ABAJI – Route & Roots

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ABAJI – Route & Roots
(Absilone / Socadisc)

Abaji_Route&RootsDepuis le début de sa carrière soliste, en 1996, le compositeur multi-instrumentiste ABAJI a toujours été animé par deux impulsions existentielles complémentaires : le souci de l’ancrage culturel et le goût de l’excursion autour du globe. Paris-Beyrouth, Bédouin Blues, Oriental Voyage, Nomad Spirit et Origine Orients sont autant d’étapes illustrant une poésie de la distance et de la proximité, évoquant l’identité et la liberté d’une âme moyen-orientale voyageuse.

Débarquant après sept ans de silence discographique, Route & Roots s’inscrit dans le même sillon et trace un chemin de terre qui va du Liban – terre natale d’ABAJI qu’il avait été contraint de quitter en 1976 et qu’il a retrouvé le temps d’un concert en 2009 – à l’Arménie et à la Turquie, deux autres terres de racines (de par sa mère, arméno-syrienne née à Istanbul, et par son père, arméno-grec).

Des routes, ABAJI en a pris plein grâce à la musique, SA musique, qu’il a jouée en Amérique centrale comme en Océanie, du Grand Orient à l’archipel indonésien. Mais la route qu’il prend ici est celle qui le mène (ou le ramène) à ses racines. En clair, ABAJI voyage pour se retrouver.

Dans tous ces albums, ABAJI déploie un instrumentarium éloquent. On en a ici encore un bel exemple, puisqu’ABAJI s’exprime au bouzouki, au saz, au lap kemencé, aux clarinettes en bambou, aux percussions, et aussi sur des créations hybrides : point de guitare-sitar cette fois, mais une guitare-oud et une lap-harpe. Et il faut y ajouter ses cordes vocales, empreintes de ce ton chaud et éraillé qui annonce la couleur, blues comme il se doit, et qui se pare de toutes les couleurs qu’un voyage permet de collectionner.

Route & Roots est donc l’album d’un voyageur en solitaire, bardé de ses instruments comme seuls compagnons, et à travers lesquels il tente de capter l’inspiration du moment, en une seule prise. Pas de re-re, pas de modifications ultérieures, l’émotion de l’instant, ou rien. C’est ainsi qu’ABAJI traîne sur la route son âme d’ « oriental désorienté » parti pour une croisade de le paix, diffusant un amour infini pour atteindre cette étrange plénitude qu’un enfant peut déceler dans des yeux noirs aperçus dans les flammes d’un feu disparu…

Mais à tous ceux qui pensent que la quête des origines implique un repli au monde et à l’autre, aux autres, ABAJI oppose un démenti formel. Si cette route vers les racines est de celles que l’on prend seul, rien n’empêche d’y faire des rencontres. ABAJI s’en est donc remis aux vents d’Erevan, en l’occurrence au vent de Vardan GRIGORYAN, un « doudoukji » (joueur de doudouk arménien) pour l’accompagner sur quelques pistes, le temps de chanter l’espoir et la sérénité avec cet instrument emblématique de la culture arménienne.

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Un autre musicien, kurde et turc celui-là, a de même été invité à embarquer sur cette route enracinée (même si, singulièrement, c’est à Paris qu’ABAJI l’a rencontré !). Mahmut DEMIR fait donc entendre sur trois morceaux le son hypnotisant du kabak kemane, une viole dont la caisse de résonance est une courge évidée !

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Et dans le dernier kilomètre, c’est la voix de Greta GABRIELYAN, appuyée par la clarinette d’ABAJI, qui cherche à agripper le vent qui passe incidemment dans le studio…

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Cordes qui roulent, cordes qui frappent, cordes qui grincent, cordes qui dansent et font danser, vents qui soufflent, qui creusent et qui inspirent, peaux qui claquent et qui sonnent, voix qui racontent l’amour, l’exil, la douleur, l’envoûtement, l’indicible… Voilà ce qu’on trouve sur cette route des racines qui ressemble surtout à un chemin rustique et buissonnier, bien éloigné des autoroutes préfabriquées de la world music clinquante et bruyante.

ABAJI invite à prendre la route du rêve, de la méditation, du souvenir, de la déambulation grisante dans des panoramas tannés de soleil, tapissées de verdure et tracés de roches. C’est une terre sauvage et en même temps hospitalière. Ce sont des racines électives sur une route évasive. C’est un blues nomade et originel. C’est un Orient pluriel et singulier.

Stéphane Fougère

Site : www.abaji.net

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