Minyo : Le Chant profond de la Corée

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Minyo : Le Chant profond de la Corée
(Buda Musique)

La collection de référence « Musiques du monde » du label Buda Musique avait fait paraître en 2004 un double album au titre générique Musique traditionnelle de Corée représentant un panorama assez large des formes musicales traditionnelles de la Corée (surtout du Sud), et dans lequel se côtoyaient la musique de cour (hyangak), la musique confucéenne (Unganji-ak), la musique aristocratique dite « musique correcte » (chongak), le chant lyrique (kagok), la musique instrumentale sanjo ou l’opéra p’ansori. Y manquait la chanson populaire régionale. Heureusement, ce CD paru dans la même collection vient remédier à cette absence.

En Corée comme au Japon (d’où il serait originaire), c’est le terme « minyo » qui désigne le chant populaire de transmission orale, et il aurait été utilisé pour la première fois en Corée en 1916, soit peu de temps après la fin de la dynastie Chosðn (1392-1910), à l’époque où la Corée était sous domination japonaise. Minyo a ainsi désigné tant le chant anonyme des populations rurales, le chant traditionnel local, que la chanson populaire de « variétés », voire l’opéra populaire p’ansori, auquel il a emprunté des airs et des thèmes.

Le minyo coréen déploie trois grands styles liés à des zones régionales distinctes : il y a le kyðnggi minyo de Nord et de l’Est (province du Kangwðn) ; le sðdo minyo du Nord-Ouest (provinces de P’yðngan et du Hwanghae), et le namdo minyo du Sud-Ouest (provinces du Kyðngsang et du Chðlla). Chaque style a ses caractéristiques locales, ce qui fait qu’un minyo peut connaître des variations d’une région à l’autre, comme ce CD nous le démontre en présentant deux versions du célèbre Arirang.

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Globalement, si les musiques de cour coréennes se distinguent par leur hiératisme et leur solennité, le minyo fait état d’un expressionnisme plus fougueux et éloquent, porté par d’amples vibratos et des rythmes plus rapides (Odoltoggi, Le Chant du viveur, Le Chant de la jeunesse…). Seul le namdo minyo privilégie des rythmes lents et une expression émotionnelle plus sombre, comme on peut le constater avec Le Chant du chagrin ou Six Mesures pleines, représentatifs de ce style du Sud que l’on dit plus « épicé ».

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Outre le p’ansori, le minyo s’est également inspiré du chamanisme (Nilliriya, Le Chant de Sðuje) et du bouddhisme (La Récitation du Bouddha à la montagne), tout en affichant ses propres spécificités musicales qui alternent souvent chant à l’unisson et chant soliste.

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Toute cette diversité stylistique est particulièrement mise en lumière dans ce CD du fait que pas moins de neuf chanteuses y ont été conviées à faire état de leurs immenses prouesses vocales. Elles sont de plus accompagnées par cinq musiciens jouant de la vièle à pique haegum, du hautbois p’iri, de la flûte traversière taegum, des cithares sur table kayagum et ajaeng, et du tambour en sablier changgu.

Le livret commente doctement l’origine et les caractéristiques des chansons sélectionnées (une quinzaine au total), et comprend même une traduction en français des paroles de chacune d’elles. L’auditeur averti – auquel s’adresse avant tout ce CD – a donc tout l’équipement qu’il souhaite pour effectuer une plongée prolongée dans l’univers florissant du minyo coréen.

Stéphane Fougère

Site : www.budamusique.com

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°36 – octobre/novembre 2007)

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