Blaine L. REININGER & Steven BROWN – Monte Alban

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Blaine L. REININGER & Steven BROWN – Monte Alban
(Independent Recordings)

Disponible lors du dernier passage de TUXEDOMOON au Divan du Monde à Paris en décembre dernier, ce CD marque une nouvelle collaboration entre Blaine L. REININGER et Steven BROWN. Composé et enregistré entièrement au Mexique où vit BROWN, non loin de Monte Alban (site archéologique de la culture zapotèque, civilisation amérindienne précolombienne) et d’Oaxaca, cet album est profondément marqué par les lieux et l’histoire de cette ville et de ses environs. Il fut enregistré au théatre Juarez (le seul endroit de la ville possédant un grand piano) et mixé près de la maison de Benito JUAREZ (1806-1872) , une figure historique très importante ; en fait, il fut le premier président indigène zapotèque du Mexique qui a notamment résisté à l’invasion française et restauré la république mexicaine en appliquant des mesures libérales comme la liberté de la presse et la séparation de l’église et de l’État.

Ce disque peut sembler au premier abord monotone et ennuyeux, parce que les deux musiciens ont choisi uniquement une instrumentation classique : piano, instruments à vent (saxo alto, clarinette) et à cordes (violon, alto), orgue. Disons que cette musique tendrait à se rapprocher davantage de ce qu’ils ont pu faire tous les deux par le passé ou si nous devions la comparer à certaines oeuvres de TUXEDOMOON pour son coté résolument non rock, à Divine et à The Ghost Sonata. Ici, il n’y a pas de guitare, de basses, de sons électroniques ni de boîtes à rythmes.

Monte Alban mélange des sonorités néo-classiques et contemporaines où la musique offre une palette sonique, certes avant tout assez sobre avec les nombreux duos piano/violon, mais qui sait aussi être assez vivante et variée de par la présence de quelques subtils éléments colorés.

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Les ambiances sont des plus contrastées, tour à tour dramatiques et austères (Colibri ou surtout 6 avec un piano au son très profond et les envolées tristes du violon), épiques ou plus mystérieuses ; parfois, nous sommes confrontés à quelques sursauts mélodiques apportant un aspect plus léger et aérien à la musique (First Song, Air Loving).

Chaque composition est imprégnée d’une atmosphère particulière, oscillant entre une retenue austère et une douce frénésie virevoltante, nous prouvant ainsi que cette musique est en constante évolution ; pour exemple, le très inspiré Ares March qui, pendant huit minutes, livre divers thèmes se voulant dramatiques, sombres ou plus romantiques.

Ce disque présente de très beaux duos entre le piano et le violon ou l’alto. L’ambiance ici est grave, où flotte un fort sentiment de tristesse et de solitude. C’est d’un classicisme éclatant, telle la bande-son d’un vieux film en noir et blanc et muet ! Nous avons l’impression de suivre les personnages au fil de la musique.

Heureusement, la présence de l’orgue permet aussi d’élargir le cadre sonore restreint et austère proposé par les instruments dominants que sont le piano et le violon. Cela a pour effet d’ajouter une atmosphère supplémentaire quasi-hypnotique. D’abord, sur Air on Loving, il y a un son d’orgue presque sacré qui possède même des réminiscences de certaines chansons de TUXEDOMOON.

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Puis, il y a Walking the Dog with Mssr. M., qui s’avère être le morceau le plus rythmé de l’album ; il prouve aussi que les musiciens sont capables de franchir d’autres frontières sonores, en s’éloignant du classique. En effet, sont privilégiés des sons d’orgues très sixties/seventies et minimalistes joués dans l’urgence, et qui sont un peu comme une suite logique au Church of Anthrax de John CALE et Terry RILEY.

Il en est de même avec la clarinette et le saxo alto qui apportent une certaine chaleur aux compositions concernées telles que Colibri et Walking the Dog with Mssr. M. Cet album pourrait sembler monotone et difficile d’accès surtout pour ceux qui n’ont pas l’habitude d’écouter ce style de musique néo-classique, mais pour les autres, vous constaterez, après une écoute sérieuse, que l’ensemble ne manque pas d’atouts pour vous séduire. C’est une musique qui n’oublie pas d’être envoûtante, comme avec Piano Vignette, où les instruments jouent une mélodie sensuelle idéale pour un tango.

Avec pour toile de fond Monte Alban et ses vastes paysages mexicains où rôdent le fantôme de JUAREZ et la bienveillance de QUETZALCOATL, le serpent à plumes, cette nouvelle collaboration entre BROWN et REININGER est un beau disque d’ambiances nostalgiques, mélancoliques, d’un autre temps et d’un autre monde. Nous percevrons l’osmose très forte entre les deux musiciens. Et comme le fait remarquer Blaine L. REININGER, cette musique est le fruit d’une relation quasi-télépathique au niveau créatif qu’il entretient depuis plusieurs années avec son complice Steven BROWN.

Cédrick Pesqué

Site : http://www.independentrecordings.com/

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