Wu FEI – Yuan

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Wu FEI – Yuan
(Tzadik / Orkhêstra)

Un an après son premier album, A Distant Youth, la Chinoise Wu FEI sort son second opus sur Tzadik, ce qui risque fort de lui ouvrir les portes d’un nouvel auditoire ; c’est du moins tout le mal qu’on lui souhaite. Sur son opus précédent, on découvrait une musicienne qui, bien que jouant d’un instrument ancestral chinois chargé de tradition, le guzheng (provenant de la famille des cithares sur table), affichait déjà sa préférence pour la composition moderne plutôt que pour l’interprétation de pièces traditionnelles, et se commettait sans complexe dans des improvisations en compagnie de la violoniste Carla KIHLSTEDT et de Fred FRITH, dont elle a suivi l’enseignement au Mills College d’Oakland, après avoir étudié au Conservatoire de Pékin. Avec Yuan, ce sont les talents de compositrice contemporaine de Wu FEI qui sont mis en valeur,  bien plus que sa seule maîtrise instrumentale, laquelle ne se déploie que dans deux pièces sur les cinq que contient cet album. Comprenez par là que Wu FEI n’écrit donc pas uniquement pour son instrument, mais aussi pour d’autres, chinois ou occidentaux.

En ce sens, Yuan est une sorte d’anthologie de compositions de Wu FEI écrites entre 2003 et 2008, trois pour des instruments solistes et deux pour des ensembles, ces dernières provenant de captations live. On ne retrouve donc pas sur Yuan la même unité sonore que sur A Distant Youth ; la diversité est au contraire à l’honneur, sans doute pour mieux faire ressortir un cheminement fait de contrastes et d’orientations diverses.

Lou Lan est ainsi une pièce jouée uniquement sur des instruments traditionnels chinois autre que le guzheng : une flûte (dizi), un violon à deux cordes (erhu), un dulcimer (yangqin) et une percussion ouïgoure (shougu) renvoient l’écho des paysages mythiques de la Route de la soie, mais la composition n’est pas si traditionnelle qu’elle y paraît.

She Huo est une autre pièce empreinte de “sinité” puisqu’elle mêle un pipa (luth chinois) et le guzheng de Wu FEI aux vibraphones, gongs, marimbas, carillons, tambourins etc., de l’ensemble PERCUSSIONS CLAVIERS DE LYON. La pièce ménage souffles orchestraux et réflexions épurées, et Wu FEI y fait même entendre – trop brièvement – son timbre de voix.

Red Carriage fait de même entendre des percussions, cette fois jouées uniquement par un soliste, Shayna DUNKELMAN. On est cependant aux antipodes du solo démonstratif ou pédagogique ; marimbas, tom-toms et gongs brossent un paysage aux couleurs diversifiées et aux atmosphères troublantes.

Yuan? Yuan! Yuan… est LA pièce soliste de Wu FEI (il en fallait quand même bien une), qui joue pour l’occasion sur un guzheng préparé, ce qui lui permet d’exhaler de son instrument à cordes des sonorités guère exploitées dans un contexte traditionnel, et c’est impressionnant !

Avec la pièce finale, Before I Wake, divisée en cinq parties, toute référence de type chinois s’estompe au profit d’une coloration plus occidentale (mais en réalité universelle), puisque l’instrument soliste est ici un piano (joué par un collaborateur récurrent de John ZORN, Stephen DRURY).

Néanmoins, on imagine bien certains passages joués au guzheng, du fait de quelques affinités timbrales… En dépit d’un éclectisme qui pourra dérouter certains (ou en rassurer d’autres), Yuan donne une image panoramique de l’inspiration lyrique et intense de Wu FEI qui nous entraîne de la Chine ancestrale et moderne à l’Occident contemporain, une expédition rare et singulière dont les attraits ne se dévoilent qu’au fil de plusieurs écoutes exigeantes.

Stéphane Fougère

Site : www.wufeimusic.com

Label : www.tzadik.com

Distributeur : www.orkhestra.fr

(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°25 – mars 2009)

 

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