Paolo ANGELI / Takumi FUKUSHIMA – Itsunomanika

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Paolo ANGELI / Takumi FUKUSHIMA – Itsunomanika
(ReR Megacorp / Orkhêstra)

Après son très goûtu  CD + DVD Tibi, Paolo ANGELI refait parler de lui discographiquement parlant avec ce nouveau CD qui  présente la particularité de l’écouter cette fois en duo. C’est le premier album qu’ANGELI co-signe avec l’un de ses compagnons de rencontres musicales  éphémères. Et pourtant il en a eu plein et  non des moindres (Fred FRITH, Pat METHENY,  Evan PARKER, Hamid DRAKE, William PARKER, Jon  ROSE…) ! Ici, il est donc accompagné de la violoniste et chanteuse japonaise Takumi FUKUSHIMA (ex-AFTER DINNER, RÂLE), que l’on retrouve avec plaisir vu que l’on était sans nouvelles d’elle depuis la cessation d’activité de VOLAPÜK, où elle a joué durant plusieurs années.

L’association guitare sarde préparée et violon, enregistrée live en 2010, pouvait faire croire à une rencontre purement improvisée à l’optique expérimentale et bruitiste. Tout faux, ou presque ! Certes, Paolo ANGELI continue à étaler toutes les capacités sonores de son engin, qui fait tantôt fonction de violoncelle, tantôt de guitare électrique, tantôt de basse, tantôt de percussion, mais la surprise est que cette grammaire est dans Itsunomanika au service d’un répertoire de chansons, interprétées par Takumi FUKUSHIMA, de sa voix parfois suave et fragile rappelant les accents enfantins ou aériens d’Iva BITTOVA, parfois grave, rocailleuse et grommelleuse comme une TENKO ou une Sainkho NAMTCHYLAK.

Parmi les treize compositions (dont bon nombre sont enchaînées) qui forment le set du duo, on retrouve quelques thèmes fétiches de Paolo ANGELI (Nita, l’Ultima Nave), copieusement réarrangés. Les autres pièces sont signées de Takumi FUKUSHIMA ou bien sont le fait (spontané) des deux protagonistes.

Comme on peut s’y attendre vu le contexte instrumental, ces thèmes et chansons sont retravaillées dans une perspective ouverte qui brouille les pistes mélodiques nourries des réminiscences folk respectives d’ANGELI et de FUKUSHIMA, les détourne, les dévie, les tire à hue et à dia pour les faire respirer dans un horizon inédit. Le format chanson est copieusement transcendé via tout un langage sonore fait de réverbérations, d’amplifications et ponctué d’obstacles bruitistes, de paniques distordues et d’embardées dissonantes.

Le duo de cordes passe insensiblement d’une séquence épurée et contemplative à des instants franchement grinçants et hystériques, traverse avec une égale aisance et complicité des paysages en apesanteur et des terrains nettement chaotiques, distillant sérénité trouble et frayeur confiante.

Free folk ? Pop expérimentale ? L’étiquetage est laissé à la bonne volonté de chacun, sachant que FUKUSHIMA et ANGELI se faufilent entre écriture et improvisation avec une insouciance et une insolence qui confirment leur grande complicité dans cette aventure qui n’a pourtant duré que le temps d’une poignée de concerts. Il en ressort un disque d’une beauté fulgurante et dérangeante, et que l’on espère voué au même statut culte que d’autres disques de duos mémorables, comme le Bile Inferno d’iva BITTOVA et de Vladimir VACLAVEK, le disque sans titre de la même Iva BITTOVA et de Pavel FAJT, Upstream de Geoff LEIGH et Yumi HARA, ou Ash in the Rainbow de HACO et Sakamoto HIROMI.

Stéphane Fougère

Label : www.rermegacorp.com

Distributeur : www.orkhestra.fr

(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°31 – janvier 2012)

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