Tout sur Robert WYATT sur le site
disco-robertwyatt.com
Nous sommes en septembre 2023 et cela fera maintenant un peu plus de quarante ans (le 1er juin 1973) que Robert WYATT aura fait une chute de quatre étages qui le laissera paralytique et cloué en position assise pour le restant de ses jours. Il sera, comme il le dit : « désormais Robert WYATT ou personne ». C’en est fini des groupes, des tournées et des fêtes chez LADY JUNE ou ailleurs, il va, après un an d’hôpital, se sentir prêt « à écouter ce qui se passait dans ma tête », prêt à visualiser près de quarante minutes de musique, se remettre au travail et avec le petit clavier/synthé portable Riviera offert par son épouse Alfreda BENGE à Venise, créer son véritable premier album solo, l’immense Rock Bottom (prix Charles-Cros tout de même en 1974) qui sera le début de sa deuxième carrière pour les années jusqu’à 2007 et pas mal d’albums (9 en solo et une multitude de collaborations et compilations avec tout le beau monde de la musique anglo-saxonne de ces années-là), tous plus différents et magnifiques les uns des autres.
En 2003, soit 30 ans après, le site web http://disco-robertwyatt.com/ voit le jour depuis la France, et cela fait vingt ans que celui-ci, consacré à « tout sur Robert WYATT », continue à se mettre scrupuleusement à jour, exhumant des raretés collectées d’on ne sait où et mettant en ligne tout ce qui a trait à notre chanteur (rééditions, collaborations, hommages, etc.).
Du côté des sites internet et des publications, Robert WYATT n’est pas en reste et de nombreux ouvrages (majoritairement en anglais) ont retracé sa longue carrière, accumulant les albums et les collaborations les anecdotes et plusieurs auteurs (Jonathan COE) ont fait référence à ce poète au doux murmure et aux yeux pétillants qui a traversé les quatre dernières décennies sans pratiquement aucune faute de parcours.
C’est du côté de la France que sont apparues les analyses les plus pertinentes sur son œuvre, tout d’abord avec le livre-ressources de Aymeric LEROY, L’École de Canterbury, paru en 2016 chez le Mot et le Reste https://rythmes-croises.org/a-canterburys-tale/, ouvrage multiforme divisé en autant de chapitres chronologiques sur la scène de Canterbury, agencé de telle façon qu’il est aisé de sauter les entrées moins intéressantes (CARAVAN par exemple ou SOFT MACHINE quand il ne reste plus que RATLEDGE en « survivor ») pour se consacrer aux véritables pionniers découvreurs de musiques toujours passionnantes, cérébrales et emplies d’humour terriblement anglais. Il faut d’ailleurs se replonger dans cette bible qui reste toujours un beau moment exempt de nostalgie et empli de réflexions pointues sur cette scène qui a marqué les décennies 1970-80.
Les parcours des trois musiciens fondateurs de SOFT MACHINE (AYERS, ALLEN, WYATT) ainsi que celui de Hugh HOPPER fourmillent de ramifications et de sursauts avec une myriade de musiciens (HOPPER a joué avec tout le monde, qu’ils soient Français, Hollandais, Belges, Danois, Allemands ou autres).
Une autre source plus ciblée celle-ci est à trouver du côté de la collection Densité/Discogonie (https://www.editionsdensite.fr/robert-wyatt.html), maison d’édition pointue qui a pour but de creuser un album par tous les bouts : histoire, pochette, contenu et contenant, décryptage fouillé des morceaux, textes et musiques et hommage révérencieux à l’auteur (dans la même collection Nick CAVE, P.J HARVEY, NICO [Voir notre chronique https://rythmes-croises.org/nico-the-end-pierre-lemarchand/], Nick DRAKE, BASHUNG et bientôt Bonnie Prince BILLY). Paru en 2017, Rock Bottom de WYATT par Philippe GONIN est devenu un objet intime, secret et définitif qu’on peut offrir sans relâche en gage d’amitié par exemple.
Une autre entrée fabriquée en France est l’ouvrage paru chez Aencrages (4 livres entre 1997 et 2002 avec textes et photos de Jean-Michel MARCHETTI) agrémenté d’un CD d’assemblages/hommages piloté par Dominique GRIMAUD chez In Poly Sons en 2001 intitulé MW pour Robert Wyatt (paroles des chansons en version originale et en français : exercice périlleux et pas toujours relu). Cet ouvrage a été réactualisé en 2009 avec l’anthologie du projet MW en superbe livre avec en inédit un CD de morceaux du très « wyattien » Pascal COMELADE (homme qui aime également John CALE, ce qui le rend estimable « for ever »).
Du côté des sites web, la France tient à nouveau le haut du pavé avec ce petit bijou créé en 2003, mené, mis à jour et toujours actualisé de main de maître par un fan seul, ou alors plutôt bien accompagné, un homme de goût, bien entendu, mais plus que ça, un érudit et un collectionneur, un fureteur et un archéologue : en effet, comment fait-on pour se procurer les sources (émissions de télé, vidéos, pochettes, etc.), comment recense t-on et décrypte t-on sans se tromper tout ce qui a trait à la scène « canterburyenne » et à ses développements tous azimuts, comment fait-on pour ne pas se noyer dans les références des sites souvent documentés (le site Calyx, dormant ou en sommeil profond, a une entrée sur tous les concerts de SOFT MACHINE, MATCHING MOLE, WYATT et compagnie avec une précision diabolique).
Le site annonce plus de 3842 pages au recensement de juillet 2023 (777 pages de plus qu’en janvier 2022) avec ses 18 rubriques multifacettes : WYATT avant et avec SOFT MACHINE, WYATT avec MATCHING MOLE, WYATT solo, les collaborations, les apparitions, les compilations, etc.
Ces 1087 (chiffre de fin juillet 2023, mais ça bouge sans arrêt) albums référencés (les bootlegs, les éditions numérotées et autres inclus), les articles, les interviews, les ouvrages (en toutes langues), les concerts (avec liens qui fonctionnent), les DVD, les dessins, les pochettes d’albums, il y a tout et tout cela est constamment maintenu, périodiquement mis à jour, une radio Robert (intitulée le Sound Of Tout, le SOT quoi !) agrémente vos recherches dans ce labyrinthe délicieux, érudit, un peu compulsif et peut-être monomaniaque, mais quand on aime…
Toutefois, notre ami fouineur reste ouvert : si Robert est bon camarade avec Brian (ENO), on peut se plonger et suivre ce dernier sur le site ou ailleurs ; si Robert aime bien BJÖRK, on n’est pas du tout obligé de suivre celle-ci aveuglément ; notre guide nous montre (par défaut) que certaines références obligées ou imposées sont là pour la complétude et l’encyclopédisme (Hans, Ike, Chloé, Pepe et Dick sont les amis de Robert sur le site), mais dûment méprisées (noter et oublier aussitôt un certain dictionnaire SOFT MACHINE affligeant paru en 2020 chez Camion Blanc qui remporte toutes les palmes et les pompons de la honte !).
Revenons en 2003 : c’est l’année où paraît Cuckooland, rompant le silence de 6 ans de Shleep (2001). Cuckooland est également l’album des retrouvailles avec Brian ENO, Phil MANZANERA, Karen MANTLER et de plusieurs morceaux écrits par Alfreda BENGE (Madame ALIFIE) ; Cuckooland est également l’avant-dernier album solo de WYATT, précédant ComicOpera de 2007 avec les amis de toujours (ENO, MANZANERA, comme s’ils voulaient à tout prix recréer « Soft Music » ou « Roxy Machine », ou pas). D’ailleurs Robert WYATT a toujours été fidèle en amitié, se considérant davantage comme « un compositeur-arrangeur même s’il avouait parfois de maigres compétences techniques » et avait besoin d’être entouré (Kevin AYERS, Hugh HOPPER, Gary WINDO, HATFIELD AND THE NORTH, HENRY COW) pour se sortir et s’échapper de sa dépression.
WYATT, c’est aussi le militant anti-Thatcher, l’adhérent au Parti Communiste britannique, le chanteur engagé pour beaucoup de causes justes, tout cela est sur le site avec des renvois et des entrées multiples (on peut y passer la journée et y revenir avec ravissement le lendemain tant il y a de richesses à redécouvrir).
Le mieux est donc d’aller visiter le site avec ou sans guide, l’expression « les yeux fermés » n’étant pas appropriée pour la visite ! Les liens sont si nombreux, la toile si labyrinthique qu’on s’y faufile légèrement entre les eaux un peu comme les créatures floues de la pochette de Rock Bottom.
Bonne promenade, et comme l’écrivait Patrice BOBIN chez POL en 2019 (sur un tout autre sujet), laissez-vous emporter doucement, mais sûrement (et en musique avec Radio Robert !) car le guide a prévu tous les raccords, pour détailler, trouver et retrouver des bribes de « Mon (votre) histoire avec Robert ».
Xavier Béal