GADALZEN – Le Tourment des lunes

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GADALZEN – Le Tourment des lunes
(Discoïdale / L’Autre Distribution)

En ces temps sombres où l’encouragement à la création dans l’hexagone avoisine le degré zéro, il peut paraître suicidaire pour un groupe folk de préférer adopter une démarche musicale novatrice plutôt que de se contenter de faire sagement danser dans les bals. Néanmoins, parce qu’il a fait ce choix, le groupe occitan GADALZEN apparaît comme un salutaire îlot de résistance pour tout amateur de musique traditionnelle transversale (et on suppose qu’il y en a encore…). Découvert avec un premier et déjà remarquable album en 2002 (Chromatophonies), ce quintet de Haute-Garonne affiche haut et fort son enracinement dans la culture occitane, tant musicale que littéraire, dont il incarne une forme de renouveau défini par une ouverture à d’autres sons, d’autres jeux…

Ainsi les influences en termes d’écriture de GADALZEN vont-elles du rock symphonique et planant des années 1970 à ses avatars indé-néo-progressifs des années 1990 en passant par d’autres musiques du monde. Quelques noms ? Qu’à cela ne tienne : PINK FLOYD, TOOL, KING CRIMSON, Michael McGOLDRICK, RADIOHEAD, Astor PIAZZOLA, Djivan GASPARYAN…

Mais la grande force de GADALZEN est de n’avoir pas chercher à photocopier ou à cloner le son de ces illustres références, mais bien d’avoir construit son propre son, son propre univers sonore et textuel, fruit d’un travail collectif.

C’est bien d’une musique à dominante acoustique dont on parle, mais qui fait bon usage de l’amplification, s’aventure dans la modalité, les gammes extra-occidentales, les tempéraments, et ose l’expérimentation sonore pour ciseler des séquences climatiques peu communes dans le folk ou pour donner du relief à ses harmonies, ou encore pour affiner sa dynamique. Plusieurs cordes (guitare douze cordes, bouzouki, guitare basse et très occasionnellement guitare électrique), un accordéon diatonique, un tin et un low-whistle, des cornemuses et du chant occitan façonnent cet univers étrange et à première écoute déconcertant.

Avec ce second opus tout aussi auto-produit que le premier, GADALZEN confirme son goût pour une esthétique progressive et des compositions sophistiquées soutenues par des textes à haute teneur poétique et ésotérique (peut-être un poil trop grandiloquente). Ce nouvel album porte en fait le titre d’un texte qui – on ne sait trop pourquoi – figurait dans le livret de Chromatophonies, Le Tourment des lunes, bien qu’il ne se rapportait à aucune composition de ce disque. Il faut croire que c’était en quelque sorte un « cliffhanger » conceptuel. Cela dit, Le Tourment des lunes (l’album) revêt une couleur générale un peu différente de Chromatophonies.

Aux élans volontiers ludiques et jubilatoires du premier album, GADALZEN a substitué en partie dans son nouvel opus des climats plus introspectifs, nuancés, voire plus sombres. Les arrangements sont en tout cas très riches et audacieux. Sur le plan rythmique notamment, GADALZEN a choisi de ne faire aucun usage de percussions ou de batterie. C’est une prise de risque parmi d’autres qui confèrent à GADALZEN sa spécificité sonore.

Le Tourment des lunes demandera sans doute un temps d’acclimatation et une disponibilité d’oreille optimale. Mais c’est le prix à payer pour connaître l’intimité lunaire…

Stéphane Fougère

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°18 – janvier 2006)

Site : www.gadalzen.com

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