BADUME’S BAND & Selamnesh ZÉMÉNÉ – Yaho Bele / Say Yeah

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BADUME’S BAND & Selamnesh ZÉMÉNÉ – Yaho Bele / Say Yeah
(Innacor / L’Autre Distribution)

Tiens ? Le label morbihannais Innacor, « haut parleur des musiques actuelles de Bretagne et du monde », sort de son sommeil ? C’est qu’il doit avoir une bonne raison… Aurait-il une découverte musicale inédite à nous faire partager ? Même pas, c’est juste pour sortir le second album du groupe rennais BADUME’s BAND avec la chanteuse éthiopienne Selamnesh ZÉMÉNÉ. C’est tout ? Ben oui. Mais ce n’est pas une raison pour détourner vos oreilles en haussant les épaules. Enfin quoi !? J’ai dit « le second album du groupe rennais BADUME’s BAND avec la chanteuse éthiopienne Selamnesh ZÉMÉNÉ » ; c’est pas rien tout de même ! Oh ! On se réveille dans le prétoire ! Allez, on lève le bras et on dit « Yeah ! ». Voilà, parfait, vous avez déjà trouvé la traduction anglaise (et même franglaise) du titre de cet album, baptisé en éthiopien Yaho Bele ! C’est tout ce que ça veut dire ? Oui, et ça en dit suffisamment !

Car ce second jalon discographique, neuf ans après Ale Gena, entérine la viabilité et la pérennité de cette collaboration musicale entre le « groupe de chez nous » (traduction de BADUME’s BAND, fondé par des anciens de GWENFOL, déjà porté sur la fusion ethno-breizh-funk) et la plus enflammée des voix azmari des hauts plateaux de cette ancienne capitale de deux empires éthiopiens que fut Gondar.

Bon, on avait déjà fait les présentations dans notre chronique de l’album Ale Gena, il est donc inutile de les refaire. Vous aviez loupé cet album ? Il vous reste à rattraper votre retard en écoutant Yaho Bele. Vous connaissiez Ale Gena mais ne jugez pas indispensable de vous attarder sur Yaho Bele, persuadés que vous allez écouter la même chose ? C’est à la fois vrai et faux, car même si la base de cette musique est évidemment restée la même (le courant éthio-funk-jazz nourri aux musiques traditionnelles locales qui a culminé dans l’Addis-Abeba des années 1950/60, et dont le producteur et musicographe Francis FALSETO s’est fait le haut-parleur avec sa collection « Éthiopiques » sur le label français Buda Musique), la démarche du BADUME’s BAND et de Selamnesh ZÉMÉNÉ atteint ici un nouveau palier. Vous avez découvert leur musique sur scène, avez été subjugué par son magnétisme et craigniez de ne pas retrouver la même vibration sur un disque ? Détrompez-vous.

Car ce qui caractérise justement Yaho Bele, c’est la radicalité sonique dont il fait montre. Et cela peut paraitre paradoxal quand on sait que le BADUME’s BAND est ici réduit à un trio orgue Hammond (Olivier GUENEGO), guitare électrique (Rudy BLAS, complice de l’accordéoniste Meriadec GOURIOU et également impliqué dans le légendaire groupe MAGMA) et batterie/percussions (Antonin VOLSON), et qu’il s’est délesté des deux soufflants qui officiaient sur l’album précédent. Seuls deux autres « externes », Jonathan VOLSON (congas et autres percussions) et Charles LUCA (guembri basse), ont été autorisés à apporter leur contribution.

Là où le répertoire d’Ale Gena accueillait occasionnellement d’autres souffleurs invités ainsi que toute une chorale, celui de Yaho Bele livre un son plus concentré, plus brut, plus rêche aussi, que les envolées vocales incandescentes de Selamnesh ZÉMÉNÉ portent à un point encore plus extrême, vers une acmé hypnotique qui ne fait plus de prisonniers.

On ne pourra plus donc parler de « rock cuivré » au sujet de Yaho Bele, mais d’un ethno-rock diablement abrasif et contondant. La chaleur enveloppante d’Ale Gena cède le terrain sur Yaho Bele à une incantation brûlante, une tension caniculaire, où la poussière d’étoiles abyssines n’a même plus besoin de vents pour se répandre en célébrations sauvages et pour prendre d’assaut vos conduits auditifs sans vous aménager de sortie de secours. Non que les huit morceaux que contient Yaho Bele soient tous taillés dans le même moule et que les rythmiques et les arrangements y soient uniformes, bien au contraire ! Une écoute attentive décèlera une variété de climats, de cassures et de rebondissements rythmiques qui tiennent en haleine, mais il est clair que l’armature sonore et vocale ne ménage pas ses effets ni sa virulence émotionnelle.

Le terrain circonscrit par le BADUME’s BAND et Selamnesh ZÉMÉNÉ est indubitablement zébré de lignes à haute tension et n’a rien d’une fusion mijorée. Le BADUME’s n’est plus seulement le « backing band » de Selamnesh, et celle-ci est bien plus qu’un faire-valoir culturel. Ce qui se joue ici relève d’une complicité artistique éprouvée de longue date et qui est restée vivace et inspirée. On peut même parler de convergence pulsionnelle.

Yaho Bele est autant chargé d’histoire ancestrale que d’électricité urbaine, et ces deux pôles s’enrichissent mutuellement pour générer un souffle vital et redonner du piquant à cette musique issue de la corne de l’Afrique. Ne résistez pas, « dites oui » à Selamnesh ZÉMÉNÉ et au BADUME’s BAND, et vous vous sentirez investi d’un nouvel esprit de résistance.

Stéphane Fougère

Label : www.innacor.com

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