Catherine RIBEIRO + ALPES
Une infinie tendresse
En 2006 sort Catherine RIBEIRO chante RIBEIRO ALPES. Il ne s’agit pas d’un album studio, mais d’un live extrait du concert à Valenciennes, au Phénix, le 18 novembre 2005. Ce retour de Catherine RIBEIRO est une bonne nouvelle pour des milliers de fidèles, de résistants face au néant créatif du monde musical d’aujourd’hui totalement asphyxié. Malgré une marginalisation médiatique (une artiste engagée n’a-t-elle hélas plus sa place actuellement dans cette société déshumanisée ?), Catherine demeure l’une des plus grandes chanteuses françaises contemporaines. Réentendre cette voix unique procure toujours autant d’émotions, et la possibilité de la revoir bientôt sur scène (le 10 février 2007 à Palaiseau en région parisienne) ne peut que nous rendre heureux.
Le temps est venu pour RYTHMES CROISÉS/TRAVERSES de se replonger sur son parcours « d’artiste exemplaire », en nous attardant en particulier sur sa période avec ALPES, groupe qui comprenait le génial Patrice MOULLET. Ce dernier composait la majorité des musiques et définissait l’orientation musicale de cette formation des années 1970, plutôt en avance sur son temps. Il est le grand complice de Catherine depuis leur premier album en 1969 au temps du groupe 2 BIS. Cette fructueuse collaboration artistique, qui rappelle par sa longévité celle de Debbie HARRY avec Chris STEIN de BLONDIE, va continuer même au-delà de l’épisode ALPES.
Catherine RIBEIRO voit le jour à Lyon, le 22 septembre 1941, de parents d’origine portugaise. En 1958, après une année au conservatoire d’Art dramatique de Lyon, elle monte à Paris et va suivre les cours de Raymond GIRARD. Une carrière de comédienne s’ouvre à elle : en 1963, elle tourne pour GODART dans Les Carabiniers. C’est là qu’elle rencontre Patrice MOULLET (à l’affiche, sous le nom d’Albert JUROOS) qui tient le rôle principal. Nous pouvons également la voir dans le film de J. W. FORDSON : Buffalo Bill, L’Attaque de Fort-Adams.
Ses premiers 45 Tours, figurant dans le coffret Libertés ? (2004), paraissent les années suivantes : en 1964, un EP de 4 titres sous le label portugais Estudio, puis sur Barclay, Dieu me pardonne et Le Chasseur. En 1966 sort un autre 45 Tours intitulé La Nuit et le Vent.
En 1968, Patrice lui propose de travailler ensemble et va fonder un an après le groupe 2 BIS. Il compose les musiques et Catherine écrit les textes. Le premier disque paraît en 1969 après la rencontre avec Claude DEJACQUES et la signature d’un contrat chez Festival.
Comme il est indiqué sur la pochette, Lumière écarlate propose de la « pop free » en parallèle à la pop anglaise. Il veut mêler des sons, des rythmes selon la tradition indienne (les percussions, la découpe mélodique à la lyre électrique) et méditerranéenne (le timbre de la voix, la guitare sèche).
2 BIS disparaît rapidement pour laisser surgir ALPES en 1970. Ce groupe existera ainsi jusqu’au début des années 1980, après avoir sorti des albums assez remarquables, et assuré des centaines de concerts en France et à travers le monde (Bruxelles, Cuba, Barcelone, Zagreb, Alger, Tunis, Allemagne, Hollande). Devenu quasi-légendaire aujourd’hui, il est une référence marquante des années 1970 : enfin, pour les connaisseurs !
En avril 1971, Catherine sera classée par Rock & Folk parmi les dix meilleures interprètes du monde côtoyant ainsi Joan BAEZ, Janis JOPLIN, Aretha FRANKLIN et Tina TURNER. Nous retiendrons aussi l’importance du rôle de Patrice MOULLET. C’est à lui que nous devons ce son si particulier et novateur, ainsi que l’utilisation d’instruments curieux comme le percuphone et le cosmophone.
À côté de la scène française de cette époque, ALPES est une entité musicale venue d’ailleurs. Les compositions sortent de l’ordinaire (souvent longues et complexes), témoignages uniques d’un mélange entre différents genres : le rock progressif, la musique planante allemande, le psychédélisme, le classique. Il peut être considéré comme l’un des meilleurs groupes français de musique pop (c’était le terme employé du temps où la musique n’était pas cloisonnée par toutes ces étiquettes) ou, s’il fallait le définir aujourd’hui, de rock progressif pouvant rivaliser avec les grands noms de la scène anglaise.
Si ANGE présente quelques similitudes avec GENESIS, ALPES se rapproche davantage de l’univers de VAN DER GRAAF GENERATOR : une œuvre de qualité marquée par une musique recherchée plutôt sombre, apocalyptique, voire quasi-gothique (très prononcée dans les albums Le Rat débile et l’Homme des champs, ou Le Temps de l’autre). Quant aux textes poétiques et très engagés, ils définissent un style d’écriture maîtrisée et font de Catherine l’alter-ego au féminin de Peter HAMMILL
Dès 1971, leur maison de disques Philips va ajouter, au dos de tous leurs 33 Tours, la mention : « les textes des chansons n’engagent que leurs auteurs ». Les textes de Catherine sont de véritables chants de révolte, et sont très portés à gauche, ce qui n’est probablement pas du goût de tout le monde, dans une France post-gaulliste. Chacun des albums est une merveille, même si certains sont réalisés à la va-vite, faute de moyens financiers. N’oublions pas que le groupe était considéré à l’époque comme « souterrain », faisant une musique loin des modes, et trouvant difficilement sa place à la radio (Michel LANCELOT était l’un des rares à les diffuser dans son émission Campus sur Europe 1).
Aujourd’hui, la situation n’a pas vraiment bougé. Découvrir leur musique relève de l’exploit, voire même du parcours du combattant. Leurs albums sont à ce jour indisponibles dans le commerce. Cette situation navrante et anormale sera ultérieurement abordée dans notre entretien avec Catherine RIBEIRO. Le collectionneur se voit donc pourvu de la tâche longue et périlleuse de parcourir les vieux disquaires, les conventions du disque et autres brocantes pour mettre la main sur les 33 tours, véritables trésors alpins, qui risquent d’être aspirés dans les spirales infernales de l’oubli collectif.
La réputation et la renommée du groupe vont éclater lors de l’été 1970, lorsqu’il se produit à Port-Leucate (devant 75 000 personnes) et au Festival d’Avignon. Puis, ils jouent au Festival Pop Music d’Aix-en-Provence pour un fabuleux concert de plus de 40 minutes (à 6 heures du matin devant 100 000 personnes).
Cette année-là voit la sortie, toujours sur Festival, de l’album Catherine RIBEIRO + ALPES n° 2, avec Patrice MOULLET (voix, orgue, lyre électrique, guitare acoustique) et Denis COHEN (percussion, orgue).
En 1971, Ame Debout (chez Philips) marque les débuts du percuphone (tenu par Claude THIEBAULT) et du cosmophone (instrument alpin par excellence de Patrice également à la guitare acoustique). S’ajoute à la formation le talentueux Patrice LEMOINE à l’orgue. Le frère de ce dernier, Jean Sébastien, rejoint le groupe de 1971 à 1973, en assurant la fonction de bassiste, en plus de jouer du percuphone. Ame Debout contient de beaux titres tels que Diborowska et Aria Populaire, révélant un talent certain pour la mélodie et l’émotion.
En 1973, l’album Paix connaît un succès mérité (50 000 exemplaires !!) et confirme la créativité de Catherine et de ses acolytes (notamment avec la longue pièce Un jour … la mort). Ils font un passage remarqué en septembre à la Fête de l’Huma devant 50 000 personnes. Pour cette prestation, ALPES réunit alors Patrice MOULLET (guitare 24 cordes, cosmophone, percuphone), Daniel MOTRON (orgue) et Gérald RENARD (basse).
En 1974, Le Rat débile et l’homme des champs s’annonce comme l’un de leurs chefs-d’œuvre. Ce disque s’ouvre sur La Petite Fille aux fraises, chanson à la fois émouvante d’une mère adressée à sa fille Ionna et assez pessimiste quant à l’avenir du monde. Les musiciens, qui ont recruté Jean-Jacques LEURION (orgolia), offrent de grands moments de musique : le révolutionnaire L’Ère de la putréfaction, un fabuleux concerto alpin en quatre mouvements, et une pièce de 25 minutes, Poème non épique (Suite). Ici, Patrice MOULLET et Daniel MOTRON signent ce qui reste la plus belle réussite du groupe. La musique hypnotique est intense et puissante ; la voix possède une force transcendante passionnée et rarement égalée. Le texte est un moment vrai de poésie, livrant une Catherine désespérée et révoltée, et hautement autobiographique.
Le disque (Libertés ?), sorti en 1975, annonce des changements dans le personnel. Aux côtés de Patrice MOULLET et DANIEL MOTRON, il y a le bassiste Henri TEXIER et Caroll REYN aux percussions, remplaçant COHEN, RENARD et LEURION. Cela n’altère en rien la créativité de ALPES, alors au summum de son art.
Deux ans plus tard, Le Temps de l’autre est le dernier disque du ALPES de la première époque. Patrice (guitare), Daniel MOTRON (orgue, pianos), Jean-Daniel COUTURIER (basse) et Jean Louis DO (batterie) jouent une musique sombre à l’atmosphère gothico-religieuse, entre rock progressif et musique planante à la Klaus SCHULZE, saupoudrée de climats médiévaux et folkloriques.
Les textes de Catherine sont émouvants (Aimer quoiqu’il arrive) : des hymnes de vie (De cette voix surgira la vie) et de mort (Le Silence de la mort), reflets d’un monde en perdition (Kel Epik Epok Opak !).
Une nouvelle ère est amorcée à partir de l’avant-dernier album sorti en 1979. Avec Passions, un instrument comme l’orgue n’a plus lieu d’être. C’en est fini de ces sons sacrés, de ces ambiances mystiques et obscures. Comme VAN DER GRAAF et son dernier opus The Quiet Zone and the Pleasure Dome, ALPES clôt les années 1970 par une musique plus accessible, moins torturée (Ioanna Mélodie, avec son côté jazzy), mais toujours mélodique et recherchée (Frères humains, Tous les droits sont dans la nature). Elle perd de sa folie, tout en gagnant en sophistication (Alpinette). Cela témoigne d’une évolution et d’une rupture avec ce rock progressif fastueux et ses longues compositions qui couvraient les faces B.
Encore une fois, le personnel a subi quelques transformations. Les instruments sont plus variés et la palette sonore s’en trouve enrichie. Catherine et Patrice (guitare) sont entourés de David ROSE (violon), Mireille BAUER (percussions, vibraphones, marimba), Francis CAMPELLO (basse, clarinette) et Patrice LEMOINE (synthés, claviers), dont c’est ici le grand retour. De Passions, nous retiendrons de grandes chansons poignantes comme L’Oiseau devant la porte, au texte social (chômage, exclusion) toujours d’actualité, et Femme témoin, vibrant hommage à Jane FONDA et à son engagement contre la guerre du Vietnam.
L’ultime album, La Déboussole, paraît en septembre 1980, toujours chez Philips. Il recevra en 1981 le grand prix de l’Académie Charles-Cros… une récompense de plus, qui vient s’ajouter au grand prix de la SACEM pour l’ensemble de l’œuvre de Catherine reçu en 1978. La Déboussole voit la venue de nouveaux musiciens, à savoir le violoniste René WERNEER et le percussionniste Pierre GASQUET, un ami de CAMPELLO. Les compositions sont signées de Patrice MOULLET mais aussi de CAMPELLO, WERNEER et LEMOINE. Elles surprennent par le contraste de leurs mélodies tantôt rafraîchissantes, optimistes (La Vie en bref), tantôt inquiétantes (La Nuit des errants, où se détache un fabuleux son spatial sortant du synthé de LEMOINE).
Nous percevons également davantage cette orientation légèrement funk (Dis-moi qui tu embrasses, marqué par une fameuse ligne de basse menée par Francis CAMPELLO) et jazz-rock (sur la nouvelle version de Paix, où CAMPELLO et GASQUET assurent une section rythmique dynamique), choisie par ALPES version 1980. Le groupe atteint ici son apogée avec ce disque d’une grande qualité. Et le public ne s’y trompe pas. Il sera au rendez-vous pour assister en octobre 1980 aux douze concerts, donnés sur la scène du Théâtre de la Ville à Paris.
Malgré une évolution prometteuse dans leur musique qui annonçait le meilleur pour les années à venir, le groupe tire sa révérence vers la fin de l’année 1981. Phonogram met fin au contrat de Catherine (pour des raisons obscures et politiques). Celle-ci continue ainsi son chemin sans ALPES, mais en gardant contact avec Patrice MOULLET et Francis CAMPELLO. Elle avait déjà réalisé quelques escapades en solitaire dans les années 1970, avec deux disques, Le Blues de Piaf (1977) et Jacqueries (1978). En 1982 sort le décevant Soleil dans l’ombre, dont les musiques sont toutes composées par Thierry MATIOSZEK, sauf une par Peter GABRIEL : Dans le creux de ta nuit est une superbe chanson au piano, typiquement GABRIEL et dans la lignée de Family Snapshot, hélas gâchée par les arrangements de MATIOSZEK (inclusion de cuivres totalement inutile).
En 1986, paraît Percuphonante. Catherine est accompagnée de Patrice MOULLET (percuphone et batterie électronique) et de Aldo MARTINIG (claviers). L’alchimie RIBEIRO/MOULLET est intacte. L’âme d’ALPES n’est d’ailleurs pas très loin, par la présence du titre Paix 1986. Des chansons à la beauté synthétique comme Elles, Personne ou Une vie d’artiste font penser à NICO au temps de Drama of Exile et Behind the Iron Curtain. La compilation Tapages Nocturnes (1987) est aussi passionnante pour ceux qui voudraient découvrir Catherine RIBEIRO : l’inédit Joëlle, qui ouvre le disque (texte écrit pour Joëlle KAUFMAN dont le compagnon Jean-Paul KAUFMAN était otage au Liban), demeure l’un des joyaux de la collaboration RIBEIRO/MOULLET, avec cette nappe synthétique lumineuse, bouleversante.
Après 1989 déjà ! (1988), pour le bicentenaire de la Révolution française, Catherine se consacre par la suite à reprendre les « chansons des autres » : de PIAF à Jean FERRAT, en passant par Colette MAGNY ou MANSET (Vies monotones) sur L’Amour aux nus en 1992 et Chansons de légende en 1997.
Entre-temps, en 1993, l’album Fenêtre ardente renoue avec la RIBEIRO d’antan, c’est-à-dire avec un groupe plus rock (basse, batterie, guitare, saxo). Elle livre ses pensées mêlées d’amour et d’angoisse sur des compositions de Patrice MOULLET et une nouvelle version d’Aria Populaire n’ 9, à l’origine sur Ame Debout…) et de Francis CAMPELLO (Les Prédateurs, L’Amour frappé), mais aussi d’Anne SYLVESTRE (Racines). Les arrangements sont assurés par Michel PRECASTELLI, également au piano-synthé.
L’enregistrement public Vivre libre (1995) reste un beau témoignage scénique suite à ce disque, avec une formation classique (piano, violons, alto, violoncelles et percussions). La même année, elle rend hommage à André GIDE, avec La Symphonie pastorale.
Après le Live au Théâtre Toursky (2002) puis un coffret sans grand intérêt de 4 CD paru en 2004 (qui fut un temps le seul document disponible dans le commerce retraçant sa période avec ALPES), Catherine revient en 2006 au devant de l’actualité musicale avec un CD live témoignant de sa récente réapparition sur scène.
C’était en 2005 avec Francis CAMPELLO et un groupe fraîchement formé de quatre musiciens, pour seulement deux concerts exceptionnels. Le public a eu le privilège de ré-apprécier des classiques des années 1970 et de découvrir quelques inédits composés entre 2002 et 2004 par notre fidèle duo Catherine et Patrice, bien sûr !
Pour commencer, la voix est toujours la même. Elle n’a rien perdu de sa force émotionnelle. Musicalement, ne vous attendez pas à entendre le son seventies d’ALPES. Soulignons l’excellent travail de CAMPELLO, au niveau des arrangements. En effet, certaines versions renaissent sous un jour nouveau.
L’ensemble fait penser à du pur rock américain, entre blues et country. Ce CD peut être le parfait compagnon d’un bon vieux REM (du genre Country Feedback), ou même d’un Nikki SUDDEN (The Jewel Thief). Avec ce son de guitare très « western » et ce piano échappé d’un saloon, nous pensons parfois au deuxième album de Peter GABRIEL en 1978 (White Shadow, Indigo, Home Sweet Home).
Délaissant ce rock progressif des débuts, c’est en fait à un retour aux sources, à un rock’n’roll basique, que nous invite ce CD live. La formation comprenant Francis CAMPELLO (guitare basse), Christophe BOURUMEAU (guitare), Gilles THEMELIN (claviers), Luc HELLER (batterie) et Jean-Yves LOZAC’H (pedal steel guitare) est des plus convaincante. La Trainitude et Le Manque nous ramènent à Soleil dans l’ombre et Percuphonante. L’intemporalité de la musique d’ALPES est évidente ici lorsque nous écoutons les anciens titres revisités : Un regard clair obscur et Jusqu’à ce que la force de t’aimer me manque, respectivement sur les albums Le Rat débile… et Paix. Que de nostalgie, me direz-vous !
Effectivement, pour beaucoup, cela éveille de vieux souvenirs, mais ce CD présente aussi un intérêt non négligeable, à savoir l’opportunité d’entendre deux inédits parmi la set-list jouée ce soir-là. La Pierre et le Vent puis Pour une fois encore entrent dans la logique artistique que mènent Catherine et Patrice depuis plus de trente ans : des textes d’une qualité exemplaire soutenus par une musique à la fois très rock pour le premier titre et émouvante pour le second.
Au regard du résultat, nous regrettons que l’album studio prévu en 2005 (La Pierre et le Vent) n’ait jamais vu le jour. Nous sommes aussi un peu déçus par la durée très courte de ce live : 24 minutes pour 6 titres. Il aurait été intéressant d’entendre notamment la version de Paix et un troisième inédit. C’est vraiment dommage mais là encore, l’argent est le nerf de la guerre ! En fait, rien n’a changé depuis les années 1970. L’histoire se répète inlassablement.
Entretien avec Catherine RIBEIRO
Pourriez-vous me dire ce qui vous a amené à devenir chanteuse, alors que vous vous prédestiniez à une carrière de comédienne ?
Catherine RIBEIRO : Je le dis dans mon livre L’Enfance : on le pressent. J’avais une voix de soprano à l’origine. Petite fille, j’étais dans une chorale d’adultes et on m’a utilisée pour des solos parce que j’avais une voix comme les mômes. Je n’ai pas vu le film Les Choristes, mais on a suffisamment entendu le gamin qui avait une voix haut perchée. Moi, j’étais une gamine qui avait une voix très très haute. Même en démarrant au Conservatoire d’Art dramatique, comme j’étais classée tragédienne (tragédienne à l’époque, il fallait bien porter sa voix), j’ai commencé à prendre des cours de chant et puis j’ai continué à travailler ma voix avec un professeur de chant allemand qui m’a appris sa technique à lui. Et je le remercie encore (il n’est plus de ce monde) parce que, grâce à lui, cette technique m’a servie dans tous mes abus, dans toutes mes incartades.
En 1968, Patrice MOULLET, qui préparait à l’époque pour 1969, le concours international de guitare d’art classique, savait que j’écrivais. C’est lui qui m’a poussée en me disant : « écoute, écris et moi je mets en musique ». Je ne savais pas ce qu’il ferait, mais je lui faisais confiance. C’était l’élan de deux êtres jeunes et passionnés par la musique et par la poésie. Nous savions dès le départ que nous allions faire quelque chose de très différent de tout ce qu’on entendait. Je reconnais avoir été influencée au niveau de la poésie (je suis tombée là-dedans gamine et heureusement ça m’a sauvée la vie) à cette époque là par Bob DYLAN qui avait une écriture très nouvelle et très différente de tout ce qu’on pouvait entendre, tellement plus riche que chez les ROLLING STONES.
Femme témoin
CR : Ce fut terrible pour trouver une maison de disques. Il y en avait très peu, mais il y avait déjà Philips, Vogue, CBS et EMI (Pathé Marconi à l’époque). Je me suis entendue dire à plusieurs reprises : « on garde la chanteuse mais pas les musiciens ». Et chaque fois, j’ai répondu : « Vous ne gardez personne. » Pour moi, c’était très simple. En décembre 1968, on a rencontré Claude DEJACQUES (à qui BARBARA, NOUGARO et GAINSBOURG ont dû leur carrière). Il nous a dit : « Je quitte Philips dans six mois et à partir du ler juillet, j’entre chez Festival, et vous serez les premiers que j’enregistrerai. »
En avril 1969, on crevait la dalle. À minuit, on faisait les poubelles : on prenait les bouteilles en verre, qui étaient consignées à l’époque, et on les rapportait le lendemain à l’épicerie pour acheter du pain. Claude DEJACQUES nous a dit : « Allez, on va entrer en studio et le disque sera prêt ! » Parce qu’on brûlait d’impatience. C’est sorti début octobre. Il y avait un 45 Tours qui était déjà en radio extrait de l’album pour la promotion bien que j’ai signé un contrat avec le théâtre du Lucernaire à 18h30, il y avait Brigitte FONTAINE, Jacques HIGELIN et ARESKI, et à 20h30 RIBEIRO + 2 BIS. J’ai commencé à découvrir ce que c’était que le plancher de la scène. J’ai presque tout appris là et c’était incroyable.
Ensuite, il y a eu un temps fort malgré nous, en juillet 1970 avec le Festival Pop du Général Clément à Aix-en-Provence, ce fameux festival qui a fait tant parler parce que six jours avant, Pompidou n’avait toujours pas donné d’accord.
À cette époque-là, un festival dit de pop music faisait peur. Il y avait 100 000 personnes mais il aurait pu y en avoir plus. Le dernier jour, Patrice et moi, nous jouions en Avignon. Il y a plein de journalistes de pop music qui se sont relayés au téléphone pour me convaincre de venir à Aix-en-Provence. C’est finalement l’organisateur d’Avignon qui a pris la décision de fermer boutique ce soir-là, et puis de partir avec nous. On a clôturé ce festival.
Je suis arrivée sur scène avec une sacrée trouille ! Je n’avais jamais vu autant de monde de ma vie. Je suis arrivée avec la veste de moto de Jacques VASSAL parce qu’il faisait un froid de canard ; le jour s’est levé et on a joué. Quand je suis arrivée sur scène, les gens étaient dans leur duvet, couchés. C’était une marée humaine bleutée, allongée. J’ai vu un mouvement de vagues. Par ce qu’ils entendaient, les gens se sont petit à petit assis, et puis ensuite, ils étaient debout. Après, les journalistes se sont jetés sur moi. Je ne comprenais pas ce qui se passait. Ce jour-là, en 40 minutes de scène, nous avons gagné 3 ans de carrière. Ce fut les quotidiens puis les hebdos. Dans Le Nouvel Obs, ça donnait : « une femme qui ose tout. Qui est-elle ? »
Est-ce que les musiciens improvisaient beaucoup ?
CR : Non, on a cru qu’on improvisait. En réalité, on travaillait énormément. Aujourd’hui, c’est infaisable. Quand je vois que les dernières répétitions ont coûté 35 000 euros, j’ai halluciné ! Pour 28/29 jours de répétitions en tout ! Les dernières n’ont pas été payées ; je n’avais plus d’argent. Si, dans les années 1970, il avait fallu payer tout le monde, il n’y aurait pas eu de musique, de création… qui exigeait beaucoup de nous.
Avant de faire chacun des albums, on passait six à huit mois à répéter au quotidien. Quand on n’en pouvait vraiment plus, on
s’octroyait une semaine de relâche pour repartir avec les oreilles nettes. Alors, bien sûr, il y avait quand même des moments d’improvisation sur scène, et ensuite ce qui nous était paru comme quelques instants très forts, très bons musicalement, on les gardait, on les répétait après. Et vice versa.
C’est pour cela que le titre Paix a eu deux versions. Et il y en aura une troisième, là maintenant. On a gardé le même thème. Il y a une partie très rock, une partie très blues. Tant que j’aurai de la voix, si ma voix descend et que je suis obligée, pour le plaisir ou tout simplement pour vivre, de continuer à chanter, je me dirigerai vers le blues. D’ailleurs, Un regard clair obscur, c’est un blues maintenant. C’est la même mélodie…
Réorchestrée !
CR : Oui, oui. Dans le papier (d’après le concert à Valenciennes) de La Voix du Nord, le journaliste comparait les musiciens à Eric CLAPTON, Jerry Lee LEWIS, ZZ TOP, CROSBY, STILLS, NASH & YOUNG. C’est quand même pas mal. Évidemment, c’est moins perceptible sur le 6-Titres.
Selon vous, quel est le meilleur album d’ALPES ?
CR : Pour moi, le meilleur album, c’est… bon, il y a (Libertés ?), qui est un grand album… après surtout, c’est La Déboussole. À un moment donné, j’ai la voix de Janis JOPLIN. On en revient à aujourd’hui si vous aviez assisté à un concert, vous auriez entendu ce que c’est que Catherine RIBEIRO chantant du rock pur et dur. Je suis la seule à faire ça. Et cela me tue d’imaginer que, parce que je ne tire pas les sonnettes, il n’y a pas de maisons de disques. Je sais qu’Universal a 13 de mes albums sur 24, que Pascal NÈGRE (je ne sais pas pourquoi, je ne l’ai jamais rencontré) ne peut pas me supporter. Ce n’est pas musical.
Une vie d’artiste
Aujourd’hui, nous ne trouvons toujours pas dans le commerce tous ces albums avec ALPES.
CR : Ils ont sorti un « Long Box », contre mon gré. J’ai envoyé deux lettres recommandées à Pascal NÈGRE. Je n’attendais pas de réponses. Et ils l’ont sorti, ils avaient le droit. Je n’ai aucun droit, mais c’est un bel objet, il y a 4 CD. Je suis contre les Long Box. C’est comme si les Éditions de Minuit, par exemple, sortaient un livre avec un chapitre de tous les romans ou pièces de théâtre de Marguerite DURAS. Ce serait scandaleux. C’est la même chose avec la musique, parce que chaque album est une évolution, voire une régression parfois. Ça a le mérite de représenter un moment musical d’un groupe.
Quel regard portez-vous sur cette époque ? Avez vous des regrets, des critiques ?
CR : Au début, on a travaillé avec des bouts de chandelles. Si on nous avait donné les moyens qu’avaient PINK FLOYD ou les Anglo-Saxons… Mais, on n’avait pas ces moyens-là. On faisait comme on pouvait : très peu de temps pour enregistrer. Imaginez Ame debout et ensuite Paix. Ces deux albums ont été enregistrés en deux jours, mixage compris. Heureusement, que nous avions des mois de répétitions derrière nous, mais je veux dire qu’au niveau du son, nous aurions tellement pu faire mieux.
Un beau jour, j’ai commencé à être un peu plus exigeante en disant à Philips : « laissez-nous du temps, j’ai besoin de tant de jours ». Au fur et à mesure, on entend mieux la musique, elle éclate davantage, la voix est beaucoup mieux enregistrée. Quand on a très peu de temps pour enregistrer, à la console, les ingénieurs du son ne comprennent pas cette musique. Par la suite, plus on a eu du temps, au mixage, je correspondais beaucoup avec l’ingénieur du son : « là, tu montes tel instrument ».
Il y a une chose qui nous a nuit énormément : j’ai été la seule artiste française à avoir sur toutes mes jaquettes de disques « les textes des chansons n’engagent que leurs auteurs ». En dehors de Radio France qui nous programmait, de Michel LANCELOT tant qu’il est resté à Europe 1, et aussi RTL au tout début (Bernard SCHU avait utilisé un morceau d’ALPES comme indicatif de son émission), on ne passait jamais dans la journée. J’ai fait toute une carrière sans un tube. J’aurais bien aimé en faire un.
En mai 1973, nous passions au grand théâtre de Radio France. 15 jours avant, le producteur de cette soirée, qui travaillait à Radio France, nous a fait venir François BÉRANGER et moi. Il nous a amenés dans les coulisses du plateau où se préparait pour le lendemain l’émission de Michel DRUCKER. Nous étions dans un petit coin, et c’était Mireille MATHIEU qui répétait. C’était drôle pour nous parce qu’on était tellement loin de tout cela.
Une femme vient vers moi : « Catherine, c’est fantastique ! Quel dommage qu’on ne puisse pas vous passer, vous programmer, parce que c’est trop difficile ce que vous faites. » Elle était très chaleureuse, très avenante. Elle était le bras droit de DRUCKER. Je lui ai dit « non, j’ai sorti un album (Paix), au mois de janvier, et il y a une chanson qui dit : je voudrais pouvoir t’aimer deux ans, trois ans, dix ans… » « Oh, mais c’est encore trop compliqué, Catherine ! » Dans mon élan, je lui ai dit : « mais, il y a un titre où je fais simplement la la la la la la ». Elle m’a répondu : « oui, mais là il n’y a pas de texte ». C’est dingue ! (rires).
Le Temps de l’autre
Qu’est-ce que vous aimez en musique ?
CR : Maria CALLAS pour sa voix tellement fabuleuse. Sinon, je suis wagnérienne.
Et chez les Anglo-Saxons ?
CR : Bob DYLAN, que j’aurais voulu épouser. Si j’avais épousé DYLAN, Véronique SANSON ne me serait jamais passée devant, dans Rock & Folk… parce qu’elle avait épousé Stephen STILLS et ça l’a quand même sacrément propulsée en avant ! (rires). Il y en a un que je mets presque en n° 1, c’est Freddie MERCURY et le groupe QUEEN. Freddie MERCURY, c’est un monument vocal, de beauté, de grandeur, de folie et en même temps de grande pudeur. Quand on le voit, à chaque fois, je suis bouleversée. En plus, j’ai l’impression de me voir. Il bouge un peu comme moi. Il fait très attention parce que sa voix est tellement importante, il ne peut pas bouger, délirer. Il y a une femme que j’aime beaucoup, Tina TURNER dernière version et pas l’époque avec son ex. Et puis Janis. Il y a eu Jimi HENDRIX, magnifique.
Jim MORRISON, peut-être ?
CR : Évidemment. La version des DOORS du thème de Kurt WEILL Alabama Song est grandiose, et après ils partent vers autre chose… Ça me tue tous ces gens qui se sont déglingués et qui sont morts trop tôt. J’ai eu aussi une grande tendresse pour Tim BUCKLEY. J’ai failli faire une tournée avec lui (dont la Fête de l’Huma). On a réussi à joindre son agent qui n’était pas contre, à condition qu’il y ait une tournée. On aurait organisé cela de main de maître. Et, 48 heures après avoir reçu le courrier de son agent, on a appris qu’il s’était suicidé (le 29 juin 1975).
Moi, en 35 ans, je n’ai jamais fait de tournées. Je n’ai fait que des concerts ponctuels. Je ne chantais jamais deux jours de suite. J’ai commencé en 1980 au Théâtre de la Ville parce que c’était une heure seulement. J’ai fait 10 jours, mais c’est tout. Après j’ai compris que je pouvais chanter tous les jours sans abîmer ma voix. C’était ça mon souci : j’avais peur pour ma voix.
Il y a aussi un grand bonhomme que je voudrais citer : Luis LLACH, le Catalan. Il a une voix somptueuse. C’est un immense poète. C’est le plus grand monument catalan. Une fois, à Bobino, il a commencé à chanter du rock. C’était absolument géant. Dans les années 1970, il a composé un oratorio contre le franquisme. C’était extrêmement courageux.
Peter GABRIEL a composé pour vous la musique de la chanson Dans le creux de ta nuit. Comment s’est produite cette collaboration ?
CR : Mon compagnon de tranchée le connaissait. Je l’ai appelé au téléphone. Il m’a demandé de lui envoyer un ou deux disques, dont Libertés ?, pour qu’il entende ce que musicalement nous faisions. Il m’a rappelée en me disant qu’il aimait beaucoup ma voix. Il n’a pas parlé de la musique. Il m’a dit que c’était d’accord. Deux ans, il a mis ! Et un jour, je reçois par la poste une cassette avec une mélodie (il était au piano). Il n’y avait pas de paroles et il chantait la mélodie.
C’était superbe et mieux que ce qu’on m’a obligée à faire. Je n’avais jamais mis un texte sur une mélodie. Je ne savais pas comment me donner le nombre de pieds pour que je respecte la musique. Il m’envoie un texte. Je prends son texte et je compte le nombre de pieds, puis j’écris autre chose. Je ne lui ai pas demandé d’écrire un texte. Il aurait suffit qu’il m’écrive pour me dire 5, 6, 7 pieds…
RHODA-GIL, qui crevait d’envie de traduire les textes de GABRIEL, s’est mis dans la tête qu’il avait pondu un texte, son texte. Le mien n’avait rien à voir. C’est le mien qui est sorti. Derrière moi, il a dit que je lui avais volé son texte. Et comme RHODA-GIL était très connu au niveau de ses traductions, de ses textes, et qu’il faisait des tubes, il m’a fait du tort.
L’autre tourment pour moi est que l’éditeur ne voulait plus d’ALPES, en disant : « Tu as une voix magnifique et tu peux faire carrière. » Ça a duré des mois et je ne cédais pas. Au mois de novembre 1981, Patrice MOULLET et Francis CAMPELLO sont venus me voir dans le Val d’Oise pour me dire : « Puisque tu as la possibilité de faire sans nous, vas-y ! On te donne le feu vert. »
Le compositeur Thierry MATIOSZEK avait tout composé sauf la mélodie de Peter, et m’a dit que sa mélodie était nulle. « Peter GABRIEL, c’est nul. » Aussi, j’ai dit à l’éditeur qu’ALPES pouvait se recomposer uniquement pour faire ce titre en studio. Avec l’univers d’ALPES, assez respectueux de ce qu’avait proposé Peter GABRIEL, on savait ce qu’il fallait faire. Quand MATIOSZEK a appris qu’ALPES allait faire les orchestrations de la mélodie de Peter, il a dit : « Non, moi je fais tout ou je ne fais rien. » Il a orchestré, mis des cuivres. Et là, ça faisait une montagne. Peter GABRIEL n’a pas apprécié. Je l’ai su par un journaliste de Best qui l’avait interviewé. Il est resté très courtois en disant qu’il s’attendait à autre chose. Cela m’a fait trop mal.
Je vais vous dire une chose : pour Soleil dans l’ombre, tous les soirs en quittant le studio, je rentrais en taxi et je pleurais. J’étais malade d’enregistrer à la baguette. Il fallait que je chante propre. L’éditeur m’a reprochée de dire en interview que j’avais fait un disque hygiénique. On voulait utiliser ma voix comme une carmencita. Moi, je voulais grincer, rapper, tordre le cou aux notes, mais ça n’a pas été possible.
ALPES debout !
Parlons de ce nouveau CD live à Valenciennes.
CR : J’ai tellement hésité avant d’accepter l’idée de le mettre sur Internet, sur mon site. C’était uniquement en direction des organisateurs de spectacles, en me disant que cela leur suffirait. Et puis, ce sont les amis qui m’ont dit : « Non, non, Catherine ! Vends-le, vends-le ! »
Il n’y a eu qu’un seul soir ?
CR : Non, il y eu Charleville-Mézières au théâtre, qui est à l’origine de la création, le 7 octobre 2005. Ils ont donné un cachet tellement honorable : les 40 % d’avance à la signature m’ont permis de commencer les répétitions. Et, il y a eu le 18 novembre à Valenciennes.
Cette idée de remonter sur scène et de rejouer du ALPES est venue de Francis CAMPELLO ?
CR : Non, c’est venu de moi ! J’ai tout arrêté pendant quatre ans, volontairement. Vous connaissez la période où j’ai chanté les autres, pour le plaisir, et où j’ai eu des critiques fabuleuses, peut-être les plus belles de ma vie… Peut-être parce que tout était centré sur moi. J’ai arrêté du jour au lendemain. Sans ALPES, ça ne veut rien dire. La première année s’est bien passée. J’ai continué à passer mon temps à réfléchir sur le genre humain. Puis deux ans, trois ans ont passé.
Et, un jour, je reçois un coup de fil du directeur du théâtre de Charleville, vers le 2 ou 3 avril 2004. On ne se connaissait pas. Je me suis jetée à l’eau.
Il y a quelques inédits sur ce disque…
CR : Il aurait dû y en avoir plus. CAMPELLO a manqué de temps pour recomposer et réorchestrer ce qu’avait fait Patrice. Sur le 6-Titres, vous en avez deux. Dans le concert, il y a un troisième inédit, une version revisitée de Paix et trois autres titres. Plus un titre que j’ai écrit il n’y a pas très longtemps, un oratorio (il faudrait un oratorio rock ou je ne sais pas encore, et ce que Patrice a composé dessus n’allait pas). Donc, je l’ai lu. C’est MA Mémoire et la Mer à moi ! C’est un grand texte ! (NDR : Catherine récite de mémoire ce nouveau texte.)
Un nouvel album aurait dû sortir ?
CR : On n’a pas eu les moyens financiers pour le faire. On avait une avance de 10 000 euros. Mais on ne peut pas faire un disque avec 10 000 euros. À partir du moment où il faut payer les musiciens, les charges sociales, l’hôtel, on ne peut pas. Il y a trois musiciens qui habitent dans le Sud. Les musiciens sont fantastiques. CAMPELLO les a choisis sur mesure pour moi. C’est un plaisir de travailler avec ces cinq musiciens. Ce sont des professionnels avec un esprit comme j’aime.
Le batteur est fantastique, mais on ne l’entend pas suffisamment. On l’entend, mais on entend surtout la grosse caisse. On a eu des problèmes d’ailleurs de grosse caisse, pas sur scène, mais après : pour gommer un peu la grosse caisse qui était omniprésente. Elle bouffait tout. Il y avait le micro dans la grosse caisse, et puis à l’enregistrement on n’entendait qu’elle. On n’entendait même plus les caisses claires, les cymbales, les timbales.
Il faudrait que je tire les sonnettes des maisons de disques. Je ne veux pas le faire. Ce n’est pas par orgueil. Mais si c’est pour m’entendre dire « je la rappellerai » et qu’on ne me rappelle pas, c’est une blessure dont je peux me passer. Ma vie ne tient qu’à un fil. Ça va finir par se faire, parce que je vais finir par éclater.
Donc, l’éventualité de faire un nouveau disque, ou de rééditer vos albums avec ALPES…
CR : Je ne peux pas. Je peux faire uniquement ce que j’ai fait là, le CD 6-Titres, car ils n’ont aucun droit là-dessus par contre.
Article et entretien réalisés par Cédrick Pesqué
et publiés à l’origine dans TRAVERSES n°21 – janvier 2007
Photos live NB : Marie-Christine Pesqué (Forum des Halles à Paris, 21 juin 1994)
Photos live couleurs : Sylvie Hamon et Stéphane Fougère
(Salle des Fêtes de Palaiseau, 10 février 2007)
Autres Photos : pochettes et livrets disques
(NDLR : * Le CD 6-Titres Catherine RIBEIRO chante RIBEIRO ALPES, Live à Valenciennes 2005, dont il est question dans cet article est aujourd’hui royalement épuisé et magistralement introuvable.
Un double CD lui a succédé en 2007, comprenant l’intégralité du concert de Catherine RIBEIRO à Palaiseau le 10 février 2007, sous le même titre Catherine RIBEIRO chante RIBEIRO ALPES. Il fut disponible à la vente par correspondance sur le site de Catherine RIBEIRO puis édité par le label Nocturne. Ce concert à Palaiseau fut l’avant-dernier concert de Catherine RIBEIRO, le dernier ayant eu lieu au Bataclan, à Paris, en 2008.
* Cet article avait été publié dans TRAVERSES quelques jours avant le concert à Palaiseau, nous le republions ici augmenté de quelques photos de ce dernier. Un diaporama photos intégral de ce concert est également visionnable sur cette page.
* Enfin, une Intégrale des albums originaux 1969-1980 de Catherine RIBEIRO + ALPES est depuis 2015 disponible chez Mercury dans un coffret de 9 CDs.)
Site sur Catherine RIBEIRO : http://catherine-ribeiro-over-blog-com.over-blog.com/page-5352791.html
Site de Patrice MOULLET, qui continue d’œuvrer pour la recherche musicale par l’intermédiaire de son atelier ALPES à La Défense : www.patricemoullet-alpes.com