ZHONGYU – « Zhongyu » is Chinese for « Finally »

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ZHONGYU – « Zhongyu » is Chinese for « Finally »
(Moonjune Records / Orkhêstra Int.)

Vous en connaissez beaucoup, vous, des groupes américains qui se baptisent d’un mot chinois et, quand ils sortent un disque, lui donnent pour titre la définition de ce mot chinois ? C’est sympa, remarquez, ça évite à l’auditeur d’aller chercher un dictionnaire de chinois ! Et comme les gens sont pressés de nos jours…

Bref… voici le premier CD de ZHONGYU, intitulé, une fois traduit en french, « Finalement ». Curieuse idée d’intituler un premier album « finalement ». C’est que ZHONGYU est la créature du compositeur Jon DAVIS, qui roule sa bosse depuis un bon moment dans la musique, ou plutôt les musiques (rock classique, punk, électro) mais qui n’avait jusqu’à aujourd’hui jamais fondé de groupe. Et zhongyu, il l’a fait !

Faisons donc les présentations : ZHONGYU propose un rock instrumental aux structures complexes que l’on peut donc qualifier de progressif, mais dans sa version avant-gardiste, voire expérimentale, bien que ne dédaignant pas les belles mélodies. La formation dirigée par Jon DAVIS explore sans vergogne les sentiers défrichés par KING CRIMSON, le Miles DAVIS électrique ou encore PRÉSENT, voire JADE WARRIOR, avec un petit quelque chose en plus !

Pour jouer cette musique, Jon DAVIS a rameuté, outre un batteur du milieu jazz (Randy DOAK), trois membres du groupe de rock « métamorphique » MORAINE (dont TRAVERSES-RYTHMES CROISES vous a déjà parlé) : Alicia DEJOIE, James DEJOIE et Dennis REA. On se souvient aussi que ce dernier avait réalisé pour le même label un curieux et séduisant album qui mêlait musique progressive et musiques extrêmes-orientales (Views from Chicheng Precipice). Sa présence dans ZHONGYU, à la fois comme musicien et comme co-producteur, n’a évidemment rien du tirage au sort hasardeux.

Car l’inspiration majeure derrière ZHONGYU est – qui l’aurait deviné ? – un séjour de trois ans à Pékin qui a littéralement rechargé les batteries créatives de Jon DAVIS, lequel s’est mis dès lors à explorer les structures et les tonalités les plus atypiques. Et, surtout, Jon DAVIS est revenu avec un ghuzeng ! « C’est grave, demanderont les habitués du fond de la classe ? Ah ! Ces maladies tropicales ! » Non, rassurez-vous, le ghuzeng est un instrument traditionnel chinois à cordes pincées que l’on pourrait rapprocher d’un dulcimer (qui n’est pas non plus une maladie..). Jon DAVIS a appris à en jouer, et s’est mis en tête de l’intégrer à l’instrumentarium de son groupe de rock décidément de plus en plus progressif, au sens premier du terme !

Bien sûr, il ne l’utilise pas de manière traditionnelle puisqu’il en joue avec un archet et le branche même sur un synthétiseur semi-modulaire (l’ARP 2600). Remarquez, dans le même ordre d’idées, le violon d’Alicia DEJOIE est électrifié, de même que la clarinette basse de James DEJOIE est reliée à une pédale wha-wha.

Ajoutez à cela des guitares électrique et à résonateur (Dennis REA), un Chapman Stick et un Mellotron (Jon DAVIS), ou encore un sax baryton, une flûte (James DEJOIE), et une batterie et des percussions (Randy OAK) et même une trompette de passage (Daniel BARRY), et vous obtenez une formation de combat qui ne craint pas de pulvériser les frontières stylistiques et de jouer aux montagnes russes émotionnelles, invoquant la dissonance et le chaos à certains endroits, et affichant un goût tout aussi radical pour les horizons pastoraux à consonance extrême-orientale à d’autres.

Mais rien n’est jamais totalement sombre ou contemplatif au royaume de ZHONGYU. Flûte, ghuzeng et clarinette peuvent ainsi dialoguer à loisir sans interdire à une guitare électrique de venir grincer des dents. Inversement, les déluges de décibels électriques peuvent aboutir à des espaces de félicité dessinés par une mélodie prenante.

On ne s’ennuie donc jamais chez ZHONGYU, les paysages défilent et ne se ressemblent guère, on voit du pays, sans qu’on soit bien sûr de savoir exactement lequel. La Chine d’hier, la Chine d’aujourd’hui, la Chine des rêves antiques, la Chine urbanisée et polluée, la Chine des paysages romantiques, la Chine « bondage », toutes se côtoient, cohabitent ou s’entrechoquent dans cette musique progressive qui ne ressemble au fond à nulle autre. Les titres des compositions donnent un aperçu des scénarii traversés : il y a le Tunnel at the End of Light, l’Hydraulic Fracas, la Torture Chamber of Commerce… On y parle aussi d’un rêve à moitié oublié (Half Remembered Drowning Dream), d’un chien somnambule (Sleepwalking the Dog) et d’un bol de riz rouillé (Iron Rice Bowl has Rusted). Quelques autres ésotérismes plus tard, et on termine avec une sentence résolument confucéenne : All Food Comes from China !

Vous êtes fan d’un rock progressif qui a l’esprit d’aventure ? Suivez donc ZHONGYU dans son trek par-delà la muraille ; vous découvrirez un monde insoupçonné, en partie familier, et en partie décalé dans ses horaires comme dans ses options.

Stéphane Fougère

Site : zhongyuband.net

Label : www.moonjune.com

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