DENGUE FEVER – Venus on Earth

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DENGUE FEVER – Venus on Earth
(Real World)

L’histoire de DENGUE FEVER commence par un voyage. Ethan HOLTZMAN, musicien basé à Los Angeles, rapporte du Cambodge des cassettes de la vague pop cambodgienne des années 1960-70. Il s’agit d’enregistrements de Sinn SISAMOUTH, Ros SEREY SOTHEA, etc., qui s’inspiraient à la fois de la musique traditionnelle, du chant populaire et surtout de la musique moderne occidentale. Ces artistes eurent un grand succès à l’époque au Cambodge, succès qui n’a pas survécu au régime des Khmers Rouges après avril 1975 où les artistes, penseurs et bien d’autres disparurent.

Le chanteur Sinn SISAMOUTH a dirigé l’orchestre du palais du roi jusqu’en 1970 où il chantait des morceaux traditionnels et contemporains. Il avait en plus de ses propres compositions, importé de nombreuses mélodies occidentales au Cambodge en écrivant de nouveaux textes en khmer. Ros SEREY SOTHEA, quant à elle, chantait pour la radio nationale et a interprété de nombreux duos avec Sinn SISAMOUTH. Elle a débuté avec des chansons romantiques puis s’est tournée vers d’autres genres.  Ces deux artistes, les plus connus alors au Cambodge, ont chanté des ballades, mais aussi de la pop, du rock, du psyché… accompagnés parfois de guitares électriques distordues et d’orgues sous acides.

De retour à Los Angeles avec ses cassettes de pop cambodgienne, Ethan HOLTZMAN cherche, avec son frère Zac, une chanteuse qui pourrait comprendre ces chansons et les interpréter. C’est ainsi qu’ils rencontrent dans un club de Long Beach la chanteuse Chhom NIMOL, originaire du Cambodge. DENGUE FEVER naît en 2001 avec Zac HOLTZMAN à la guitare et au chant, Ethan HOLTZMAN à l’orgue farfisa, Chhom NIMOL au chant khmer, Senon WILLIAMS à la basse, Paul SMITH à la batterie et David RALICKE aux saxophones et flûte.

Un premier album éponyme voit le jour en 2003 qui comprend principalement des reprises de hits cambodgiens rétros des années 1960-70 et deux compositions du groupe, aux forts accents asiatiques, tous chantés en khmer par Chhom NIMOL avec sa voix à la fois douce et nasillarde, très inspirée de la célèbre chanteuse Ros SEREY SOTHEA. Zac HOLTZMAN chante également en khmer. Le seul instrumental, le très beau Ethanopium, figure dans la B.O. du film Broken Flowers de Jim JARMUSH.

En 2005, DENGUE FEVER effectue une tournée triomphale au Cambodge durant laquelle ils sont filmés pour un film documentaire, Sleepwalking through the Mekong de John PIROZZI, hélas non encore diffusé en France. (À noter que John PIROZZI a réalisé également Don’t Think I’ve Forgotten – Cambodia’s Lost Rock, un documentaire sur l’histoire du rock cambodgien des années 1960-70.)

Cette même année, le groupe sort son deuxième album, Escape from the Dragon House, avec des compositions originales et une seule reprise. Les textes sont écrits en anglais par les frères HOLTZMAN puis traduits en khmer. Sur cet album, des textes commencent à être chantés aussi en anglais. Escape from the Dragon House comporte un clip vidéo en bonus qui nous permet de voir ce groupe de hippies modernes, ainsi qu’un remix dispensable.

Puis Peter GABRIEL accueille le groupe sur son label Real World, sur lequel DENGUE FEVER réalise son troisième album, Venus on Earth, qui ne comprend cette fois que des compositions originales des frères HOLTZMAN mais toujours inspirées par la même vague musicale cambodgienne. Venus on Earth est par certains côtés plus psychédélique (alors que les deux premiers albums était plus pop et rock n’roll), surtout son premier titre Seeing Hands.

Si certaines chansons sont toujours interprétées en khmer, d’autres le sont en anglais par Zac HOTZMAN qui assure toujours les chœurs et des parties de chant, et bien sûr Chhom NIMOL dont la voix s’adoucit lorsqu’elle chante en anglais. Tous deux interprètent un duo en anglais, Tiger Phone Card, qui semble répondre à leur duo en khmer du premier album, Thanks-a-lot, reprise d’un duo (Ma Pi Naok) entre les deux vedettes cambodgiennes Sinn SISAMOUTH et Ros SEREY SOTHEA.

Les cuivres, claviers, guitares, basse et batterie réussissent toujours, malgré une musique plus américanisée, à restituer l’ambiance de la pop cambodgienne de l’époque, entre le psyché, la pop, le blues, le rétro et la chanson romantique.

Le disque s’achève sur un « bonus » de rock n’roll psychédélique chanté en khmer qui n’aurait pas déparé il y a quarante ans dans les festivals. Ce morceau, One Thousand Tears in Tarantula, est issu du précédent album, mais la version est moins psyché-planante que l’original mais plutôt survitaminée dans sa nouvelle version.

Venus on Earth est une belle réussite, même s’il a plus sa place au rayon pop psychédélique que dans celui des musiques du monde.

Sylvie Hamon

Site : https://denguefevermusic.com/

Page : https://denguefever.bandcamp.com/

Label : www.realworldrecords.com

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°41 – hiver 2009)

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