ONE SHOT – 111

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ONE SHOT – 111
(Le Triton)

Dès sa naissance en 1998, le groupe ONE SHOT impose une signature sonore que confirmeront et affirmeront les neuf albums du groupe (*). Si la sonorité de ONE SHOT ne peut nier une affinité avec celle de MAGMA, où, à l’exception de Daniel JEAND’HEUR, batteur du groupe, tous ont affûté leurs armes pour des durées variables, on parlera cependant moins d’influences structurelles avec le grand ancêtre – toujours bien vivace – que de parenté de climats (tensions paroxystiques, ferveur dramatique). La première impression, persistante, est bien ici l’osmose. Elle est omniprésente à travers tous les opus du groupe, ainsi que lors de chacune des prestations de ONE SHOT.

Longtemps marqué par les sonorités torturées de la guitare de James McGAW (https://www.rythmes-croises.org/james-mac-gaw-un-enfant-de-magma-sest-envole/), membre du groupe depuis sa fondation en 1998 et décédé le 8 mars 2021, ONE SHOT nous présente ici la nouvelle instrumentation du groupe. C’était un pari à relever, et c’est un pari réussi. Le parti pris délibéré de se passer de guitare conduit le groupe à la cohabitation des deux pianistes qui s’y sont succédé, Emmanuel BORGHI et Bruno RUDER, tous deux anciens pianistes de MAGMA La basse est tenue avec la rigueur et la profondeur jamais démentie d’un Philippe BUSSONNET qui apporte à cet album 111 une superbe composition de douze minutes, Mustang, suivie d’une pièce très sobre, Mustang Coda.

Alchimie sonore donc, que cet album 111, et ce, à plus d’un titre. L’instrumentation, batterie, basse, deux claviers, n’est pas sans évoquer l’album Third de SOFT MACHINE. Mais l’analogie avec le groupe anglais ne va pas au-delà de celle des parentés de timbres liées à l’usage des Rhodes Fender saturés par exemple. Certes, chez ONE SHOT, on n’est pas non plus avare de métriques impaires et de dissonances (quartes augmentés, mesures à cinq temps), mais ce qui frappe d’emblée l’auditeur est le caractère puissamment monolithique de cette musique dont l’osmose doit quelque chose aux liens solides qui lient entre eux les quatre musiciens.

Nous avions déjà eu l’occasion de souligner le travail considérable de Daniel JEAND’HEUR et de Bruno RUDER aux côtés de James McGAW lors de la réalisation de son magnifique et, hélas, dernier album en 2021, La Fin des Temples (https://www.rythmes-croises.org/james-mac-gaw-une-filiation-zeuhlienne/).

Le caractère alchimique de la musique de ONE SHOT tient à la maturité et à la vitalité de leurs compositions et de leur interprétation : les enregistrements en studio du groupe sont précédés du passage au feu de la scène et la fougue que ces musiciens y déploient est aussi bien présente au studio. Rendons hommage au Triton, temple de la création musicale dont les organisateurs ont su détecter très tôt le grand talent de ce groupe et ont mis leurs moyens techniques à la disposition de ONE SHOT pour la réalisation de cet album 111.

Si Daniel JEAND’HEUR est le seul membre du groupe à n’avoir pas effectué de passage chez MAGMA – mais il semble que le poste de batteur y soit déjà occupé par un certain Christian VANDER – on ne peut éviter de relever des similitudes entre son jeu et celui du fondateur de MAGMA : puissance du jeu, virtuosité oscillant entre retenue et explosion, sonorité profonde, soutien indéfectible… Auquel s’associe la basse terrienne de Philippe BUSSONNET qui donne dans ce groupe toute la mesure de son talent d’instrumentiste et de compositeur. Adepte de la première heure de l’accordage de la basse en quintes (comme l’avait inauguré Janik TOP au sein de MAGMA -do/sol/ré/la au lieu de mi/la/ré/sol-, tandis que sa sonorité serait peut-être plus proche de celle d’un John WETTON tel qu’on peut l’entendre sur l’album Red de KING CRIMSON), son jeu s’articule entre l’ancrage rythmique de la batterie et le soutien des harmonies du piano.

Et tour à tour, assurant maintien de la structure et chorus bouillonnants, Bruno RUDER et Emmanuel BORGHI tiennent les claviers avec une complétude du plus bel effet. Le résultat est époustouflant d’énergie et de ferveur. Chacun d’eux est aussi compositeur, et c’est avec bonheur que l’on trouve, peut-être en hommage à James McGAW, une superbe version du Mérovée de Bruno RUDER. L’album s’ouvre sur la splendide pièce solennelle Off the Grid d’Emmanuel BORGHI qui, malgré son rythme posé (mais sur une mesure à dix temps), nous conduit à une apogée proche de la transe, procédé qui est une des signatures du groupe. La pièce Mustang Coda, qui conclut l’album, se veut d’une retenue proche du recueillement : Philippe BUSSONNET y fait preuve d’une sobre délicatesse toute en retenue.

Cet album est un voyage, un nouveau voyage, dans un univers qui ne vous est peut-être pas encore familier mais qui, exploré depuis vingt cinq ans désormais par ONE SHOT, renforce à chaque saison sa détermination et sa puissance sonore. Ne manquez pas 111 et, dès que possible, allez écouter sur scène ONE SHOT, c’est un groupe exceptionnel.

Philippe Perrichon

Commander le disque sur le label du Triton.

(*) Discographie de One Shot :

1999 : One Shot
2001 : Vendredi 13
2006 : Ewaz Vader
2008 : Dark Shot
2010 : Reforged
2011 : Live In Tokyo
2015 : Intégral 1999/2010 (coffret)
2022 : À James (Live)
2023 : 111

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