WIRE – Not About to Die, Studio Demos 1977 – 1978

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WIRE – Not About to Die, Studio Demos 1977 – 1978
(Pink Flag Records)
C’est une histoire cousue de blancs fils (de fer : « Wire ») comme l’industrie musicale aime à en tisser avec parfois la complicité des groupes eux-mêmes. Cela s’est passé aux alentours de 1978, en pleine période de la fin du punk en Grande-Bretagne et ailleurs, au grand soulagement des musiciens un peu circonspects de la furie envahissant tous les postes de l’industrie musicale. À cette époque le groupe WIRE, ayant signé un contrat avec une major (EMI) et sa branche avant-gardiste Harvest, s’est vu proposer (fait rare) d’enregistrer des démos dès leur premier album (Pink Flag, sorti début 1977) ; pour les démos de leurs deux albums suivants des cassettes ont circulé malencontreusement et se sont retrouvées sur un LP pirate de 18 titres chez un bandit au doux nom d’Amnesia Records.

En 1995, soit 15 ans plus tard, une version presque officielle intitulée Behind the Curtain de 31 titres, intitulée sobrement Early Versions 1977-1978, est parue chez leur maison de disques d’alors (EMI) reprenant une majorité des titres des fameuses démos ; l’histoire continue en 2018 avec la réédition luxueuse des albums de la trilogie (Pink Flag, Chairs Missing, et 154) chez le désormais label de WIRE, Pink Flag, à savoir trois coffrets avec les albums originaux agrémentés des singles et inédits ainsi qu’un total de 55 démos dont une grande majorité (42) pour les 2 dernières sessions. Ces coffrets devenus rares, le Disquaire Day de juin 2022 a sorti en édition limitée le LP du fameux « infamous » pirate de 1980, également en édition limitée (c’est le principe de ce jour où les gens achètent (et revendent) tout et n’importe quoi avec cent pour cent d’acharnement et zéro discernement.

En juillet 2022, les disques Pink Flag (soit WIRE eux mêmes, vous suivez) ont décidé fort à propos de sortir en « unlimited  » l’ultime version de Not About to Die soit celle de 18 titres correspondant aux 4e, 5e et 6e sessions de 1977-1978 cette fois en CD (le disquaire Day étant l’antre du « vinyl only ») et à large diffusion.

Ce qui fait qu’aujourd’hui on peut sans prétention parler, à propos de ce Not About to Die, de « l’album perdu » de WIRE tant ces démos apparaissent comme le chaînon manquant et rassemblé entre les deux albums (séparés par un laps de temps très court) plutôt que des chutes de studio et/ou des work in progress mal contrôlés par le groupe. Ici tout a été déjà répété lors des tournées du groupe en Europe et en Grande-Bretagne pendant de longs mois  (notamment en première partie de ROXY MUSIC, déjà très décati) et même pour une tournée à New York uniquement et un concert au CBGB le 18 juillet 1978  documenté par Pink Flag en 2006.
 
Les sept démos de décembre 1977 – soit ceux de la quatrième session – sont et resteront en effet pratiquement tous inédits et ne figurent pas sur les deux derniers albums du triptyque du groupe chez Harvest ; les quatre morceaux de la cinquième session (avril 1978) précédent eux d’un mois la sortie du deuxième album et seul Used to – Chairs Missing sera repris et donnera même son titre à l’album. Les six dernières démos de la sixième session de décembre 1978 auront un peu plus de chance et figureront sur des singles, car ils correspondent à la période au cours de laquelle le groupe s’éloigne de son producteur émérite (Mike THORNE à qui ils doivent beaucoup pour le son et le côté expérimental des albums de la trilogie) ainsi que de sa maison de disques (qui voudrait qu’ils aillent vers le format pop) et qui, vu les ventes,  a cessé de croire en eux.
 
L’histoire de WIRE faite de silence et de retours, de musique conceptuelle et de sévérité ou d’austérité annonçant le réductionnisme expérimental des années 2000, n’est pas l’objet de cette chronique, les carrières solo et duo de ses membres (à noter qu’ils ont tous fait autre chose que WIRE dans leurs vies musicales) autant Bruce GILBERT que Graham LEWIS et Robert GOTOBED, mention spéciale bien évidemment pour Colin NEWMAN avec une carrière solo et une œuvre multiforme, prolifique, parsemée de productions et des collaborations importantes allant de BASHUNG (Novice 1989 en recueil de poésie froide) à MINIMAL COMPACT et Malka SPIGEL chanteuse et épouse.
 
Les dix-huit titres de cet album de démos de studio marquent l’arrivée du groupe dans ce qu’on a appelé à l’époque l’avant-pop, mélange de musique progressive mutante et de post-punk ennuyé, désabusé et métamorphosé (enfin intelligent donc) ; on peut dire également que WIRE a été le groupe qui a posé les fondations du post-art rock (du pré-grunge allez, soyons fous !) ; on peut dire ce qu’on veut mais ces titres (à partir du onzième) n’ont pris aucune ride. Les morceaux centrés sur des textures très sophistiquées jouent avec des pédales de distorsion et des synthétiseurs qui développent des ambiances expérimentales qui préfigureront le virage électronique et les installations de DOME (le groupe de Bruce GILBERT) ainsi que les albums solo de Colin NEWMAN.
 
À partir de la sixième session de démos (titres 12 à 18) on entre dans l’univers (et la mise à nu) du troisième album de la trilogie (154 paru en 1979) et marquant la fin de la première époque du groupe et sa sortie retentissante des majors musicales de l’époque. Les morceaux sont ici joués sous leur forme brute et sans artifice, la voix de Colin NEWMAN déployant sa puissance et son charme de façon irrésistible (NEWMAN fera référence aux lyrics des chansons de WIRE comme des textes plutôt que des paroles, un peu comme des analyses détachées plutôt que des histoires émotionnelles). 
 
Dans le texte présentant le CD, le groupe indique que ces démos qui circulaient depuis 40 ans étaient » une insulte au groupe et à ses fans vu la qualité abjecte du son piqué sur des cassettes à l’époque » et c’est ce qui les a décidé à reprendre tout en main, la sortie officielle comblant ce vide entre le deuxième et le troisième album des années 1977-1979 et permettant de redécouvrir ce qui a fait la force et l’intensité de ce groupe qui continue toujours à publier des pépites dans les années 2020.
 
Et comme dit quelqu’un sur le site du groupe à propos de cette réédition définitive des démos : « I didn’t think the 154 version of I Should Have Known Better could be improved upon, but… I should have known better. »
 
Xavier Béal
 
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