Pascal COMELADE – Le Non-Sens du rythme

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Pascal COMELADE – Le Non-Sens du rythme
(Because Music)

Chronique un tant soit peu improvisée en trois parties vagues, pourtant lues et relues et non articulées

Choses dites, écrites, lues, entendues, racontées par des inconnus, colportées par des amis de longue date,  vérifiées ou non, inventées parfois, au sujet et à propos de Pascal COMELADE (à la manière de Fakir TREMOLO dans le livret de Monofonicorama best-off (?) 2005-1992 en 2006) :

– un cabaret plutôt barré musical magique, ludique, détourné rendant hommage à la Syldavie, des séquences païennes galactiques irraisonnées et irrégulières, une galaxie instrumentale et monu-mentale avec tous les pianos et les fanfares de la terre, le meilleur musicien du monde (d’après Vic CHESTNUTT), approximateur logicofobiste, triangulologue potentiel, écrivain monophonique submergé, adhérent des amis d’Arsène LUPIN et membre du Vince TAYLOR fan club, adepte du strip-tease musical, violoniste balnéaire, réducteur de piano, zigue à la coule, imposteur apostolique, ami de la jeunesse, faussaire de faux airs, négociant en virages, musicien wagnérien (pour Igor WAGNER dans l’album de TINTIN Les Bijoux de la Castafiore, of course), guide debord(in girum) , des sub-versions de salon, zingueur tympaniste, sidéromancien, taxidermiste de bal (ma préférée peut-être), géronto-conseilliste, musicien de cabaret galactique, special spaghettis (mexican) strangler, conducteur d’engins plastiques dans un luna-park métaphysique, etc.

– ses précis de jargons sonores, à l’usage des portugaises ensablées (écrits monophoniques pages 53 à 56 Camion Blanc 1999) et la définition de la clarinette (ouh là) , la contrebasse, ses contrepèteries musicale (volées à Luc ETIENNE), la définition de jazz-tango (= bisexuel), quelques titres irremplaçables : On se l’Hegel en enfer (et en fanfare), Danse du valseur callipyge, le Soir du grand soir, le Grand Pianonaniste, John Cage descendant un escalier (clin d’œil au danseur de tango descendant un escalier et à Marcel DUCHAMP), etc. etc. à nouveau.

– ses articles, (Un diamante con cien Caras y mil reflejos pour l’album Cent regards), interviews, (Le Baloche merveilleux de Pascal COMELADE dans l’Hebdo de Genève et Rustic Cosmopolitan pour The Wire), ses pochettes d’albums confiées à Robert COMBAS, l’Amateur de plein Air (hello Antoine), Gérard JACQUET, Hervé di ROSA, Gaston CHAISSAC (titre + pochette de l’Argot du bruit en 1998) Jacques MONORY (pillée-empruntée), ainsi que les 150 œuvres de COMELADE réunies dans l’album de 2020 : Le Rien illustré (avec le CD supplément sonore de 25 titres Sub-versions de salon volume 2).

– ses collaborations et hommages, participations et compilations : Robert WYATT, P.J HARVEY, Richard PINHAS, ses amis musiciens d’Espagne, Jac BERROCAL, Pierre BASTIEN, Patrick CHENIÈRE, Jaki LIEBEZEIT, Amaury CAMBUZAT (pour les Oblique Sessions en 1997),  Dominique RÉPÉCAUD, LES LIMIÑANAS, sans parler de ses concerts avec FAUST (à Lille en 1997) et Jean-Hervé PÉRON et enfin deux œuvres en participation de 2009 : l’Assemblage de pièces comeladiennes du plus bel effet de la collection les Zut-O-Pistes dirigée par Dominique Grimaud avec une flopée d’invités révérencieux (ou pas) et l’Anthologie du projet MW (MARCHETTI / WYATT) avec un CD inclus dans le livre comprenant 5 versions instrumentales de pièces de Robert WYATT avec ou sans lui. 

Quelle est la fonction essentielle d’une chronique musicale et la place d’un chroniqueur retroussant ses manches pour faire le tour d’un sujet (d’une vie parfois) pour lequel il se sent investi (pour RYTHMES CROISÉS nous avons la chance de ne parler que des musiques que nous aimons, on laisse les restes aux autres) ?

– se faire plaisir en tant que rédacteur libre et intransigeant

– faire plaisir au rédacteur en chef, par l’acuité, la pertinence et le style de ses interventions et de ses remarques
– faire plaisir à ses lecteurs qui attendent des informations de la part de leur guide musical et ses positions, préférences et commentaires pointus sur l’artiste qu’ils vénèrent ou qu’ils vont découvrir
enfin, faire plaisir et faire l’éloge du musicien qui sera flatté qu’on lui dise et explique en détails l’importance de son œuvre (surtout son dernier effort) en la replaçant habilement dans sa carrière, lui montrant qu’ainsi on ne l’oublie pas, qu’on le reconnait et qu’on le renforce dans ses certitudes d’être si bien ou si mal analysé, dans sa déception ou son énervement d’être si mal critiqué par des platitudes de critiquailleur-connaisseur pourtant bien mal placé pour se valoriser en grand spécialiste avisé et pétillant de son grand-œuvre qu’il a lui construite, bâtie, déployée et délivrée au monde entier.

Cela dit, venons-en enfin à des notions parfois sibyllines et peut-être extravagantes : notre artiste musicien du jour, fier de ses cinquante années de disques (plus de 69 solo selon discogs) et supports en tous genres aurait-il en effet bâti une œuvre (un grand-œuvre plutôt) et ce petit dernier (10 titres et 42 minutes) serait-il l’aboutissement, le sacre automnal – c’est la saison – la consécration de cet alignement géant (et un peu foutraque) de pièces-puzzles courtes et longues et de cette galaxie orgiaque tous azimuts, élaborée patiemment, sans relâche, parfois redondante, pas toujours disponible, souvent cachée et rare comme si ce trésor était jalousement gardé par des gardiens susceptibles, peu amènes, et envieux. 

Pascal COMELADE a, pour remédier à cela, publié une somme en 2016 (boite, coffret in-rangeable irréductible et irréfragable, qui se déplie/déploie et se met littéralement en quatre) de six CDs retraçant de façon pratiquement définitive l’œuvre en griffonnant (salopant un peu) les repères pour s’y retrouver, mais avec une telle générosité que l’on se laisse guider (envoûter) par tant de splendeurs disparates et un peu dispersées, hétéroclites et surprenantes, une suite chronologique mais fourmillante, les repères et les bornes raturées et fléchées par l’auteur dans un livret labyrinthique qu’il a du remanier, remixer et remiser jusqu’à plus soif. 

Pourtant et après un demi-silence de deux ans, Pascal COMELADE a réitéré et poursuivi l’œuvre en 2020 avec le Cut Up Populaire (chroniqué comme il se doit chez RYTHMES CROISÉS) des collaborations avec Richard PINHAS (vieux complice en un seul mot) et Marc HURTADO, il a publié entre temps son Rien illustré sans aucun commentaire (la liste des œuvres parlant pour elles mêmes : les Avis aux inventeurs d’épaves étant des pochettes de disques « à la COMELADE »).

Le Cut Up Populaire (version augmentée !) semblait être, avec ses 28 titres, un assemblage définitif celui là, des pièces, des styles et des postures comeladienne avec des versions alternatives de Sardana dels Desemparats, magnifique morceau dont on ne se lasse jamais depuis 1993 (Traffic d’Abstraction) ou 1996 (L’Argot du Bruit) et ses multiples reprises jusqu’à 2016 (dans Le Rocanrolorama Abrégé). 

Pourtant au milieu de l’année 2022, sans crier trop gare tel un chef hagard sans casquette ni sifflet, Pascal COMELADE, jamais dispersé, un peu moins désespéré, pas du tout distrait et encore moins disparate, déprisé et pas le moins du monde déprécié ni discrédité, du haut de son énergie et de son infatigable humour, publie pour notre très grand plaisir un nouvel album solo à la rentrée musicale, début septembre (afin d’être sur les rangs pour les prix de fin d’année)  Le Non-Sens du Rythme (hommage discret et croisé à votre site préféré), soit 10 titres et 42 minutes pour lesquels il fait appel à quelques invités prestigieux aux instruments :  Jac BERROCAL (trompette), Tony TRUANT (des WAMPAS), Xarim ARESTÉ (guitare), Fakir TREMOLO (violoncelle), ainsi que des somptueux collages raccords : Raph DUMAS, Kurt SCHWITTERS et son Ursonate, sorte de lamentation fantomatique et primitive et enfin René VIENET (situationniste, sinologue et cinéaste) en récitant sur le dernier long morceau l’Orgie Parisienne, texte d’Arthur RIMBAUD de 1870.

Les morceaux défilent plutôt allégrement, jusqu’à « La Musique hypertrophique des Remontoirs » splendeur totale (reprise sur le dernier morceau en catimini) et nouvel étendard et bannière de l’art comeladien. Notre musicien s’empare tout seul de la petite musique charivarique de l’album à cet instant là et ne nous lâche plus, vaste assemblage de pièces  instrumentales compliquées à décrire et qui valent mieux être écoutées que disséquées (paresse inévitable du critique s’en sortant avec pirouettes maladroites).

Pour terminer (en lâcheté), un presque anagramme (deux m rajoutés) pour rester dans le ton de cette pastille semi-improvisée : Pascal COMELADE ou plutôt El Paco Sca(m)dale ou alors Malcol(m) Escapade ne cesse de nous ravir, ne cesse de nous emmener avec lui, ne cesse de nous surprendre ; tous ses déguisements et toutes ses panoplies (voir la pochette) nous proposent de biens jolis moments, enchantés, enchanteurs, comme devant un magicien (chez Guignol, bravo l’artiste) à l’ancienne qui renouvelle sans cesse ses tours et ses subterfuges, ses passe-passes délicats et malicieux.

Avec cet album, qui n’est plus du tout ultime, nous sommes face à face avec Pascal COMELADE, toutes oreilles attentives, comme des enfants subjugués par tant de joie immédiate, les yeux humides et les lèvres entr’ouvertes, béats d’admiration devant tant d’ingéniosité naïve mais pas tant que ça, ou de figures musicales décalées et volontairement dépouillées, bref du grand art.

Xavier Béal (Axel Braive)  

Page : https://comelade.bandcamp.com/album/le-non-sens-du-rythme

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