerait suivre forever, for ever et pour longtemps encore.

I once asked a child who was walking with a candle,

From where comes that light ? Instantly he blew it out and said to me

Tell me where it’s gone, then I will tell you where it came from.”

Hassan al-Basri

Xavier Béal

Page : Thttps://finalmuzik.bandcamp.com/album/the-boatman-on-the-downs

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