YAMATO Ensemble – Japanese Music by Michio MIYAGI (Volume 1 & Volume 2)

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YAMATO Ensemble – Japanese Music by Michio MIYAGI (Volume 1 & Volume 2)
(ARC Music)

Au début du XXe siècle, la musique traditionnelle japonaise s’est inscrite dans un processus de modernisation fondé sur l’influence occidentale. Michio MIYAGI (1894-1956) fut l’un des premiers protagonistes de ce processus. Ce compositeur doublé d’un joueur de koto parmi les plus grands a composé sa première pièce, Mizu No Hentai, à quatorze ans. À cet âge, il avait déjà perdu la vue depuis six ans, ce qui a renforcé sa détermination à se frayer un chemin dans la maîtrise du koto. Il est alors devenu le disciple de Nakajima KENGYO II, de l’école Ikuta. C’est en Corée qu’il apprit le koto et le shakuhachi et, de retour à Tokyo, il donna son premier concert à vingt-cinq ans et se mit à composer des pièces qui devinrent emblématiques de ce mouvement que l’on nomma la « nouvelle musique japonaise », qui intégra des éléments de musique occidentale dans la musique traditionnelle japonaise, ce qui permit d’éviter à cette dernière la sclérose.

Michio MIYAGI a de même joué avec un orchestre, une forme instrumentale inconnue dans la tradition japonaise (si ce n’est peut-être dans la musique de théâtre gagaku). Dans cette perspective d’exploration des potentialités de la musique, Michio MIYAGI a aussi repensé la fabrication de certains instruments traditionnels et inventa même de nouveaux types de koto, comme le jushichigen (17 cordes), le hachijugen (80 cordes !) et le tangoto (petit koto) ; ou encore
le dai-kokyu (grand violon chinois).

Non content d’avoir contribué à l’écriture d’un nouveau chapitre de l’évolution de la musique japonaise, Michio MIYAGI a également participé à des moments-clés de l’histoire radiophonique du Japon puisqu’il fut le premier artiste à donner un récital en direct à la radio NHK (en 1925).

De plus, la célébrité du personnage ne s’est pas cantonnée aux frontières de son pays, puisqu’il fut révélé en France et aux États-Unis par l’enregistrement en 1932 de son illustre et sublime pièce Haru No Umi (écrite en 1929) avec la violoniste française Renée CHEMET.

Les enregistrements originaux de Michio MIYAGI parus d’abord en LP ont été réédités en CD par des labels japonais hélas guère diffusés en Europe. On doit donc se contenter des interprétations des œuvres de Michio MIYAGI que certains artistes japonais inspirés par celui-ci ont consenti à enregistrer pour des labels bien de chez nous. Rappelons à cet égard que le couple Tadao et Kazué SAWAI, deux réputés joueurs de koto, ont déjà enregistré en 1995 un CD entièrement dédié au répertoire de MIYAGI sur le label Playasound (Koto Music : Tadao SAWAI plays Michio MIYAGI).

C’est désormais au tour de l’Ensemble YAMATO, déjà révélé par deux albums de musique traditionnelle japonaise chez ARC Music, de s’atteler à la tâche, et son hommage à Michio MIYAGI s’étale sur deux albums, vendus séparément. (Un double album eut été plus judicieux.) À la base de ce quartet, on trouve le joueur de flûtes shakuhachi et shakuroku Richard STAGG et la joueuse de koto et de luth shamisen Kikukoh SATOH (également chanteuse). Ils sont ici complétés par Yuko NAITO au koto et au jushichigen et par la chanteuse soprano Mika KIMULA.

Les pièces choisies par l’Ensemble YAMATO rendent compte de la diversité des styles investis par Michio MIYAGI. On y trouve des compositions modernes de type shinkyoku pour koto et shakuhachi (le fameux Haru No Umi dans le volume 1), des morceaux relevant de la musique de koto, dénommée sokyoku (Seoto, Sarashi-fu Tegoto, joués par deux kotos, dans le volume 1 ; Isuzugawa et London No Yoru No Ame dans le volume 2), des pièces vocales de type kakyoku, lequel est inspiré par des formes de chant occidentales (Beni Sobi, Kumo No Anata-Ni dans le volume 1, Sekire dans le volume 2) et des pièces épiques mêlant parties chantées et longues séquences instrumentales dans le style tegotomono (Haru No Yo, Koma No Haru dans le volume  1 ; Mishu No Musashino et Mizu No Hentai dans le volume 2).

La majorité de ces compositions révèlent une influence de la musique occidentale, la gamme pentatonique majeure venant s’ajouter à la gamme mineure, sans rien sacrifier à la force d’évocation naturaliste typique de la tradition japonaise : mers, nuages, temples, oiseaux, arbres, bruissements de feuilles, bruits de pas, gouttes de pluie, paysages printaniers et vespéraux sont ainsi au programme, et sont traduits par des techniques de jeu au koto et au shakuhachi qui ont révolutionné leur époque.

Cette empreinte de la musique occidentale dans l’œuvre de Michio MIYAGI (qui ne l’a pas empêché d’emprunter aussi à des formes plus anciennes de musique japonaise) devrait éventuellement permettre à l’auditeur occidental peu versé dans la musique traditionnelle japonaise d’aborder cette dernière avec relativement plus de facilité.

Deux volumes ne sont évidemment pas suffisants pour prétendre à l’exhaustivité de la représentation du répertoire de Michio MIYAGI (plusieurs CD seraient nécessaires…), mais la sélection de l’Ensemble YAMATO a le mérite d’alterner morceaux « incontournables » et compositions moins connues dans des proportions quasi égales.

Dans tous les cas, cet hommage à celui qui fut surnommé le « BEETHOVEN du koto » devrait ravir les oreilles sensibles aux dimensions picturales et aux visions poétiques de ce compositeur prolifique et novateur disparu prématurément.

Stéphane Fougère

Site sur Michio MIYAGI : www.miyagikai.gr.jp/

Label : https://store.arcmusic.co.uk/japanese-music-by-michio-miyagi-vol-i.html

https://store.arcmusic.co.uk/japanese-music-by-michio-miyagi-vol-2.html

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°38 – Printemps 2008)

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