David SYLVIAN – Blemish
(Samadhi Sound)
En 2003, les fans de David SYLVIAN ont été plus que gâtés. La série du bonheur a débuté en effet avec la parution « surprise » d’un album étonnant (dont il est question ici) sur le nouveau label de l’artiste, s’est poursuivie avec un concert parisien inoubliable à la Cigale le 27 septembre, et s’est conclu en apothéose avec la luxueuse réédition de ses quatre premiers opus en solitaire. L’introductif Brillant Trees, l’instrumental Alchemy : an Index of Possibilities (objet de convoitise devenu très vite rarissime), le monolithique Gone to Earth et l’intimiste Secrets of the Beehive ont ainsi tous bénéficié d’un superbe lifting sonore et visuel, et se sont vus enrichis pour la plupart de titres bonus à l’intérêt non négligeable. Sans oublier le CD-single japonais World Citizen (Warner Music) que le chanteur anglais a enregistré en compagnie de son vieil ami Ryuichi SAKAMOTO, à qui l’on doit conjointement Forbidden Colours, le célèbre thème du film Furyo de Nagisha OSHIMA.
Et pour ceux qui n’auraient pas encore épuisé les dernières ressources de leur porte-monnaie, trois albums de JAPAN (groupe d’origine du maître pour ceux qui ne le sauraient pas encore) ont également subi la remastérisation ultime, ainsi que le projet RAIN TREE CROW, chef-d’œuvre absolu de pop hybride enregistré en 1991 par David SYLVIAN et ses anciens comparses Steve JANSEN, Richard BARBIERI et MICK KARN, ici autrement plus inspirés que par le passé.
Mais revenons à l’œuvre qui nous intéresse, à savoir Blemish, premier album de David SYLVIAN à avoir vu le jour chez Samadhi Sound, label indépendant qui on l’espère permettra à son fondateur de continuer à créer librement et sans la moindre pression ou contrainte commerciale. Précisons ici que SYLVIAN vient juste de divorcer avec la maison Virgin, après une vingtaine d’années de bons et loyaux services. Blemish, accusant 43 (trop courtes) minutes au compteur est un album qui peut dérouter à la première écoute de par son contenu à la fois minimaliste et biscornu, mais qui livre toute sa substance émotionnelle pour peu qu’on veuille bien s’y attarder un peu.
À des années lumières de la grosse production d’un Dead Bees on a Cake, dernier « vrai » album solo en date et nouveau chef-d’œuvre de pop sophistiquée au potentiel de séduction immédiat, Blemish est une œuvre hyper-intimiste et dépouillée, entièrement composée et produite à domicile.
Le contenu de l’album pourrait se définir comme une sorte de rencontre entre style électro « branché », ambient atmosphérique, pop acoustique et musique improvisée. En effet, quelques parties de guitares acoustiques peuvent s’avérer pour le moins déconcertantes ! Mais le bonheur reste intact, et si les huit perles sous éther que regroupe l’album sont dans l’ensemble animées par les textures synthétiques et les mélopées et autres effets de guitares dont seul David SYLVIAN a le secret (ainsi que ceux de Derek BAILEY, invité sur trois titres), elle n’en restent pas moins dominées par la voix chaude et suave de celui-ci (une des plus belle voix de la pop, allons-y franco), omniprésent ou presque au niveau du chant.
David SYLVIAN prouve donc une nouvelle fois qu’il est un artiste rare et précieux, un indémodable qui se bonifie avec le temps tout en se renouvelant constamment. En conclusion, je conseillerai au néophyte qui souhaiterait débuter son voyage en terres sylvianesques de se pencher en priorité sur un disque antérieur du musicien anglais (n’importe lequel fera l’affaire, avec une préférence cependant pour le définitif Gone to Earth !). Les autres peuvent prendre leur billet sans hésitation.
Philippe Vallin
Site Web : www.davidsylvian.com
(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°14 – décembre 2003)