Sainkho NAMTCHYLAK Feat. William PARKER & Hamid DRAKE – Un film de Guy GIRARD (DVD)
(La Huit)
En mars 2004, Sainkho NAMTCHYLAK se produisait sur une scène de Pantin, en région parisienne, dans le cadre du festival Banlieues Bleues, en compagnie de deux figures d’un certain jazz affranchi, le contrebassiste William PARKER et le percussionniste Hamid DRAKE. Le réalisateur Guy GIRARD a filmé ce concert et en restitue ici sa vision. En fait, son film n’est pas uniquement constitué de la captation du concert.
Dans une perspective qui s’inscrit dans la ligne esthétique de la collection de DVD Freedom Now (« écouter le film… regarder la musique »), qui cherche à nourrir une réflexion sur les rapports entre image et musique, il a tenté de scruter au plus près le mystère inhérent à la pratique vocale si singulière de la chanteuse touvaine.
Ainsi le film commence-t-il sur la même image que celle qui le termine : SAINKHO, dans un taxi, absorbée par sa pensée. Est-elle perplexe ou rassérénée ? La réponse est aussi incertaine que le sont ces images artistiquement floues qui apparaissent par intervalles, signifiant peut-être que l’image réaliste et surlignante ne peut tout révéler de ce que SAINKHO, PARKER et DRAKE ont eu à nous dire ce soir-là.
Car il n’est pas question de réduire le propos artistique du trio à une simple « fusion » entre jazz et world ; l’expression est bien trop impropre à désigner cette musique qui évolue par-delà les repères usuels des deux genres.
Le long d’une plage musicale en forme de litanie atteignant la demi-heure, les envols gutturaux, les cris de hulotte, les grognements, stridulations, murmures ou déchirures glottales de SAINKHO sont encadrées, au plus près par un Hamid DRAKE et un William PARKER au diapason et à l’écoute aiguisée. Puis chacun se saisit d’une percussion pour accompagner SAINKHO sur une pièce finale plus dynamique qui renforce d’autant le caractère chamanique de la performance.
Aux images du concert et des coulisses s’ajoutent aussi des images d’extérieur filmées depuis un train et traitées en négatif coloré. Tout comme ces passages d’abstractions floutées déjà évoqués, elles pointent une autre perception dimensionnelle, un autre espace temporel qui serait en quelque sorte celui dans lequel baigne SAINKHO quand elle vocalise. Le silence, massif et impitoyable, a de même son mot à dire, notamment lors des scènes en coulisses.
Certes, Sainkho NAMTCHYLAK livre aussi quelques mots devant la caméra : lisant un poème, ses gammes, ou dissertant sur ce qu’elle visualise ou ne visualise pas quand elle chante. Mais l’énigme reste inoxydable.
Il ne s’agissait pas d’expliquer, ni de faire un cours, juste d’effleurer les résonances de cette incantation musicale. Et l’on se retrouve en fin de visionnage dans le même état que SAINKHO dans son taxi : perplexe et interdit.
Stéphane Fougère
Label : www.lahuit.com
(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n° 41 – hiver 2009)