Pascal COMELADE et les LIMIÑANAS – Boom Boom

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Pascal COMELADE et les LIMIÑANAS – Boom Boom
(Because Music)

Ils ne s’étaient pas trouvés par hasard tous les trois comme au coin d’un bois en 2014 pour l’album bien accordé et un tantinet désaccordé mais en rythme (croisé) impec : Traité de Guitarres Triolectiques (à l’usage des portugaises ensablées) ce qui prouve que les Catalans ont tout de même des préjugés à l’égard des Portugais (qui le leur rendent bien). Ils avaient confectionné un album envahi de guitares (avec un seul R) de Mister LL (fuzz, télécaster, fender, etc.) assisté des percussions et batteries de Mme ML et avec Ivan TELEFUNKEN en invité guitar (sans E) parmi d’autres complices.

Dans cet album qui marque également une fin de période, le trio avait sorti leurs collections de rock and rôles (Nothing Twist) un peu chantés avant les déflagrations de Black Sabata (They Call me) qui d’ailleurs revient (Such a Nice Girl, Isn’t She) en 2023. Triolectique comme son nom l’indique et donc avec trois têtes, trinité évoquant le temps qui passe entre passé, présent et futur, associant le riff, le répétitif et le psyché rock, le football à trois équipes d’Asger JORN, la musique de danse (twist = se tortiller) et la réunion des obsessions avec hommage appuyé à Louie Louie, soit le riff ultime, celui qui contient tous les autres riffs du monde et de la Terre.

Une fin de période en effet, car, hors le coffret somptueux Rocanrolorama de 2016, six CDs récapitulant toutes les facettes comeladiennes entre 1974 et 2016, soit toutes les figures des obsessions de notre prolifique instrumentiste sur 42 ans, et le Rien illustré, paru en 2020, joli livre des pochettes des disques cultes de COMELADE arrangées comme il faut par ses soins (sauf peut-être la numéro 148 ; allez savoir pourquoi !) + un CD contenant 25 Sub-versions de salon en formes d’hommages à DYLAN, RAMONES, BLACK SABBATH, WYATT et CAPTAIN BEEFHEART (en vrac et en oubliant les autres).

Il a donc fallu attendre 2021 pour que Pascal COMELADE s’y remette véritablement avec deux albums solo magnifiques en diptyque : https://rythmes-croises.org/pascal-comelade-le-cut-up-populaire-version-augmentee ainsi que https://rythmes-croises.org/pascal-comelade-le-non-sens-du-rythme/ en 2023, sans oublier quelques collaborations plus (Velvet Serenade avec Lee RANALDO, (ainsi que Larme Secrète avec Marc HURTADO dans une moindre mesure …) ou moins (silence gêné en 2022) réussies.

Après tous ces rangements et ces bilans/synthèses peut-être nécessaires, Pascal COMELADE retrouve ses Catalans qui ont creusé leur chemin depuis 2014 et ils décident de raviver le trio et de s’atteler à douze morceaux en continuité avec ce vieux traité (9 ans ont passé tout de même) en essayant de garder le parfum un peu désuet, mais en évitant le côté déjà vu, convenu, et le copié-collé de cette retrouvaille triangulaire (triolectik) et pas rassasiée, ni ensablée, ni fatiguée, comme s’ils ne s’étaient quittés qu’avant-hier, les yeux brillants, ravis de s’être tant amusés.

Ça démarre par Le Riffifi brille en jaune avec ajouts répétitifs d’instruments allant du piano et de la guitare soluble de TELEFUNKEN (tout comme celle de Xarim ARESTÉ, toujours fidèle au poste sur le deuxième morceau : Elvis has left the Building (Didier BALDUCCI, from Nice, est pas très loin et doit enquêter !). Pour Hypnose en bas de gamme, les guitares qui attaquent fort essaient tout de même de ne pas noyer le piano qui, ma foi (et votre foi également), s’en sort pas trop mal. Ensuite viennent une Fin du Monde avec guitares en sirènes, montée de pianos tordus et distorsions en tous genres, on a également un peu de thérémine, pour arriver au Retour de Black Sabata, la sorcière bien aimée et bien fidèle : une rumba, polka, valse argentine avec percussions en avant qui nous Contorsionne (-toi toi-même) titre suivant que les LIMIÑANAS enveloppent de leurs fuzz impeccables.

Tout cela mène après des clins d’œil (ou de genoux) à Marcel D, (surnommé parfois Marcel DUDUCHE), dont la pauvre nièce est si froide qu’elle se cogne à tout le mobilier musical comme à une rangée « valdinguée » de cadavres exquis jusqu’à : On ne mange pas la Choucroute de Véronica (amie avec Sabata ?), immense assemblage mêlant la sardane catalane, la féria, la ducasse et les limonaires (cousins des LIMIÑANAS) pour une danse endiablée, toujours élégante, jamais insistante en reprise de Freak Serenade (sans le kazoo, thanks) ; on y met du piano, on rajoute des flonflons, des cuivres à la carioca et même du cymbalum comme cela les tubas, baritons et clarinettes se sentent moins esseulés. Un morceau pour dire au revoir poliment et comme il faut, mais également à bientôt bien entendu, car s’il y a triolectisme même éphémère entre COMELADE et ses deux complices, il doit et il devra y avoir un troisième album, celui de la synthèse ou de la finitude : les trilogies en musique étant toujours meilleures que les quadrilogies ou leurs cousines grecques : les tétras(sent), qui embarrassent, terrassent et plombent les discothèques surpeuplées.

Cet album tout mince de 36 minutes (3 minutes par morceau donc), est à creuser peu à peu, doucement et en profondeur, avec un zeste d’obstination, comme pour ces œuvres pas si évidentes qui ne se livrent pas tout de suite et qui s’ouvrent au fur et à mesure. Au premier abord et à la première écoute, il semble en effet que l’album paraît relire ou repolir un peu aisément le répertoire défriché en 2014, comme une redite ou une pochette surprise éméchée (à propos de pochette, bravo à la broderie florale du canevas de Pauline C., bien meilleure que celle d’Elvis EP de 2014) ; mais on sait suffisamment que Pascal COMELADE a du plomb qui se transforme en or dans la tête et le reste qui tient solidement sur les épaules. Il est trop malin, trop respectueux de la musique qu’il fait naître et surtout trop distingué pour se laisser entrainer trop loin et déraper même un peu dans la parodie.

Et il sait, comme dans ses morceaux courts mais intenses, s’arrêter quand il faut, toujours au bon moment, d’abord pour ne pas décevoir ses fidèles, tout en les respectant, et surtout pour ne pas se décevoir lui-même.

« Rabier » Béal

Page : https://comelade.bandcamp.com/album/boom-boom

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