DUPLEX – Maelstrom

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DUPLEX – Maelstrom
(ARC Music / Disques DOM)

Duplex ? Maelstrom ? Le rapprochement de ces deux termes a quelques chose de confondant. Comment un dispositif de mise en communication de deux espaces pour n’en former qu’un peut-il engendrer un phénomène maritime de remous et de tourbillons potentiellement dramatique ? Une chose est sûre quand on se retrouve dans pareil cas, c’est qu’on risque d’être secoués ! Et secoués on est effectivement à l’écoute de ce disque qui se présente comme un voyage à travers le monde, mais qui n’a rien d’une croisière lymphatique. Au contraire, nos sens comme nos repères ou nos attentes en sont quittes pour subir un délitement qui, cependant, s’avère bigrement jouissif. Il est l’œuvre d’une formation musicale qui jette ici ses premiers dés. Son nom, DUPLEX, pourrait laisser croire qu’il s’agit d’un duo. Ce n’est pas exactement le cas, même s’il est porté par deux piliers de la scène musicale belge, mais qui évoluent d’ordinaire dans des univers sonores différents et qui n’étaient donc a priori pas faits pour se rencontrer. Mais quand on a en commun le goût de l’audace et de l’intrépidité, toutes les alliances sont possibles.

Les deux murs porteurs de DUPLEX se nomment Didier LALOY et Damien CHIERICI. La réputation du premier dans le domaine folk ne date pas d’hier, tant son nom est devenu synonyme, non seulement en Belgique, mais aussi en Europe, du renouveau de l’accordéon diatonique, instrument dont il s’est passionné dès l’âge de treize ans et avec lequel il a imposé un talent précoce et un style résolument novateur. Il est vrai que Didier LALOY a, des années 1990 à aujourd’hui, collaboré à maints projets évolutifs comme PANTA RHEI, GARAM MASALA, TRIO TRAD, URBAN TRAD, TREF, ACCORDION SAMURAI et d’autres encore, sans oublier S-TRES, le premier projet qu’il a initié, et ses collaborations avec Jean-Philippe RENAULT, MILANN, Fabian BEGHIN, TUUR FLORIZOONE, Kathy ADAM (BELEM, puis BELEM & THE MEKANICS), Quentin DUJARDIN, etc.

Le second, Damien CHIERICI, est connu pour sa passion du violon, dont il a développé les ressources hors du cadre classique, en lui ajoutant de l’amplification et des pédales d’effets, et dont il joue en utilisant la technique du « plucking », généralement utilisée pour la guitare basse. Compositeur et arrangeur, Damien CHIERICI a imposé son instrument et son inspiration sur la scène pop et rock de Liège, notamment avec les groupes indé-folk YEW, DAN-SAN, KOWARI, etc., et a collaboré à de nombreuses musiques de films.

LALOY et CHIERICI évoluaient donc dans des eaux différentes, jusqu’à ce qu’un singulier courant de marée les amène à se rencontrer, à l’occasion – très symptomatique – d’un projet autour de la musique du groupe NIRVANA ! Le DUPLEX ainsi créé autour de l’accordéon diato de l’un et le violon de l’autre a bientôt ouvert ses portes à deux autres talents, celui du batteur Olivier COX (SHARKO, NOA MOON, DAN-SAN) et du claviériste Quentin NGUYEN (entendu chez Sébastien HOGGE, dans les groupes SUPER SKA, TANÄE), sous la supervision du producteur et conseiller artistique Poney GROSS.

Au vu de l’instrumentation réunie, on se doute que DUPLEX, faux duo mais vrai quartette, fait résonner du « gros son » tout en s’adonnant à une entreprise de défrichage sonore haute en couleurs qui débouche sur un Maelstrom d’images.

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La formation rappelle quelque peu celle du fameux groupe breton RED CARDELL, à la différence près que DUPLEX ne fait appel aux mots et pratique donc une musique strictement instrumentale, misant sur la mélodicité florissante de l’accordéon, les nappes amplifiées et les secousses du violon, mais aussi les frappes à la fois lourdes et lestes de la batterie, les couches électro-atmosphériques des claviers, auxquels s’ajoute la trompette planante d’Antoine DAWANS sur Broken Leaf.

D’une composition à l’autre, on décèle bien évidemment des thèmes aux racines folk, mais assez éclectiques, piochant dans le fond belge, anglo-saxon, balkanique, sud-américain, et tant qu’à faire norvégien (l’album ne s’appelle pas Maelstrom par hasard…).

Mais tous ces ports d’attache initiaux sont bien vite emportés dans des remous structurels et des tourbillons soniques qui leur confèrent une dimension cinématographique forte en émotions, avec ses moments d’exubérance et ses instants de contemplation, ses poussées de tension et ses îlots de détente, parfois au sein d’une même composition, qui peut alors bénéficier de contrastes climatiques assez saisissants.

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Le carnet de voyage que déplie DUPLEX à travers ses titres de morceaux passe du métro londonien (Bakerloo Circle) aux chutes de Wapta en Colombie britannique au Canada (Wapta Falls), franchit le pic le plus élevé de la chaîne montagneuse du Pirin, en Bulgarie (Vikhren) pour aboutir à l’ouest de la côte bretonne (Valse d’Ouessant, où résonnent étrangement des échos du Kashmir de LED ZEPPELIN !) ; et dans cette mer (O’mar) que l’on sillonne sur un thème de tango chaviré dans un navire à grande vitesse (Cabestan’Go), on découvre une maison magique (Magic House) et on part à la recherche d’un légendaire document crypté permettant de localiser l’emplacement d’un trésor (The Cryptogram of La Buse), ce qui n’empêche pas de faire escale à Padoue le temps de danser une Pavane. C’est dire si le « travelogue » de DUPLEX a le sens du cinéma d’auteur autant que celui du film d’aventures exotiques !

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Si Maelstrom pourra décontenancer l’amateur de stricte musique folk, il séduira plus sûrement tout amateur de folk évolutif et progressif. De toute façon, avec Didier LALOY à bord, il fallait bien se douter que ce DUPLEX aurait forcément le goût de l’expédition en eaux profondes, qu’elles soient troubles ou lumineuses.

Stéphane Fougère

Site : http://duplexmusic.be

Page label : https://store.arcmusic.co.uk/maelstrom.html

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