THINKING PLAGUE – Upon Both Your Houses
(NEARfest Records)
Les plus réfractaires comme les plus passionnés se sont tous un jour posés la même question : la musique de THINKING PLAGUE, connue pour sa complexité et son souci pointilleux de l’arrangement et de la production, est-elle de nature à pouvoir être jouée « live » ? Oui, elle l’est. Du moins, elle l’était en 2000, alors que le groupe effectuait sa tournée postérieure à la parution de son quatrième opus, In Extremis. On en a désormais la preuve grâce au NEARfest, qui se tient chaque année aux portes de l’été à Bethlehem en Pennsylvanie, qui a eu la bonne idée de créer son propre label pour faire circuler en CD quelques performances scéniques mémorables qui ont été vécues sous sa bannière.
Ceux qui y étaient se souviennent sans doute que la performance de THINKING PLAGUE avait été difficilement appréciée en raison de problèmes techniques de son. Miracle, le CD évacue tout cet inconfort et restitue des conditions optimales d’écoute. On peut ainsi apprécier le set du groupe tel que l’on aurait dû l’entendre ! Détail amusant, c’est Bob DRAKE, membre fondateur de THINKING PLAGUE mais qui n’en faisait déjà plus partie à cette époque, qui a mastérisé, mixé et coproduit ce disque.
Propulsé groupe-phare d’un improbable « post-Rock in Opposition », THINKING PLAGUE peut passer pour un descendant de HENRY COW si l’on juge par l’extrême densité de ses compositions. On n’en trouvera pas pour autant de propension à l’improvisation, comme son ainé aimait à y succomber. Fatalement, l’aspect labyrinthique et ciselé des ses compositions oblige THINKING PLAGUE, sur scène, à restituer peu ou prou ce que ses disques enregistrés en studio donnaient à entendre.
Ajoutez à cela que la formation n’était guère habituée à se produire sur une scène aussi vaste et devant un public aussi nombreux, et on comprend pourquoi il lui a fallu un certain temps pour trouver ses marques et faire bouillir la marmite.
Mais la cohésion entre les membres du groupe est indiscutable ; les vocaux alambiqués et sournois de Deborah PERRY alimentent une vibration climatique décidément peu commune, les guitares de Mike JOHNSON sont un poil plus saignantes et volumineuses, et les étranges sonorités percussives de Dave KERMAN font leur effet, à commencer par ces poupées Barbie auxquelles il fait subir les derniers outrages.
Le répertoire joué privilégie bien entendu les compositions d’In Extremis, mais on a droit également à quelques louches de In This Life, pour lesquelles Deborah PERRY reprend avec brio les parties vocales de Susanne LEWIS et, passé un clin d’œil à Moonsongs, le groupe impose le clou de son set sous la forme d’une suite de 25 minutes comprenant des surprises exogènes : d’abord, on fait un détour dans l’univers d’HAMSTER THEATRE en adaptant un morceau issu de l’album séminal du bassiste/accordéoniste Dave WILLEY, Songs from the Hamster Theatre.
Puis, c’est au tour du dernier venu dans le groupe, Matt MITCHELL, d’aérer l’atmosphère avec un solo de piano qui sert à introduire la pièce montée Kingdom Come, dont le défilé de tensions cauchemardesques est perpétué en bout de course par le bien-nommé Malaise. En final, l’antique Warheads crache ses accès fiévreux comme jamais et achève de conquérir l’audience.
THINKING PLAGUE sur scène : c’était en 2000. On y était ou on n’y était pas, mais on sait dorénavant que ça s’est produit. Depuis, c’est « dead silence », hélas…
Stéphane Fougère
Site : http://www.generalrubric.com/thinkingplague/main.html
(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°17 – avril 2005)