MOTHER GONG – Glastonbury Festival 1979-1981
(Voiceprint)
Autant le dire d’emblée, ce live de MOTHER GONG ne va probablement pas s’inscrire comme un disque majeur dans les annales sans cesse grossissantes des productions issues de la verte planète. Non pas qu’il soit franchement mauvais, loin de là, mais simplement parce qu’il lui manque un petit quelque chose pour le démarquer, une petite étincelle de vie. Si tout au long du disque, les musiciens sont absolument irréprochables et que les constructions à tiroirs ou au contraire très aérées de MOTHER GONG n’ont absolument pas à rougir de leur qualité, ces bandes live souffrent cruellement d’un manque de magie, d’un souffle d’âme qui font que l’auditeur, dans son salon, ne parvient pas à se laisser gagner par la prestation du groupe.
Ce qui doit fort bien fonctionner lors des concerts n’arrive pas à passer le cap de la retransmission figée d’un disque. Le même effet avait déjà été ressenti il y a quelques années, lors de la parution du CD Live 1991, mais je l’avais personnellement attribué au fait que les parties de batterie et de basse avaient été remplacées in extremis par des programmations plutôt insipides et bien loin d’être à même de remplacer les vrais musiciens absents de cette tournée.
À l’évidence, il ne s’agissait pas que de cela, et j’en viens dorénavant à penser que cet effet doit être dû à l’essence même de ce qu’est MOTHER GONG, à savoir la mise en musique des dithyrambes de Gilli SMYTH, conduisant à un spectacle total, fait de moult rebondissements musicaux en adéquation avec de nombreuses récitations et/ou dialogues prenant la forme de mini sketches au sein de longues improvisations alambiquées.
L’aspect visuel doit lui aussi participer de cette mixture, de même que l’implication qu’il est relativement simple d’avoir lorsqu’on est parmi les spectateurs et qui devient bien moins évidente lorsqu’on ne fait qu’écouter un disque. Le son lui seul ne suffit pas et isolé de son contexte, le concert s’en trouve alors hermétique et dénué de toute convivialité.
Pour cette raison, ce Glastonbury Festival 1979-1981 est à mon sens à réserver en priorité à tous ceux qui, comme moi, sont atteints de collectionnite aiguë dès lors qu’il s’agit de publications de la famille GONG, ou encore à tous ceux qui désireraient avoir un témoignage sonore de ce que deviennent les morceaux de MOTHER GONG dans un contexte live.
Car nonobstant le manque de chaleur évident décrit plus haut, le choix des morceaux proposés sur ce CD n’en reste pas moins intéressant, car composé en grande partie d’une petite sélection de titres issus de la trilogie Robot Woman, jusqu’à maintenant toujours pas rééditée sur CD, et dont les vinyles sont depuis bien longtemps épuisés. (Seul Robot Woman 3 reste encore disponible).
Il est d’autre part évident qu’un groupe qui se réclame de faire en grande partie des « compositions spontanées », ne peut décemment pas rester figé au sein d’une partition, et dès lors se retrouve à réécrire ses morceaux à chaque interprétation. Et vu les musiciens de haute volée participant de cette façon de faire, le résultat est bien souvent très probant.
J’en veux pour preuve sur cet album, la multitude d’envolées instrumentales des différents protagonistes, et notamment celles du guitariste Eduardo NIEBLA dont la guitare guillerette n’a de cesse de nous enchanter à chacune de ses interventions. Le solo dans lequel il s’envole au sein de Rats Amok par exemple, est un véritable petit exercice acrobatique, évident et lumineux et qui plus est dénué de toute prétention.
Les prestations sautillantes et tourbillonnantes de Didier MALHERBE remplissent tout le disque d’une bonne humeur contagieuse et Jan EMERIC, préposé à la guitare sur la partie enregistrée lors du concert de 1981 apporte sa touche personnelle à travers un jeu et une sonorité assez enfiévrés et débordant de facilité, au bon sens du terme.
D’ailleurs j’en profite pour signaler que le morceau Evidance provient de l’album « perdu » de MALHERBE et EMERIC, Melodic Destiny, jamais réellement publié si ce n’est sur une cassette vendue il y a bien longtemps via le fan-club du GONG. Ce morceau est aussi celui qui se démarque le plus sur le CD. Didier MALHERBE jongle entre la flûte et le saxophone avec toute la folie et l’humour qu’on lui connaît et Jan EMERIC illumine le tout de sa guitare ondulante et fort bien inspirée.
Mais malheureusement, tous ces éclats pétillants n’arrivent pas à gommer totalement cet étrange sentiment de lassitude que l’on éprouve à l’écoute de l’album. Je le répète, il manque cette toute petite étincelle salvatrice qui pourrait y mettre le feu. C’est un peu comme la différence qu’il y a entre admirer des poissons exotiques dans un aquarium ou dans leur milieu naturel. Rien ne remplace le vrai spectacle et c’est cette idée là qui prédomine lorsque le disque s’achève.
C’est pourquoi je conseillerais au néophyte désireux de découvrir MOTHER GONG, de plutôt s’orienter vers les albums studios, notamment Wild Child, Tree In Fish, ou encore le somptueux Eye qui à mes yeux reste ce que MOTHER GONG a publié de mieux tout au long de son existence, tous line-ups confondus.
Benoît Godfroy
Site : www.gillismyth.com
(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°19 – mars 2006)